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Strudel viennois, par David Bensoussan

Strudel viennois, par David Bensoussan

L’auteur est professeur de sciences à l’Université du Québec

Comment résister à un strudel viennois ? Et si la paix universelle passait par une
préparation copieuse de strudel faisant participer les grands chefs de la planète ?
C’est ainsi que l’Amérique proposa la pâte feuilletée qui allait envelopper le strudel et lui donner l’imprimatur quant à sa qualité. La France se tint prête à beurrer copieusement chaque étape de préparation. On confia à la Russie l’aplatissement au rouleau du plan de travail fariné que la Chine passa au laminoir. L’Allemagne se chargea de monder les pommes fournies par l’Iran et de les émincer en épaisseurs scrupuleusement exactes.

L’Angleterre saupoudra des noisettes concassées, de la cannelle et des raisins secs
imbibés de rhum sur la pâte nappée de beurre sur laquelle furent déposées les tranches de pommes préchauffées. On rabattit et roula soigneusement la pâte. Pour enrober de dorure le strudel, les Nations-Unies le badigeonnèrent au jaune d’œuf. On plaça le rouleau au four, se délectant d’avance de sa croustillance et du délice qui s’ensuivraient.

Or, les grands chefs avaient oublié l’essentiel...

À commencer par les États-Unis.

Illusions perdues
L’accord des 5 +1 sur le nucléaire iranien est un échafaudage bâti sur l’optimisme du
président Obama qui s’imaginait une entente qui évoluerait en la normalisation et la paix avec l’Iran. Or, les activités de déstabilisation de l’Iran ont aggravé les tragédies syrienne et yéménite, contribué à acculer les Libanais à la famine, diviser les Irakiens, sans cesser de promettre l’anéantissement d’Israël. Il faut croire qu’Obama a reconnu son erreur, car sous son mandat le nombre de sanctions imposées contre l’Iran est passé de 700 à 1700.

Le président Trump a voulu cesser de se prêter au jeu iranien et s’est retiré de l’accord des 5+1 en 2018. Biden voulut réparer le « dommage » causé par le président Trump et est resté sidéré alors que les Iraniens n’ont pas répondu à ses ouvertures, bien au contraire.

Au lendemain de la déclaration de Biden selon laquelle les Houtis - appuyés par l’Iran ne constituent pas une entité terroriste, ces derniers ont déclenché des attaques de drones et de missiles contre les aéroports saoudiens. Des dizaines de centrifuges avancées ont été construites et l’enrichissement de l’uranium est passé de 40% à 60%, se rapprochant dangereusement des 90 % nécessaires à la fabrication d’une bombe.

Le chef culturel des Gardiens de la révolution iranienne Ali-Akhbar Salehi soutient que
le communisme et le libéralisme ont échoué et seule la République islamique peut remplir le vide idéologique de la planète. Il ajoute que la 3e guerre mondiale a commencé entre l’Iran et ses proxys d’une part et l’Amérique et ses alliés de l’autre. Son supérieur le chef des Gardiens de la révolution islamique général Hussein Salami avance qu’il se prépare à une guerre avec les États-Unis qui entraînera 10 millions de morts. Il est utile de rappeler les Gardiens de la Révolution constituent un état dans l’état, disposent de moyens militaires et financiers considérables sans rendre de compte à l’État iranien. Ils contrôlent une armée de 125 000 hommes et près de 20% de l’économie. Les présidents iraniens Rafsandjani, Khatami, Ahmadinejad et Rouhani n’ont jamais pu les contrôler et il en va de même sous le président actuel Raisi.

La Russie et la Chine ne sont pas mécontentes de soutenir l’Iran pour piquer les États-Unis, mais jusqu’à un certain point. Suffisamment pour empêcher que ne se développe une plus grande influence de l’Occident et l’écarter du marché iranien. Les sanctions contre l’Iran ne sont pas pour déplaire à la Russie, car la mévente du gaz iranien renforce son propre monopole de puissance gazière. La Russie accepte les frappes israéliennes contre des cibles iraniennes en Syrie et n’est pas mécontente de limiter l’influence iranienne dans ce pays. La Chine a admis l’Iran dans l’espace économique de Shanghai et se propose d’acheter le pétrole iranien, contrevenant ainsi aux sanctions américaines.

La France, l’Allemagne et le Royaume uni ont été séduits par la possibilité d’accéder à un marché de 80 millions de personnes. Ils sont néanmoins très préoccupés par le
développement de missiles balistiques de longue portée entre les mains d’une mullacratie radicale.

Naïveté occidentale
Alors que Khomeini mettait à mort des centaines d’opposants en 1979, le Time magazine le qualifiait de Gandhi de l’islam. Le président Carter faisait l’éloge du nouvel Iran. Le président Clinton a présenté des excuses pour le tort commis par la civilisation occidentale envers l’islam. Sous Georges W. Bush, la secrétaire d’État Condolleza Rice a avancé l'idée d’une coopération irano-américaine pour réformer l’Irak.

Obama alla jusqu’à inventer une fatwa dont le Guide suprême Ali Khamenei serait
l’auteur présumé, voulant que la charia islamique interdise de posséder un arsenal
nucléaire. Le négociateur américain Robert Malley qui fut l’architecte de l’accord des 5
+1 de 2015 est de retour à Vienne pour le huitième round de négociation. Il fait tellement de concessions aux Iraniens que trois membres de la délégation américaine ont donné leur démission.

Or, les grands chefs avaient oublié l’essentiel...
Le cœur du Strudel est composé de pommes iraniennes gâtées à n’en plus pouvoir
jusqu’au trognon. Les grands chefs sont passés à côté et réalisent un peu plus tard qu’ils n’ont pas suffisamment détecté l’état de leur produit qui maintenant est ranci. Le peuple iranien souffre des orientations de son régime qui se paye de la pomme des grandes puissances et préfère les canons au beurre.

Le pays du Big Apple et les chefs cuistots se retrouvent Gros-Jean comme devant.

La charade viennoise tragique continue.

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