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Raid israélien stratégique en Syrie

Raid israélien stratégique en Syrie (010709/17) [Analyse]

Par Jean Tsadik© MetulaNewsAgency

 

La nuit dernière (mercredi à jeudi), le Khe’l Avir, l’Aviation israélienne, a mené un raid contre un important complexe militaire en Syrie. La cible visée, Masayaf (également orthographiée Messiaf), est située à 213 kilomètres à vol d’oiseau de Métula, le point israélien le plus proche de l’objectif. Selon des sources concordantes, la position a été totalement détruite. Selon Amos Yadlin, l’ancien patron du renseignement militaire israélien, elle abritait un centre de développement scientifique à usage militaire, le SSRC, et l’on y manufacturait des missiles de précision ainsi que d’autres types d’armements.

 

La Ména ajoute que ce complexe utilisait les compétences iraniennes en la matière, et accueillait en permanence un grand nombre de techniciens perses et de membres du Hezbollah libanais.

 

Toujours selon Yadlin, on y fabriquait entre autres des armes chimiques et des barils d’explosifs, responsables de la mort de milliers de Syriens. L’ancien général, qui fut également notre attaché militaire à Washington, souligne que "cette attaque constitue enfin une prise de position morale israélienne à propos du massacre qui se déroule en Syrie".

 

Les usines de Masayaf approvisionnaient aussi les forces gouvernementales et la milice du Hezb, supplétive du régime des ayatollahs, en armement sophistiqué potentiellement dangereux pour l’Etat hébreu. Il est clair qu’Amos Yadlin ne s’est pas exprimé de sa propre initiative, alors que le porte-parole de Tsahal, comme à son habitude, se refuse à commenter l’information.

 

Il existe une probabilité élevée pour qu’un chargement important destiné au Liban se trouvait en phase terminale de production.

 

Contrairement à Israël, le commandement général de l’Armée syrienne a émis un communiqué dans lequel il confirme qu’ "à 02h42 du matin, l'aviation ennemie a tiré plusieurs missiles depuis l'espace aérien libanais, visant l'une de nos positions près de Masayaf, causant la mort de deux soldats syriens et des dégâts matériels. Cet acte agressif", poursuit la communication de l’Armée de Bashar al Assad, "pourrait avoir de dangereuses répercussions pour la sécurité et la stabilité de la région".

 

A notre avis, l’oblitération de ce complexe n’aura, au contraire, que des conséquences salutaires. D’autre part, connaissant les activités qui s’y déroulaient et au vu des photos disponibles des résultats de l’opération de cette nuit, le bilan admis par Damas ne concorde pas avec la réalité. D’ailleurs, d’autres sources arabes font état ce jeudi matin d’un nombre beaucoup plus conséquent de victimes, mortes et blessées.

 

La base militaire qui jouxtait les installations de recherche et de production et où les armes étaient entreposées à lui aussi été détruit.

 

Fait intéressant, c’est hier que les enquêteurs de l’ONU ont pour la première fois accusé le gouvernement syrien d’avoir commis un crime de guerre, lorsque, le 4 avril dernier, il a fait bombarder la ville syrienne de Khan Cheikhoun au gaz sarin. Un gaz de combat plus que probablement produit à Masayaf, qui, en cette seule occasion, avait provoqué la mort d’entre 100 et 200 civils et en avait blessé plus de 500.

 

Le raid de cette nuit ne fut pas une opération habituelle, même si, ces cinq dernières années, de l’aveu du commandant sortant de l’Armée de l’air, le Major Général Amir Eshel, le Khe’l Avir a réalisé au moins une centaine de sorties contre le Hezbollah et ses alliés.

 

La raison de cette complexité avait encore été rappelée par notre rédacteur en chef Stéphane Juffa dans un article du 25 août dernier, lorsqu’il indiquait que, dans la zone de Lattaquié, "des satellites espions ont photographié les travaux d’édification d’une fabrique de missiles. Le problème de cet emplacement, pour l’Etat hébreu, se situe dans le fait qu’il se trouve à quelques kilomètres des aéroports réquisitionnés par les Russes de même que de leur centre naval de Tartous. Une intervention du Khe’l Avir dans leur pré carré aurait de fortes chances de se terminer par un affrontement aérien avec les pilotes de Poutine. Inversement, l’inaction d’Israël se solderait par la présence de missiles capables d’atteindre n’importe quelle portion de son territoire".

 

Or, précisément, Masayaf se situe à 44km de Tartous, la plus grande base de la Marine russe à l’extérieur de son territoire, et à 48km de Kmeimim, l’aéroport que les Russes ont réquisitionné au sud de Lattaquié pour mener leurs opérations en Syrie. Autant dire que pour un F-16, ces positions russes se trouvaient à moins de trois minutes de vol de leur objectif de cette nuit. Autant dire, par là-même, qu’ils avaient ces bases de l’Armée de Poutine à portée de missiles.

 

Pour ces raisons, les pilotes à l’étoile de David ont sans doute largué leurs missiles ultra-précis à partir du territoire libanais, à 42km de Masayaf, et quasiment à équidistance de Tartous…

 

A partir de là, il nous faut considérer deux hypothèses : la première est que Jérusalem, sans prévenir Moscou ou en l’informant au dernier moment, a pris le risque d’une confrontation avec les Mig et les Soukhoï, dans le souci d’avertir Vladimir Poutine qu’Israël ne braderait pas ses intérêts sécuritaires supérieurs par égard pour la présence russe. Si ce postulat est le bon, il s’agit d’un message significatif et couillu adressé au Tsarévitch.

 

La seconde hypothèse voudrait que Messieurs Netanyahu et Poutine aient discuté de ce raid lors de leur dernière rencontre à Sotchi. Et que cela arrangeait bien les Russes que les Israéliens les débarrassent des ressources de leurs protégés syriens en gaz de combat, dont l’emploi ternit chaque fois leur image de marque. Particulièrement après que le régime de Damas a affirmé à maintes reprises avoir éliminé cette arme de destruction massive comme ordonné par la communauté internationale.

 

Nous ne connaissons pas la réponse à cette interrogation, mais nous penchons cependant pour la première éventualité. Pour la raison que Moscou vient de barrer, au Conseil de Sécurité, une résolution condamnant le Hezbollah, et qu’il aurait été très salutaire pour la suite de faire savoir à M. Poutine qu’Israël n’est que modérément impressionné par ses tergiversations et que notre confiance en sa parole connaît de sérieuses limites. A cela, l’on peut ajouter qu’en cas de confrontation localisée, le contingent russe ne fait pas le poids face à la technologie des Hébreux ; et même si cela participerait de la pure folie, pour Jérusalem, de s’engager dans un conflit armé avec la seconde puissance mondiale, l’image d’une déconvenue cuisante face à Israël, sans raison réelle de s’y exposer, aurait des répercussions dramatiques pour le prestige du Tsarévitch.

 

En résumé, les deux camps n’ont rien à gagner dans une confrontation militaire même limitée, assurément pas pour un jeu qui n’en vaut pas la chandelle, car Moscou n’a pas pour vocation de protéger les Syriens, le Hezb et les Iraniens à n’importe quel prix.

 

Deux autres considérations sont à prendre en compte au sujet du raid sur Masayaf : la semaine prochaine se dérouleront à la frontière nord d’Israël les plus grandes manœuvres militaires depuis la création de l’Etat. Près de 50 000 hommes y participeront, soit huit à neuf divisions, sans compter la Marine, l’Aviation et le Renseignement. Or l’on sait que, dans l’establishment de la Défense, certains envisagent d’un bon œil une opération préventive contre l’Iran et le Hezbollah, au Liban et sur le Golan. Parmi les officiers de Tsahal, tous sont en effet convaincus qu’une confrontation avec la milice chiite libanaise est inévitable et ne constitue qu’une question de temps.

 

Ceux qui y sont favorables savent que le Hezb est empêtré avec l’élite de ses combattants en Syrie, et que leur administrer une bonne correction dans ces conditions ne revêt aucune difficulté particulière. Cela peut, de surplus, faire l’économie d’un conflit ultérieur plus délicat, qui fait peser une lourde menace sur les habitants des agglomérations frontalières à l’instar de Métula.

 

Il est vraisemblable qu’une décision de déclencher les hostilités dans le courant de cet exercice n’a pas été prise. Mais il n’en est pas moins certain que Tsahal se tient prêt à exploiter à son avantage toute provocation éventuelle de la part de ses ennemis, comme, par exemple, une tentative de lancer des représailles après l’annihilation de Masayaf. Cela explique assurément pourquoi le communiqué de l’état-major syrien, ce jeudi matin, ne contenait pas la moindre menace.

 

A Métula, ayant écouté distraitement quelques échanges radio de nos ennemis, nous pouvons vous dire qu’ils se trouvent dans un état de grande excitation, proche de l’hystérie. Il est vrai qu’avec les forces qui sont concentrées en Haute-Galilée, sur mer et dans les airs, il ne faudrait pas grand-chose pour les envoyer tous autant qu’ils sont, ou ce qu’il en resterait, auprès des 72 houris au paradis des terroristes.

 

Dernier point de référence stratégique, la position de plus en plus ferme de l’Arabie Saoudite et des pays sunnites contre le Hezbollah. Cette semaine, les Saoudiens ont exigé des Libanais de choisir clairement entre leur camp ou celui des Iraniens. Il ne fait aucun doute qu’en cas de conflit, les Arabes feraient cause commune avec les Hébreux, les signes de coopération entre eux allant croissant de plus en plus rapidement.

 

Dans l’hypothèse d’une guerre, il est plus qu’envisageable qu’une coalition régionale israélo-arabe remonterait du sud et de l’ouest du Golan pour en chasser les Alaouites, les Iraniens et les Hezbolani. Et pour s’arrêter, peut-être, aux portes de Damas, avec ou sans Poutine.

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