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Religion et Mémoire dans le judaïsme

Religion et Mémoire dans le judaïsme

Guershon Nduwa

Guershon Nduwa est le président de la communauté juive noire de France

Religion veut dire lien ou accord entre humains.
Mais ce lien est aussi une émotion empreinte de mémoire.
Dans la tradition juive, un maître doit transmettre au nom de qui il a reçu ce qu’il énonce, et remonter le plus loin possible dans la chaîne de transmission.

Moïse est le référant historique le plus ancien, comme initiateur de la lecture mémorielle. C’est ainsi que l’étudiant de la Torah entend « Rabbi Akiba dire au nom de Rabbi Yoshua ce qui l’a entendu de Rabban Yohanan… » cet étudiant entre dans un lien émotionnel qui n’est pas conditionné par le temps.

En Afrique, il y a partout cette culture de la sacralisation de la mémoire. Mais ce n’est pas du passéisme.

Dans le Judaïsme, Foi et Savoir sont mêlés.
Le Savoir est le chemin qu’emprunte la mémoire, nourrie de l’émotion du lien extra temporel avec les générations passées.

La religion est toujours culte des ancêtres, ou du Savoir des ancêtres. La révérence implicite de la Mémoire-Émotion fait des espaces qu’elle crée un contexte sacré. Tout discours de l’origine devient sacré. Même le Big-Bang joue ce rôle dans le discours contemporain. Et pour se justifier, ce discours utilise lui aussi une chaîne de transmission du Savoir remontant à l’antiquité. Ceci est aussi ancien que l’humanité, partout on trouve des mythes d’origine.

Religion veut dire lien, ou accord, entre humains. Mais ce lien est aussi une émotion empreinte de mémoire. Chaque enfant Juif noir doit se souvenir des noms de 7 génération qui l’ont précédé. Une des choses qu’on peut dire sur la religion, c’est qu’elle est une émotion, qui tire aux profondeurs de la mémoire.

Il y aurait en ce sens une mémoire émotionnelle à court terme pour la famille, les amis, le couple, et une mémoire émotionnelle à long terme, qui puise dans les profondeurs du passé, pour maintenir et développer des liens qui transcendent la durée d’une vie individuelle. Dans ce cadre, l’ancienneté est primordiale. Ainsi les étudiants des textes sacrés deviennent intimes de personnages qui vécurent des siècles avant, si ce n’est des millénaires, auparavant. Et pour se justifier, ce discours utilise lui aussi une chaîne de transmission du Savoir remontant au Sinaï.

Mais ce lien est aussi une émotion empreinte de mémoire. Cet attachement aux liens ancestraux est réel dans de nombreuses autres communautés africaines. Les vérités auxquelles les anciens ont dévoué leur existence ont échappé à l’oubli, par l’étude de leurs descendants. La Mémoire et l’histoire ne sont pas toujours conformes. Il arrive des fois que la Mémoire transporte des vérités universelles par le véhicule de la métaphore, du symbole, ou du rite.

Il y a des métaphores qui ont traversé les siècles, et qui perpétuent leurs enseignements jusqu’à nos jours, à partir desquels nous pouvons comprendre nos histoires personnelles. C’est le fait que ces mémoires aient traversé les générations qui les rend importantes au point de continuer de les méditer. L’émotion religieuse est universelle; les êtres humains prient, comme les oiseaux chantent.

Leurs chants peuvent être différents, mais l’élan spirituel qui les animent, l’appel de la Mémoire émotionnelle et transgénérationnelle sont partout présentes. C’est ce sentiment qui ouvre une personne au choix d’un acheminement personnel dans la vie religieuse. On joint l’arbre à la mémoire d’une lignée de Sages, qui peut remonter très loin, et ceux-ci deviennent des proches et des familiaux, presqu’autant que nos amis et nos proches immédiats. Souvent dans un cadre religieux même les autres membres de la famille ont la même vénération pour ces Sages.

Tout le monde vit avec des âmes de toutes les époques dans leur intimité. Religion sans Mémoire est une quasi-impossibilité. Même l’espoir pour être sacralisé et doit se référer à une promesse. Le vœu religieux est l’expression de la fidélité à une histoire. Cette histoire n’est pas nécessairement la notre, au sens physique. Personne ne vit dans le Livre, il est fait de pages, mais le Livre donne vie à tous.

Dans ce sens, il est vrai que les Sages ont atteint l’immortalité. L’émotion qui les a animés, qu’ils ont transmis à travers les siècles éveillent encore des âmes dans le même émerveillement. Même si le récipient vient d’un autre continent à une autre époque, les paroles du sage, de mémoire ancienne, peuvent éveiller sa conscience au point qu’il se joigne de tout cœur a l’étude de cette Mémoire. Comment cette mémoire exprime et analyse les choses, et quelles questions sont posées par son enseignement.

Ces questions sont celles qui nous permettent de voir en avant et notre manière de vivre côte à côte avec l’inconnu.

En lisant le Livre de Job, on comprend comment la transmission d’une histoire est un appel. Les Sages qui ont pris soin de nous passer le langage de cette histoire ont fait ce choix pour nous lier à l’émotion mémoire qui nous fait prendre conscience de notre propre vie. Ils nous invitent à prier à l’Auteur du Livre de nos vies, Auteur insondable, comme son Nom au-delà du langage humain, et l’histoire de Job a été transmise pour que ces questions puissent faire partie de la mémoire émotionnelle, afin de sacraliser ce questionnement.

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