Le dialogue interreligieux au service des nouvelles générations : Les Oulémas travaillent sur la transmission de la mémoire
Le patrimoine culturel du Maroc compte quelque 2.500 titres écrits et produits avant le 20ème siècle par les juifs marocains caractérisés par une originalité dans les différents domaines.
La préservation de la mémoire est une composante centrale de notre identité. Sa transmission aux nouvelles générations et l’instauration du dialogue entre les cultures et les religions sont les passerelles pour des sociétés apaisées et ouvertes. Elles renforcent leur aptitude à l’altérité partant de la profondeur historique du Maroc. C’est dans ce sens que se tient du 25 au 28 janvier 2021 la e-conférence internationale «Préserver et transmettre la mémoire pour ancrer l’altérité» organisée par la Rabita Mohammadia des Oulémas, par le biais de son Centre Ta’aruf (Morocco Interfaith and Peacebuilding Research and Training Center) en partenariat avec la Fondation Mémoires pour l’Avenir (FMA) et Archives du Maroc et avec le soutien de l’ambassade des États-Unis au Maroc. Ce webinaire fait suite à la 1ère Conférence régionale pour la préservation du patrimoine culturel des communautés religieuses (Rabat, 3-4 octobre 2019), tenue par le ministère marocain des affaires étrangères et de la coopération internationale en partenariat avec la Rabita Mohammadia des Oulémas et l’ambassade des États-Unis.
Notre héritage commun à l’épreuve du temps
A l’ouverture de cet événement, Ahmed Abbadi, SG de la Rabita, a mis l’accent sur les défis communs qu’il faut surmonter collectivement (défis climatiques, défis liés à la rupture du dialogue, défis liés à la peur de l’autre, recours à l’armement, escalade entre puissances dans le monde, perte de temps et des savoirs ou encore les addictions). Il a également expliqué que cette période de Covid-19 nous a permis de tirer des enseignements, de classer nos propriétés et de se focaliser sur l’essentiel. Pour lui, il faut prendre conscience de toutes ces problématiques et s’inspirer de notre mémoire pour ensemble les surmonter. Pour sa part, André Azoulay, conseiller de sa Majesté le Roi, est revenu sur l’expérience marocaine. «Parler d’histoire dans nos familles n’est pas un mode rhétorique, il est simplement un mode social profondément ancré dans nos vies», explique-t-il. M. Azoulay est revenu sur Bayt Dakira (Maison de la Mémoire) la définissant comme un espace qui raconte ce qu’ont été cette mémoire et cette histoire marocaine. «Ce que nous voulons c’est que cette histoire ne soit pas simplement le constat d’hier mais qu’elle nous permette d’écrire cette histoire-là (en tout cas s’agissant d’Islam et de Judaïsme au Maroc) au futur», souligne-t-il précisant qu’un an après la visite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à ce lieu on a vu se développer une «dynamique absolument exceptionnelle». Il cite comme exemple la création spontanée de près de 100 clubs de tolérance dans les différents lycées et écoles de la ville d’Essaouira.
«Zakhor» : La communauté juive marocaine attachée à ses racines
«Zakhor», souviens-toi en hébreu, traduit cet attachement aux racines. Cultures savantes, juridiques et théologiques, poétiques et musicales, littéraires et linguistiques, le patrimoine juif matériel et immatériel du Maroc est profondément riche. Ainsi, le patrimoine culturel du Maroc compte quelque 2.500 titres écrits et produits avant le 20ème siècle par les juifs marocains caractérisés par une originalité dans les différents domaines, notamment dans le domaine de la théologie, de la philosophie et de la littérature, indique Serge Berdugo, SG du Conseil de la communauté israélite du Maroc. Le Maroc abrite plus de 600 lieux saints. Des milliers de pèlerins rendent chaque année visite à la terre de leurs ancêtres qui sont devenus un lieu de rencontres entre juifs originaires du Maroc. Ils viennent de plusieurs pays dans le monde et se réunissent autour de «Hiloula». Plus de 40.000 pèlerins sont accueillis au Maroc chaque année en coordination avec les autorités locales.
«Toumliline» : musulmans, chrétiens et juifs rassemblés
L’ignorance est une menace à la coexistence. D’où la nécessité de lancer ce débat sur la problématique de la mémoire, de sa préservation et de sa transmission aux nouvelles générations, et de repenser la mémoire des «Rencontres Internationales» qui se sont tenues dans le monastère bénédictin de Toumliline, de 1956 à 1966, et de construire une réflexion globale sur le rôle de la mémoire en tant qu’élément central permettant l’ouverture à l’altérité, notamment spirituelle, à travers le cas d’école «Toumliline».
«A Toumliline, musulmans, chrétiens et juifs se sont rencontrés dans un esprit de respect et de reconnaissance mutuelle», relève Vitto Rallo, ambassadeur du Vatican à Rabat, à cette occasion. Cette conférence vise aussi à permettre aux jeunes de s’approprier la notion d’altérité et de construire une citoyenneté ouverte et mettre l’accent sur des approches innovantes et créatives, afin de permettre aux jeunes de dégager les enjeux contemporains qui les concernent et dont ils souhaitent se saisir pour réinventer un débat citoyen responsable.