Procès des attentats de janvier 2015 : à l’Hyper Cacher, Coulibaly et sa haine des juifs
Le terroriste avait ciblé le magasin pour frapper la communauté juive. En ce vendredi 9 janvier, jour de shabbat, il a donc tué quatre hommes pour une seule raison : leur appartenance religieuse.
"Pourquoi cette méchanceté gratuite ? Pourquoi cette haine du juif ?". Depuis 5 ans, Eric Cohen pleure son fils Yohann, première victime d’Amédy Coulibaly lors de l’attaque de l’Hyper Cacher. Surtout, il n’arrive toujours pas à admettre que l’on puisse être assassiné en raison de sa confession.
Au contraire de Michel Saada, troisième victime du tueur, qui vivait lui en permanence avec ce sentiment. "Il était d’une grande lucidité sur ce qui se passait en France, et notamment sur la menace antisémite", raconte sa sœur Anne-Laure, venue saluer la mémoire de ce grand frère sur lequel elle se reposait tant. Jeune retraité, Michel Saada devait rejoindre définitivement ses enfants partis s’installer en Israël. Il n’en aura jamais l’occasion.
"Il n'a pas compris ce qui se passait"
Ce vendredi 9 janvier 2015, peu après 13h, il était passé sous le rideau de fer qui descendait pour acheter des pains shabbat, et s’en était excusé auprès de Zarie Sibony, la caissière que Coulibaly avait envoyé fermer le magasin. "Je lui disais que c’était fermé, raconte celle-ci, mais il me disait qu’il n’en aurait que pour cinq minutes. Il n’a pas compris ce qui se passait."
Ce qui se passait, c’est qu’Amédy Coulibaly était en train de mettre à exécution la deuxième partie de sa mission : aux frères Kouachi les gens de Charlie Hebdo, à lui "les flics et les juifs". Raison pour laquelle lorsque la jeune employée, qui vient de voir tomber trois hommes sous les balles, lui propose de partir avec la caisse du magasin, il répond : "Tu crois vraiment que je suis venu pour l’argent ? Vous êtes les deux choses que je déteste le plus : vous êtes juifs et français."
"C'est difficile d'être juif en France"
Cette haine, Franck Cohen, l’oncle de Yohann, la connaît bien. "C’est difficile d’être juif en France, c’est compliqué. Même si la France nous soutient", regrette-t-il à la barre. C’est cette même haine qui poussait son neveu, âgé d’à peine 20 ans, à prendre ses précautions. "Quand on sortait du magasin, il mettait les sacs à l’envers pour ne pas qu’on voit la marque Hyper Cacher", s’étonne encore aujourd’hui son ami et collègue de travail Lassana Bathily.
Pour dissimuler sa kippa, le jeune homme portait une casquette ou une capuche rabattue sur sa tête. "Il avait peur de se faire agresser et moi je lui disais, c’est un pays laïque !", se souvient Lassana. Ce Franco-Malien, musulman pratiquant, avait été embauché à l‘Hyper Cacher en 2012 : "Ça se passait très bien, on ne parlait même pas de religion entre nous, ce qui comptait c’était le respect."
Benjamin Hattab, le père de Yoav, tué alors qu’il tentait d’arrêter le terroriste, ne comprend pas non plus les motivations religieuses de Coulibaly. "J’ai vécu avec les musulmans sans avoir jamais eu aucun problème, raconte le directeur de l’école juive de Tunis. Et on a tué mon fils ici parce qu’il était juif !"
Celui qui est aussi rabbin de la communauté tunisienne de Paris raconte : "La communauté musulmane de Tunis, elle a pleuré mon fils. Ce sont mes frères !" Zarie Sibony, elle, se souvient du téléphone qui n’arrêtait pas de sonner et du terroriste qui lui demandait de décrocher et de lui rapporter ce qu’elle entendait : "Le premier appel, c’était un journaliste. J’ai dit qu’on était fermés. Le deuxième, c’était un musulman qui disait du mal de lui. Mais je ne pouvais pas lui répéter."
Samuel Ribot / ALP
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