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Quacidat Bensoussan

 Bonjour,

 

J'ai le plaisir de vous adresser ci joint ma traduction de la quacida''Benssoussan'''. Cette quacida du melhoun est très appréciée de nos concitoyens israëlites, marocains et algériens. Elle a été magistralement chantée par le maître algérien Cheikh ZOUZOU ainsi que notre regretté Samy el Moghribi. Avec mes meilleurs vœux de bonheur et santé a tous les membres de Dafina. 

Fouad Guessous

                                Quacidat Bensoussan

                                

                                      Traduction : Fouad GUESSOUS *

 

Perdure ma peine tout au long de la nuit,

J'aime à la folie, et le sommeil me fuit !

Les visites de ma belle se font rares,

Tôt le matin de moi l'insomnie s'empare.

Se serait-elle par un autre laissée prendre ?

Comment ai-je pu à ce point me méprendre !

Je jure solennellement par le Prophète,

je m'en remets à Dieu mon seul interprète !

Depuis l'enfance je souffre le martyre,

Une beauté sublime me fait tant souffrir,

Je suis à longueur de journée sur ses traces,

Car je suis envoûté par son charme et sa grâce.

Je suis encore profane je n'y connais rien,

J'ignorais que j'allais souffrir au quotidien,

En pénétrant dans un labyrinthe sans fin.

Je suis encore profane je n'y connais rien

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !.

 

 

Je suis ensorcelé par cette fille,

Son extraordinaire beauté m’éparpille !

De ses yeux langoureux elle m'a jeté un regard

Et m'abandonna dans un état... dérisoire.

Mais que m'est-il donc arrivé ce jour là ?

Elle me sourit, ses yeux  émettaient des éclats.

Elle est  occidentale et s'appelle Maria,

Maria Molina qui à moi se lia.

J'ai longtemps réussi à cacher notre idylle,

Mais le secret est vite tombé dans la ville !

Permettez-moi donc de vous en faire le récit,

Mais soyez indulgents je vous en remercie !

J'ai perdu patience, par le chagrin affaissé,

J'ai tellement souffert, j'ai tellement dépensé,

Pour elle, pour les parents, mon argent et mes biens.

Je suis encore profane je n'y connais rien,

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !

 

Ah c'est bien moi qui suis tombé au fonds d'un puits,

Le puits est profond, le cordon si court, eh oui !

Mais qui peut donc me rendre ma dignité,

O misère, O tourment, je paierai sans compter !

O maman ! Comment puis-je mourir si jeune !

Mes amis, voyez comme je souffre, je ne

Peux oublier ce regard qui m'accapare !

Ah si je pouvais combler mon espoir,

Qu'elle me rejoigne enfin, après m'avoir fui.

Mes yeux n'ont cessé de la suivre, ébloui !

Ah si elle voulait, une fois, me rendre visite

Au comble ma joie ! Mon existence bénite !

Durant deux années suivies nous nous fréquentâmes,

J’étais si heureux, aux anges était mon âme.

Nous étions tellement proches l'un de l'autre,

J’étais sa raison d’être, elle était mon apôtre.

Tout ce qu'elle décrétait est pour moi vérité,

Tout ce qu'elle souhaitait, je m’exécutais,

Jusqu'au jour ou elle a fini par me trahir.

Mais comment ai-je pu à ce point faillir!

Je suis encore profane je n'y connais rien

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !.

 

 

 

Je l'ai invitée à faire un petit tour,

Elle acquiesça et sans détour,

Pour que nous nous promenions en solitaires.

Ce dimanche lui dis-je, elle me semblait sincère.

Pourquoi as-tu changé tu n'es plus la même,

Viens donc avec moi c'est bien toi que j'aime !

Elle me répond sur un ton désagréable,

''Laisse moi, je suis dans un état déplorable,

Reportons à dimanche prochain s'il fait beau,

Si le bon Dieu n'y mets vraiment pas de sabots.''

Je l'ai quittée l’âme en désarroi et en peine,

L'humeur maussade, pour un rien je me déchaîne.

Je suis encore profane je n'y connais rien,

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !

 

 

 

 

 

 

Pleure, pleure donc ma chère ton amant,

Personne à ton égard ne sera clément,

Ni ton beau frère ni même ton propre frère,

Bon-dieu ! Mais bon-dieu, O comble de misère,

Qui donc s’inquiétera de moi les jours de fête !

M'abandonnant, je m'en vais, la mine défaite.

Je me ressaisis, à quoi bon me désoler !

Le soir je retourne chez moi si bien accablé.

Ce jour là personne ne m'a vu ou entendu,

Je tournais en rond l'esprit troublé, éperdu,

Ma belle est en compagnie de l'Espagnol !

Au réveil mes larmes coulent d'allure folle.

Vous les huit qui creusez les tombes et vous les huit

Qui portent les cercueils, avez-vous du mérite,

Pour qu’un si jeune que moi cette terre quitte,

Sans qu'il en soit repu, O destinée maudite !

Je n'ai ni mangé, je n'ai ni sniffé ni fumé,

Rien, oui rien ne peut cette souffrance calmer. 

J'épie sans arrêt sa silhouette élancée,

Et ses joues ocres et pigmentées à l’excès.

 

 

 

              Donnez moi, donnez moi... 

Une maison ou je peux gémir de toute ma voix,

Qu'elle soit haute et que son toit soit tout en bois.

Qu'elle vienne chialer avec moi le misérable,

Moi dont ce monde m'est devenu invivable !

Je lance un long soupir et m’apprête à sortir,

Ne suis-je né que pour endurer et souffrir ?

Au coucher du soleil je rentre chez moi,

L’âme bien en peine  et le corps en plein émoi.

Sur mon lit je m'agite, je médite, je cogite..

J'ai fumé toute la nuit sans aucune limite.

Personne ne sait le mal dont je suis atteint,

Et je restais ainsi jusqu’au petit matin,

L'heure ou elle va chercher le lait pour son maître.

Alors, un trouble s’éleva dans tout mon être,                         

Je m'armais d'un pistolet et d'un grand couteau.

Je suis décidé à la liquider tantôt ! 

Je suis encore profane, je n'y connais rien,

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !.

 

 

 

Je sors, je l'attends, enfin elle se montre.

Elle s’apprête à monter chez son maître.

Je la rejoins aussitôt par les escaliers,

Je la salue, bonjour lui ai-je crié,

Tout en déchargeant sur elle toutes les balles,

Puis, coups de couteau, coup de grâce final...

Elle tombe raide sur sa nuque, elle se meurt,

Je l'abandonne et me rends dans ma demeure.

La nouvelle se propage instantanément,

La police investit les lieux rapidement,

On me met les menottes, je suis si troublé,

Agité, comme un bateau entrain de couler.

Ils m’emmènent pour reconnaître le corps,

''C'est toi paria qui lui a donné la mort !''

Je suis encore profane je n'y connais rien,

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !.

 

 

Oui messieurs !c'est bien moi seul qui l'ai tuée,

Elle a brisé ma vie, elle m'a exténué !

Elle est la cause de tous mes maux oppressants,

Elle m'a trahi et s'est abreuvée de mon sang.

Elle fut ma lumière, elle fut ma raison d’être,

Par son éclat elle cherchait à me compromettre.

Le médecin légiste est là, je le questionne...

''Pareille tragédie personne ne la soupçonne

Me dit-il ajoutant, ah quel misérable !

Tu t'es mis dans une situation effroyable ! ''

Elle m'a trahi me quittant pour un Espagnol,

Elle m'a laissé tomber reniant sa parole,

Elle a oublié combien nous étions si proches,

Mais auparavant elle s'est bien rempli les poches !

J'ai toujours répondu à ses exigences,

Je la respectais je l'honorais, j'avais confiance.

C'est bien elle qui a rompu notre pacte,

Dieu compromet les traîtres par leurs actes.

Si on vient pour te tuer, disait-on alors,

Empresse-toi donc de lui donner la mort.

Je suis encore profane je n'y connais rien,

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !.

 

 

 

 

Dés que mon interrogatoire fut terminé,

Je suis vite incarcéré comme un forcené.

Les jours s’écoulent, ma vie se déroule,

De torrentielles larmes de mes yeux coulent,

Une larme pour toi, une autre pour les pierres,

Et la troisième o comble de ma misère,

Pour être resté seul entre quatre murs.

Que faire pour fuir de l'insomnie la torture ?

On ne m'alimentait que de pain et d'eau fraîche,

De pain et d'eau fraîche ma vie battait en brèche. 

Tous les jours on consignait mes déclarations,

Je leur livrais tous mes secrets sans restriction.

Des Espagnols sont entrés dans ma geôle,

Furieux, ils veulent ma tète, ils en raffolent.

L’Espagne et ses dignitaires exigent

Que la tète de Benssoussan leur soit remise.

Je suis encore profane je n'y connais rien,

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !.

 

L’Espagne exige que ma tête soit rétrécie !

O vous qui plantez l'absinthe, arrosez-la !

Et vous qui creusez les tombes, soyez précis,

Pour enterrer ce gars pour qui sonne le glas ?

Me voici assis dans ma sombre cellule,

La justice va prononcer sa sentence,

Les gendarmes m'enchaînent, ils me jugulent,

Je les suis chez le juge, gardant le silence.    

A ma vue, le magistrat reste interdit,

Il saisit l'arme, ''c'est toi Benssoussan'' il me dit,

Je me lève m'interrogeant sur mon sort,

Je palis je vois à peine sa coupe sport !

Il me fixe et me dit ''c'est toi le criminel

Qui a tué une telle, fille de un tel ?''                                                     

Je suis encore profane je n'y connais rien,

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !.

 

 

''Oui votre honneur, c'est bien moi qui l'ai tuée''.

Je le revois encore, il en reste bouche bée,

Quand je lui raconte tout, dans le détail.

Puis vint le docteur, de ses yeux il me mitraille,

Il est soudain pris de panique, il sort,

Il bafouille, le bon dieu et sa mère il implore.

Le boss lui même est affolé, il hurle fort,

 

Il se dirige droit vers moi, il me vilipende

Qui me viendra en aide contre cette bande ?

Il gueule, il gesticule, on dirait un boa !

Mes grosses larmes coulent à flot ! Pauvre de moi !

Il est épuisé à force de pinailler....

Mais que cherche t-il ? Je crois qu'il veut discuter,

Alors,  réapparaît l'homme à la coupe sport !...

Je suis encore profane je n'y connais rien,

Oui, depuis l'enfance je souffre oh combien !.

 

Fouad GUESSOUS : * auteur de ''l'Anthologie de la poésie du melhoun marocain'' et ''le melhoun marocain dans la langue de Molière''

 

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