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Tel-Aviv, L. A. en Méditerranée

Tel-Aviv, L. A. en Méditerranée

 

Laurence Ogiela | 

 

Première ville hébraïque moderne, Tel-Aviv se revendique festive, laïque et tolérante. Alors qu'Israël célèbre ses 70 ans d'existence, elle affiche des faux airs californiens et se veut la ville la plus cool du Moyen-Orient.

 

 

 

Sacrée par le New York Times « ville la plus cool de la Méditerranée » et primée par les guides de voyage Lonely Planet pour son hédonisme, Tel-Aviv remporte aujourd'hui tous les suffrages. On dit d'elle que c'est une bulle de tolérance et elle revendique fièrement d'être l'une des villes les plus gay-friendly au monde. Est-ce parce qu'elle a été bâtie ex nihilo sur des dunes, il y a à peine plus de cent ans, qu'elle se veut jeune et réformiste ? Sous ses airs déglingués et son architecture anarchique, elle affiche une atmosphère de « beach city » californienne cosmopolite et ensoleillée.

À l'instar de Los Angeles, en version miniature, Tel-Aviv est un melting-pot de quartiers et de populations. Près du boulevard Rothschild, voici la plus haute densité mondiale de bâtiments Bauhaus, courant architectural allemand des années 30 importé par les juifs qui fuyaient le nazisme ; Jaffa, ville arabe multiséculaire offre, elle, une atmosphère orientale avec ses maisons en pierre ocre et ses portes de bois sculpté ; autour du marché Carmel, le quartier yéménite fleure bon les effluves exotiques des gargotes éthiopiennes ; plus moderne, le quartier de Sarona est dominé par la plus haute tour d'Israël, une construction de verre aux lignes courbes, baptisée Azrieli Sarona ; et Neve Tzedek, le plus ancien quartier de la ville, avec son faubourg voisin de Florentine, sont les repères de la faune arty et bohème.

UNE POPULATION JEUNE

Si Tel-Aviv n'est pas belle, elle dégage un charme unique. Et ce qui la définit le mieux reste sa plage et sa douceur de vivre. On y vient le matin avant d'aller travailler, à la pause déjeuner, en sortant du bureau et, bien sûr, tous les week-ends. « On vit en short, tee-shirt et tongs quasiment tout le temps », explique Laurent Gravier, un Français expatrié qui habite Tel-Aviv depuis six ans. « Quand je vois les habitants s'entraîner sur les appareils de musculation en plein air, faire leur jogging, déambuler en skate-board ou en rollers, j'ai parfois l'impression d'être à Los Angeles.La voiture en moins, car ici on circule à vélo ou en trottinette électriques », ajoute-t-il.

Il est vrai qu'on a l'impression que la ville entière se donne rendez-vous tous les jours sur la tayelet (la promenade en hébreu) en bord de mer pour profiter de la vie et des quatorze kilomètres de voies cyclables. Parmi les plages les plus prisées, Gordon et Frischman sont le fief des sportifs. Des athlètes, hommes et femmes aux corps musclés et bronzés, s'y retrouvent pour jouer au beach-volley, au matkot, un jeu de raquettes de plage très populaire, pour pratiquer le surf ou le paddle, nager dans la piscine olympique Gordon, réputée pour son eau salée riche en minéraux pompée à 150 mètres de profondeur. Au coucher du soleil, certains s'adonnent à un cours de yoga collectif sur le sable, quand d'autres préfèrent des exercices de capoeira entre amis.

À l'instar de la Silicon Beach à Los Angeles, le Silicon Wadi de Tel-Aviv est un pôle d'attraction majeur pour les géants d'Internet et des nouvelles technologies. Google, Microsoft, Apple et Facebook y ont installé des centres de recherche - la plus forte concentration de start-up au monde après la Silicon Valley est ici. Tel-Aviv a développé une atmosphère propice à l'innovation grâce à sa population jeune - un Tel-Avivien sur trois a entre 18 et 35 ans. On les voit pianoter sur leurs ordinateurs tout en dégustant un jus de fruits frais ou un plat végétarien assis aux terrasses des cafés branchés de Florentine ou attablés aux kiosques du boulevard Rothschild. Une impression de « Californian way of life » qu'on retrouve également dans la gastronomie locale.

LA FÊTE BAT SON PLEIN

Dans cette ville cosmopolite, la cuisine a été importée par les vagues d'immigrés du monde entier. Evidemment, la gastronomie locale fait la part belle aux spécialités orientales : les falafels, le houmous (le meilleur est servi chez Ali Karavan à Jaffa), le sandwich sabich d'origine irakienne à base d'aubergines grillées, de pommes de terre, d'oeufs et de sauce épicée à la mangue servi dans un pain pita, ou encore la shakshuka, un plat à base d'oeufs pochés dans une purée de tomates servi au petit-déjeuner. Mais la tendance, importée de Californie, est aux plats véganes et aux produits bien-être.

Impossible de se balader en ville sans tomber sur un kiosque de jus de fruits et légumes. Et chacun a son favori. Yoav Levi, un Tel-Avivien qui loue des appartements aux touristes, recommande Juice Box sur le boulevard Ben Yehuda, qui propose tous les matins un jus spécial. « Pour faciliter la circulation sanguine avant le sport, j'opte pour le jus de betterave, et pour renforcer mon immunité, je prends le shot curcuma-gingembre. J'adore aussi leur poke bowl aux céréales avec de la spiruline », explique Yoav. « Il faut aussi goûter au jus de grenade pressé à la main, le fruit emblématique d'Israël, très bon pour la santé. Je les achète au marché Carmel ainsi que les épices et les fruits séchés », ajoute-t-il.

Pour goûter au melting-pot de saveurs israéliennes, cap donc sur le marché Carmel, entre les étals de légumes et d'épices, les gargotes éthiopiennes où on s'attable devant les fourneaux, et les tables à la mode où on déguste un plat bio et healthy. Plus récent et moderne, le marché Sarona propose des comptoirs gastronomiques et des épiceries fines du monde entier, quand les nombreux kiosques du très chic boulevard Rothschild permettent de manger un morceau sur le pouce à toute heure du jour et de la nuit. Même à 3 heures du matin il y a foule car la layla (« la nuit » en hébreu) est sacrée pour les Tel-Aviviens.

Comme New York, Tel-Aviv ne s'arrête jamais. La fête bat son plein du soir au matin et du matin au soir. Même le samedi, jour de shabbat, les Tel-Aviviens aiment sortir et s'amuser. Sur le vieux port de Jaffa aux façades déglinguées, la jeunesse se retrouve au Container, un bar alternatif dans un ancien hangar, qui sert aussi de salle de concert et de galerie d'art. Dans les faubourgs arty de Florentine et Neve Tzedek, les tribus tendances se croisent dans une atmosphère bohème entre patios fleuris, vieilles maisons ottomanes retapées et oeuvres de street art.

Les artistes israéliens expriment sur les murs leurs points de vue sur la réalité géopolitique du pays, à travers peintures, collages et pochoirs. Des guides organisent des « graffitis tours » pour découvrir ces oeuvres parfois cachées dans des ruelles. De grands noms du street art comme Banksy ont également apposé leur marque. Tel-Aviv est aussi réputée pour sa compagnie de danse moderne Batsheva, installée dans le centre culturel Suzanne Dellal au coeur de Neve Tzedek. À défaut de représentation, on admirera les danseurs et danseuses de la troupe souvent attablés au Dallal Caféjuste à côté, ou on participera à un cours de danse Gaga, imaginée par le charismatique directeur artistique du centre, Ohad Naharin. « C'est une sorte de danse instinctive sans chorégraphie imposée, explique Laurent Gravier. On danse seul ou avec les autres, et on se sent en osmose avec la musique, presque en transe. Natalie Portman l'a adopté depuis sa performance dans 'Black Swan'. C'est très libre et jouissif. » À l'image d'une ville, à la fois solaire et noctambule, qui revendique le plaisir et l'insouciance.

 

 

 

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