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Une rare incursion chez les hassidim de Montreal

Une rare incursion chez les hassidim de Montreal

 

Commençons par un cliché qui en fera bondir certains: elles n'ont pas l'air malheureuses. Ces jeunes femmes hassidiques sourient beaucoup. Elles rient, elles chantent, elles dansent. Comme bien des adolescentes ou jeunes adultes québécoises de leur âge. Les jeunes femmes hassidiques qui témoignent dans le documentaire sont intelligentes, éloquentes, déterminées, convaincues de leur foi, de leur choix de vie et des préceptes de leur religion.

MARC CASSIVI
La Presse

 

Pendant plusieurs mois, Abbey Jack Neidik a suivi des jeunes femmes de la communauté loubavitch de Montréal. Une secte parmi les plus «progressistes» du judaïsme ultra-orthodoxe. Il les a interrogées sur leurs motivations, leurs aspirations et leurs doutes, face au mariage, à la maternité, à la religion.

À quel point sont-elles considérées comme des citoyennes de seconde zone? a voulu savoir le cinéaste, un Juif non pratiquant fasciné par ses voisins hassidiques. À Sainte-Agathe, dans les Laurentides, où a eu lieu récemment le premier mariage hassidique ouvert à tous (médias compris), il a visité une école de préparation au mariage.

Chanie, sa directrice, une juive hassidique qui ressemble à Guylaine Tremblay, a eu 13 enfants (en plus d'un garçon mort subitement à trois mois). «Aux gens qui disent que je ne suis qu'une machine à bébés, je réponds que je suis contente que la machine marche!», dit-elle.

Dans l'école de Chanie, véritable boot camp hassidique prénuptial, des jeunes femmes apprennent à «devenir de bonnes épouses et de bonnes mères». «Elles se font complètement laver le cerveau!», se désole Rose Adelson, une résidante de Sainte-Agathe, juive elle aussi, mais non orthodoxe. «C'est pour que leurs cerveaux soient propres!», lui répond en souriant Chanie, qui reste son amie malgré leurs divergences d'opinions.

Quel est le rôle des femmes dans la communauté? demande le cinéaste à un rabbin montréalais. «Le hassidisme est au fond un mouvement féministe, répond-il sans rire. Par cela, je veux dire que le foyer n'est pas le lieu de la performance, mais celui de l'être. Ça, c'est féminin.» Ah bon?

Dans ce carcan religieux extrêmement rigide, où règne le patriarcat, les femmes hassidiques peuvent-elles réellement s'émanciper? Abbey Jack Neidik ne propose pas une vision angélique de leur situation, mais laisse la parole à ces femmes de 18, 20 ou 26 ans. Elles sont intelligentes, éloquentes, déterminées, convaincues de leur foi, de leur choix de vie et des préceptes de leur religion.

Le cinéaste suit notamment un groupe d'élèves de Chanie dans une rencontre avec des adolescentes de la polyvalente de Sainte-Agathe. «Vous ne vous sentez pas opprimées par la religion?», leur demande l'une d'elles. «On connaît le monde extérieur!», répond une jeune hassidim, adepte de Facebook. «Est-ce que l'homosexualité existe dans votre religion?», demande une autre. C'est interdit, répond une élève hassidim, qui considère cette pratique comme étant «contre nature». Non, aucune religion n'a l'apanage de l'ignorance.

Elles disent ne pas se sentir réprimées. Même si elles ont été séparées des garçons à un très jeune âge et ne peuvent avoir de contact avec un homme avant le mariage (même pas une poignée de main).

Considérées comme suspectes si elles sont célibataires après 25 ans, certaines consultent des «rabbins de l'amour». «Même dans le monde hassidique, il y a une pression sur les femmes à propos de leur poids et leur taille», explique une femme de 26 ans après avoir rencontré une «entremetteuse» qui propose aussi des régimes. On n'en sort pas.

«On ne se fait pas croire que l'on tombe en amour. On sait que l'amour est le résultat de l'engagement et du sacrifice. Ensuite, on s'engage à se marier», dit un rabbin montréalais, tout en laissant entendre que la sexualité hassidique est «transcendante».

Abbey Jack Neidik n'hésite pas d'ailleurs à poser des questions sur l'intimité des femmes hassidiques. Il demande à une jeune femme, mariée après deux mois et demi de fréquentation, comment s'est passée sa nuit de noces. «Qu'est-ce que vous pensez qui est arrivé? On a pris une bouteille de vin», dit-elle. Elle ajoute que, contrairement à la croyance populaire, les juifs hassidiques ne font pas l'amour à travers un trou dans un drap. «Notre religion dicte qu'un mari doit faire plaisir à sa femme, dit-elle, un sourire dans le regard. Mais il doit aussi avoir des pensées pures. Il m'a dit qu'il pensait au rabbin!»

Derrière certains de ces sourires lumineux, il y a sans doute, comme ailleurs, de la détresse, de l'injustice, de la soumission. Plusieurs films ont été réalisés sur l'autre versant, beaucoup plus sombre, du quotidien des femmes juives hassidiques. Shekinah n'est pas de ceux-là. Mais c'est un documentaire éclairant sur des gens qui, même en marge, vivent parmi nous.

> Shekinah sera présenté les 24 et 27 octobre, à 14 h et 20 h, au Théâtre Outremont, avant de prendre l'affiche le 28 octobre.

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