Pour les juifs, le plus dur est à venir
Laurent Sagalovitsch Facebook-Un Juif en cavale
L'empressement à reprendre sans la vérifier l'information donnée par le Hamas au sujet de l'hôpital bombardé doit nous alerter sur les ravages causés par un antisémitisme-antisionisme sournois.
Ce qui est pratique avec les juifs, c'est que lorsqu'ils ne sont pas coupables, ils le sont quand même –Kafka en sait quelque chose. La déréliction collective qui a suivi l'annonce, par le Hamas, de l'explosion d'un hôpital à Gaza nous dit combien chez certains, l'aversion envers tout ce qui touche le monde juif est profonde, tenace, intangible. Je l'ai déjà dit dans ces colonnes à maintes reprises, l'antisémitisme sous toutes ses formes et déclinaisons est l'une des pires maladies mentales qui soient, une aliénation totale de sa personnalité mise au service d'une haine pathologique du juif.
La raison pour laquelle de nombreuses voix se sont empressées de reprendre en chœur l'information fournie par le Hamas sans même chercher à la vérifier tient à ce que pour la plupart, elles désiraient qu'elle fut vraie, que oui, l'armée israélienne était bel et bien responsable d'un bain de sang. Si à rebours de toute considération déontologique, peu de personnes ont pris la peine de vérifier la pertinence de l'information, si beaucoup de monde a gobé comme un seul homme les apparents mensonges du Hamas, c'est que cette nouvelle, en fait, réjouissait profondément.
De cette jubilation malsaine qui a toujours traversé les peuples et les siècles et où le juif apparaissait comme l'incarnation du mal absolu, de l'empoisonneur de puits au voleur d'enfants, toute cette rage accumulée, cette rage insensée, cette rage métaphysique portée à son paroxysme par le régime nazi, entraîna la décision de tous les éliminer jusqu'au dernier.
En arriver à croire sur parole une organisation terroriste responsable quelques jours plus tôt d'un massacre d'une barbarie innommable dit à quel point, pour assouvir ses passions les plus tristes, on peut être prêt à toutes les compromissions possibles. Ne doutons pas un seul instant que si l'inverse s'était produit, l'information aurait été accueillie avec le plus grand des scepticismes, voire tenue comme fausse jusqu'à preuve du contraire.
Ici, rien de tout cela. Ni vérification, ni souci de croiser ses sources mais un emballement à diffuser les propos tels quels. Peut-être que certains, en apprenant la nouvelle, ont serré les poings de contentement et, du plus profond de leur être, se sont exclamés: «Je le savais, les Israéliens sont des monstres prêts à tout pour asseoir leur domination sur des populations mille fois humiliées.»
Après tout, si la condamnation des massacres perpétrés par le Hamas a été presque unanime, elle n'a pas donné lieu à de grandes manifestations publiques, de ces rassemblements capables de mobiliser les foules quand il s'agit de défendre les valeurs sacrées de la civilisation. Quoi de plus normal que d'assassiner des juifs au nom de leurs origines et de leurs pratiques? N'est-ce pas ce que l'Occident a pratiqué depuis la nuit des temps? Les persécutions, les expulsions, les ghettos, les dénonciations, tout ce grouillement de la haine présente tout au long des siècles, comme un avachissement de la pensée transmis de génération en génération?
On me répondra colonisation, spoliation, gouvernement d'extrême droite comme autrefois on disait, captation des richesses, accaparement des ressources, volonté d'enjuiver la société. L'histoire nous apprend qu'il existe et existera toujours une bonne raison pour se débarrasser, hier des juifs, aujourd'hui des Israéliens. Mais de toutes ces raisons, il en existe une de plus cachée et de plus viscérale, de plus abominable et de plus perverse: l'incapacité à en venir à bout.
Je comprends tout à fait que pour un certain nombre de personnes, le fait qu'il existe encore une population juive bien ancrée dans son temps représente à la fois un scandale et une source perpétuelle d'étonnement. Que ce peuple ait pu survivre à toutes les catastrophes possibles lui confère une aura surnaturelle capable de provoquer un effroi, un vertige, une rage, une haine, une peur qui n'est pas sans rappeler les grandes terreurs d'autrefois, lorsqu'on craignait de voir le ciel nous tomber dessus.
Qu'on le veuille ou non, tout ce qui touche aux juifs touche à Dieu, à notre rapport intime avec le monde, à ces grandes secousses de la pensée qui nous interrogent sur le sens de nos destinées, à notre rapport à la morale et à l'éthique, aux fondements mêmes de notre civilisation. C'est ce caractère sacré qui donne cette intensité, cette fureur, cette déraison dès lors qu'on évoque le juif. Et qui fait que quand des barbares de la pire espèce annoncent le bombardement d'un hôpital par l'armée israélienne, on les croit sur parole.
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