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Une odyssée judéo-espagnole : Souvenirs et réflexions d’un médecin sépharade, par Isaac Papo

Né à Milan, en 1926, au sein d’une famille juive originaire d’Edirne, Iderné, en Thrace, le docteur Isaac Papo a fondé et dirigé pendant quarante ans le département de neurochirurgie de l’hôpital d’Ancone. En marge de son activité professionnelle, il a consacré une grande partie de son temps de loisirs à étudier l’histoire des Juifs sépharades. Trente années de recherches, de voyages et de rencontres aboutissent à ce livre aussi volumineux qu’intéressant. À travers l’histoire de sa propre famille, les Papo, les Ovadia, les Benbassat, les Rodrigue, les Jarach, les Samso, les Canetti, les Tabah, les Mitrani, les Mouliah, les Eskénazi,  les Azaria , les Givré, les Molho ou encore les Franco, c’est tout un monde aujourd’hui disparu ou en voie de disparition qu’il fait revivre. Afin que nul n’oublie.

« Notre histoire, raconte Isaac Papo, commence à Edirne, l’ancienne Andrinople, peu après 1850 ». Une ville, qui, avant le grand incendie de 1905, « el fuego grande », comptait quelque 120 000 habitants dont environ 18 000 Juifs pour lesquels l’Alliance Israélite Universelle aura joué un rôle éducatif important. L’auteur évoque la figure du grand-père de sa mère, moderniste avant l’heure. Son grand-père maternel, Isaac Ovadia, naquit en 1864. Dates approximatives, bien sûr, compte-tenu de l’absence d’état-civil à l’époque. Son grand-père paternel, Abraham Papo, avait lui, épousé en 1915 Donna Pisa. De même, son père, Joseph Papo, dernier d’une fratrie de sept, est présumé né en 1886, fréquenta l’école catholique de Saint-Joseph. L’un des frères d’Isaac, Haïm connut une fin tragique puisqu’il se suicida en se jetant dans un puits. Sa grand-mère maternelle, Mazaltov Fortunée Benbassat, mourut très jeune, à quarante ans.

Nous découvrons ensuite sa mère, Sarah, née en 1886, qui fréquenta le collège des filles de Notre-Dame-de-Sion à Karagaç puis au lycée français d’Istanbul.

« Depuis de nombreuses générations, la famille Papo se consacrait à la filature et au commerce de la soie. Elle possédait plusieurs filatures, en Grèce, en Bulgarie et ailleurs.

En 1914, à l’issue des guerres balkaniques, la famille s’installe à Istanbul. Puis, entre 1919 et 1926, l’essentiel des Papo et consorts s’installe en Italie, à Milan. Le petit Isaac sera inscrit à l’école juive primaire Alessandro da Fano, via Eupili avant de rejoindre, en 1936, l’Internat d’État Longone. En mai 1940, à la veille de la déclaration de guerre par l’Italie, il célèbrera sa bar-mitzvah. 

Après deux années de « normalité apparente », voire de « normalité anormale », la famille se voit contrainte de quitter l’Italie, désormais antisémite, le 26 septembre 1942, pour se réfugier en Espagne, à Barcelone, où vivent déjà le frère aîné d’Isaac, Alberto, qui y poursuit des études de médecine qu’il abandonnera par la suite et l’oncle Marcel. C’est là, en juillet 1943, que meurt le père d’Isaac. Les Papo retrouveront Milan après la Guerre, en février 1946.

C’est à Barcelone qu’Isaac Papo commence à étudier la médecine. Il achèvera son cursus à Milan.

Par-delà l’histoire de sa propre famille et de ses proches, Isaac Papo, pour notre édification, relate, tout au long des pages, des événements historiques importants. Ainsi, il évoque le massacre des Arméniens par Abdul Hamid II, le « sultan rouge » entre 1894 et 1896, prélude au futur génocide des années 1915-1916. Ou encore la rencontre de ce même sultan avec Theodor Herzl qui lui expose ses projets de reconstruction d’un État juif en Palestine. Il évoque la crise économique de 1929 et ses conséquences sur le commerce de la soie en particulier et sur la communauté juive en général. Plus tard, c’est la montée d’Hitler et du nazisme. Et, en Italie, celle du Duce, Benito Mussolini, du fascisme et de la publication du Manifeste de la Race. L’auteur s’intéresse beaucoup au Caudillo, Franco et à son attitude face aux Juifs. Enfin, pour ce qui concerne la Turquie, la politique de Mustapha Kemal Atatürk et celle de son successeur, Ismet Inönü. « le sourd ».

À tout cela s’ajoutent des souvenirs de voyage : Paris, la Yougoslavie, la Bulgarie, la Grèce ou encore la Roumanie. Et, dans chaque pays, une description saisissante des communautés juives qui y résident.

Un important cahier iconographique complète cet ouvrage.

Une belle pierre apportée à l’édifice de la mémoire judéo-espagnole.

 

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Lior. Juin 2019. Traduit de l’italien par Nathalie Bauer et, pour les extraits en castillan, par Alexandra Carrasco-Rahal. Postface de José Antonio Lisbona. 632 pages. 26 €.

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