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Une résidente d’Ashdod, le Pr Marcelle Marchluf, aux plus hautes fonctions d’une faculté biotech au Technion

Une résidente d’Ashdod, le Pr Marcelle Marchluf, aux plus hautes fonctions d’une faculté biotech au Technion

Muriel Touaty, Directrice générale du Technion France, a interviewé le Pr Marcelle Marchluf, Doyenne de la faculté de Biotechnologies et de Génie alimentaire au Technion. Née au Maroc, elle a fait toute sa scolarité à Ashdod. Cette grande ville d’Israël située au sud de Tel Aviv peut ainsi s’enorgueillir d’avoir vu grandir l’une des plus éminentes scientifiques d’Israël, ancienne étudiante de l’école Médicale de Harvard(USA). Fidèle à sa ligne éditoriale, Israël Science Info met à nouveau en lumière des femmes d’exception en Israël, chercheuses ou entrepreneuses.

– Quel a été votre parcours ?

Je suis une scientifique, membre de la communauté du Technion.  Je suis née au Maroc, et je suis arrivée en Israël à un an, avec ma mère et ma grand-mère. Nous avons quitté le  Maroc parce que les Juifs du Maroc à l’époque considéraient Israël comme la Terre Promise.

J’ai été élevée à Ashdod, où j’ai suivi toute ma scolarité, puis j’ai obtenu mon Bachelor en chimie et biologie à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Après quoi, je me suis mariée, et avec mon mari nous avons déménagé dans le sud d’Israël où j’ai obtenu mon Master et mon Doctorat à l’Université Ben-Gurion du Néguev.

C’est à ce moment que j’ai décidé de changer pour la faculté d’ingénierie, j’ai passé un diplôme en génie chimique et ingénierie médicale. Ce fut un moment clé : j’ai réalisé que je voulais faire des sciences appliquées et non plus de la science théorique.

J’ai par la suite étudié pendant cinq ans à l’école Médicale de Harvard en post-graduate, programme appelé aussi post doc-fellowship. J’ai donc déménagé avec mes deux enfants, mon époux et ma mère. Mon dernier enfant est né là-bas.

Après ces cinq années, j’ai été recrutée par le Technion, à la Faculté de Biotechnologie et d’Agro-technologie, dont je suis aujourd’hui la Doyenne.

Toutes mes recherches sont en rapport avec les sciences appliquées et ont pour but de développer des applications médicales dans le domaine du cancer, ou dans la création de tissus biologiques.

– Vous êtes spécialisée dans la recherche sur le cancer et les cellules souches, pourquoi ?

Dans la lutte contre le cancer, nous développons l’administration localisée de médicaments, c’est-à-dire l’injection de médicaments à l’endroit précis où se situe la tumeur. Cela rend le traitement plus efficace, tout en permettant de réduire les effets secondaires et la quantité de médicaments administrée au patient. La plupart des études dans le monde réalisées dans ce domaine utilisent des matières synthétiques pour administrer le traitement au patient.

Dans notre laboratoire nous utilisons uniquement ce que notre corps a déjà produit naturellement pour combattre le cancer. L’idée est que nous avons dans la moelle osseuse, ce que l’on appelle des cellules souches adultes. Tout le monde possède ces cellules souches somatiques qui sont particulièrement de bonne qualité.

Cependant, lorsqu’une tumeur apparaît et qu’elle se développe, elle envoie un signal aux cellules souches somatiques qui quittent alors la moelle osseuse et viennent protéger la tumeur.  C’est ce qu’elles font, elles ne le savent pas, mais elles le font.

Dès lors, nous avons pensé utiliser le fait que ces cellules souches puissent reconnaître et localiser la tumeur et agir sur ce qui n’allait pas. Nous avons donc extrait ces cellules.

Cependant, je ne voulais pas travailler directement sur les cellules, parce que si elles peuvent faire ce que vous voulez, elles peuvent également adopter des comportements néfastes.

Nous avons pris les cellules souches somatiques, et retiré tout ce qu’il y avait à l’intérieur, pour  conserver uniquement les membranes. Nous avons conservé avec la membrane tout ce qui est capable de détecter la tumeur. Nous ne savons pas ce que c’est, mais c’est bien là.

Puis nous avons ensuite inséré une nano-vésicule appelée nano-vésicule hybride et rebaptisé ces cellules, « cellules nano-fantômes ». Fantômes parce que nous en avons retiré tout ce qu’il y avait à l’intérieur.

Après cela, nous avons rempli le « fantôme » avec le médicament, avant d’injecter le nano fantôme dans le corps malade. Lorsqu’il y a une tumeur, les nano-fantômes la localisent, s’y accrochent – et délivrent  le médicament sur la tumeur.

C’est un fait, et c’est ce que nous avons constaté. Elles tuent presque l’ensemble des tumeurs avec lesquelles elles entrent en interaction. Au stade de notre recherche, nous avons constaté que ces cellules nano fantômes peuvent tuer une tumeur en un peu plus de deux semaines.

C’est extrêmement impressionnant. Cela nous a pris sept ans pour obtenir ce résultat.

Aujourd’hui c’est une découverte majeure pour le laboratoire et plusieurs investisseurs sont venus vers nous, afin de transposer le modèle dans les milieux médicaux.

De plus nous avons remarqué que ces nano fantôme ne s’attaquent pas qu’à un seul type de tumeur, mais bien à l’ensemble des tumeurs présentes.

Des tests supplémentaires nous ont également montré qu’elles ne détectent pas seulement les tumeurs et mais également les métastases, et à  l’heure actuelle, il n’y a aucun système qui puisse détecter les métastases. Avec un peu de chance, nous en avons un désormais. Nous ne savons pas encore comment cela fonctionnera, mais dans le cas des animaux, tout fonctionne parfaitement.

– Vous avez été nommée Doyenne de la faculté de bio-technologie et d’agro-technologie, en tant que femme, quel est votre ressenti ?

Je suis déçue qu’il n’y ait pas suffisamment de femmes aux plus hauts niveaux académiques, notamment professeur. Nous ne sommes que 10% à enseigner à temps plein au Technion, mais le Technion est en train d’évoluer. Nous somme cinq Doyennes pour la première fois en Israël, dans le secteur de l’ingénierie, ce que vous ne trouvez pas dans les autres universités.

Mise à part cela, je  pense que les femmes, les jeunes filles, n’ont pas assez appris qu’elles peuvent être excellentes dans le secteur de l’ingénierie, ou dans le domaine des sciences exactes, des mathématiques ou de la physique. On enseigne aux filles qu’elles devraient faire autre chose. Je pense que le temps aidera à changer cela.

Mon sentiment est que oui, vous devez croire en vous. Oui, c’est très difficile parce que c’est un monde contrôlé par les hommes, mais c’est en train de changer. Plus seront nombreuses les femmes qui intégreront de hautes positions dans ces domaines, plus nous verrons de femmes. Les femmes peuvent selon moi apporter beaucoup, à la fois dans les sciences et  le management des sciences.

– Vous êtes également Directrice du Centre d’Innovation Alimentaire

Ce centre fait partie de ma faculté. Nous sommes en train de développer des accélérateurs et des innovations dans le monde de la cuisine et de l’agroalimentaire. Et parce que je suis la Doyenne j’essaie de placer cela au cœur de notre projet. Notre faculté est l’épicentre de l’innovation alimentaire en Israël.

– Quelles relations souhaiteriez-vous tisser entre votre faculté et la France ? 

Pour le moment nous n’avons pas d’interactions, mais nous espérons que des entreprises françaises viendront rejoindre le mouvement que nous initions pour l’innovation alimentaire. Il y a beaucoup  d’entreprises françaises dans le secteur alimentaire, et nous espérons qu’elles seront amenées à travailler avec nous. Peut-être que cela interviendra plus vite que prévu.

– Que représente le Technion France pour vous ?

Pour moi premièrement, c’est une de mes maisons. Je suis venue plusieurs fois, je sais tout ce que vous accomplissez Muriel. La France est un des leaders en Science en Europe, tout comme l’Angleterre. Des Institutions scientifiques majeures sont françaises. Par conséquent, plus nous collaborerons, plus les progrès seront importants et ce, pour l’ensemble des pays. Nous disposons de savoirs en Science complémentaires. En Israël, certains groupes travaillent avec l’Inserm, Paris V, et de nombreuses autres institutions. J’aimerais les voir interagir davantage et que des Centres de recherche rejoignent à la fois des Institutions françaises et israéliennes. Nos deux pays en bénéficieraient fortement.

Source blog de Muriel Touaty, Directrice générale du Technion France

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