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Que Noam Vazana enrichisse le Maroc de son art, par Marc Knobel 

Que Noam Vazana enrichisse le Maroc de son art, par Marc Knobel 

CULTURE - Dans un monde traversé de soubresauts depuis des décennies (également le monde arabo-musulman), je pensais que le Maroc ferait figure d'exception. Dans un monde replié sur lui-même, recroquevillé sur lui-même, je pensais qu'au moins au Maroc, il serait possible à une artiste - je dis bien une artiste - fut-elle d'origine marocaine (et israélienne) et de nationalité hollandaise/ou autre de montrer son art et d'enchanter une salle sans faire de remous.

Cette polémique, je l'ai déjà rencontrée lorsque l'artiste français, Michel Boujenah, était invité au festival de Carthage en Tunisie.

Dans un article que je publiais alors dans le HuffPost Tunisie et Maghreb, le 30 juin 2017, j'écrivais à ce propos: "Il y a là quelque chose de particulièrement désespérant et de profondément choquant lorsqu'en lisant la presse tunisienne et en surfant sur les réseaux sociaux, j'apprends qu'en Tunisie, l'artiste franco-tunisien Michel Boujenah fait l'objet d'une campagne d'intimidation, de boycott et d'insultes, parce qu'il pourrait se produire à Carthage. Sous le fallacieux prétexte qu'il serait un ami d'Israël, des meutes déchaînées s'en prennent à l'artiste, le ton est particulièrement véhément, à croire que nous pourrions revenir au temps du bûcher. Ceux-là mêmes qui s'enflamment si ouvertement choisissent de mettre en avant l'opinion personnelle de l'artiste, disons son ressenti. En oubliant que chacun, tout un chacun peut et doit exprimer librement ses opinions. N'est-ce pas cela le propre de la démocratie? Par ailleurs, on peut être un ami d'Israël et militer pour la paix et la reconnaissance entre le peuple israélien et palestinien et œuvrer pour une franche reprise du processus de paix. Et, je n'ai jamais entendu que Michel Boujenah ne veuille autre chose que la paix règne enfin entre Israéliens et Palestiniens, en cette région tourmentée du monde. J'ai aussi entendu combien Michel Boujenah respectait les musulmans où qu'ils soient."

Je veux dire ici la même chose.

Dans notre monde, pour canaliser la violence et pour faire entendre à chaque partie sa vérité, ses vérités, il faut créer des ponts. Il faut permettre à des écrivains, des artistes, des intellectuels de se rencontrer, de se parler, de se toucher, de sourire, se sourire. Comment améliorer le monde si chacun reste recroquevillé sur les/des certitudes et refusent de voir l'autre? Comment comprendre l'autre si l'on refuse catégoriquement son existence?

Et, pourquoi ne pas laisser un/une artiste exprimer son art, alors que cette artiste respire en son ADN, le Maroc? "Il faut voir ce qu'on voit", disait l'écrivain Charles Péguy. Il faut donc apprendre à voir en un artiste son art et arrêter de jouer à des fins propagandistes et d'instrumentaliser sans cesse le conflit israélo-palestinien, pour vouloir interdire à un/une artiste de se produire au Maroc aussi. Un artiste, qu'il soit palestinien ou israélien, doit pouvoir exprimer son art. Partout.

Car, je l'affirme ici, à des fins politiques et partisanes, des gens veulent empêcher que de telles rencontres aient lieu et je crierai la même chose si un artiste marocain ne pouvait se produire en Israël. Je jugerai que c'est idiot et totalement contreproductif.

C'est oublier aussi que les Juifs du Maroc ont fait partie intégrante de la nation marocaine, qu'il y eut des pages glorieuses, qu'il y eut une singularité marocaine dans le monde arabe d'une coexistence bimillénaire. Même si le judaïsme marocain est en train de tourner la dernière page de son histoire, son histoire est grande et Noam Vazana connaît son histoire, cette histoire. Elle est comme vous, ses parents fréquentaient les vôtres, ils parlaient votre langue, mangeaient la même cuisine, respiraient le même air et aimaient profondément le Maroc comme j'aime profondément la Tunisie, le pays de ma mère.

Plutôt que de crier au loup, d'interdire et de jeter en pâture la belle Noam Vazana, ouvrez vos portes, laissez-la être l'ambassadrice ailleurs (y compris en Israël) de votre culture et porter sa marocanité. Qu'elle dise ailleurs qu'elle vous aime, que votre pays est beau, que le Maroc est un joyau et qu'elle promeuve une réconciliation tant attendue entre les uns et les autres.

Elle ne porte pas de fusil, elle porte une voix qui a pour nom Salam/Shalom.

Elle ne porte pas de fusil, elle a un même père qui s'appelle Ibrahim et Abraham.

Elle ne porte pas de fusil et elle vous aime, comme je vous aime.

Elle espère la paix entre Israéliens et Palestiniens, parce que seule la paix est juste.

Et elle chante l'amour, car c'est une artiste.

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