Dix Neuf Mille Six Cent Quatre Vingt Dix Dollars et Quatre Vingt Dix Neuf Cents, par Victor Ihyia Assouline
Ou comment être malade chez Bob Oré Abitbol
D’une voix sérieuse il m’a dit qu’il préférait que ses invités soient en bonne santé mais que dans mon cas il ferait une rare exception.
Le verdict est tombé le 4 janvier.
Myélome Multiple. Un cancer assez rare de la moelle osseuse.
Stade deux sur un max de trois me dit le professeur d’U.C.L.A. Chef du département oncolo hématologie.
Espérance de vie pour les gens de mon âge, cinq à 7 ans
J’achète. Oú est-ce que je signe?
Donc chimio par pilules, par infusion, et par injection. Plus stéroïdes et d’autres médicaments.
Le revmalid est une pilule révolutionnaire et dernier cri.
Elle est livrée à domicile par une pharmacie spécialisée.
Comme je suis SDF (sans domicile fixe pour les ignares), j’ai préféré aller la chercher moi-même âpres avoir attendu plus d’une semaine pour que l’ordonnance soit prête.
La boite de 21 pilules m’a couté la somme énorme de 3 dollars soixante-quatre cents.
Curieux j’ai demandé au spécialiste combien elle coûterait si je n’avais pas d’assurance médicale.
« Nineteen thousand six hundred ninety four dollars and ninety nine cents me dit calmement le pharmacien. You can see the price on the bottom left of the prescription.”
Je me rends compte que je vais devoir débourser la somme faramineuse de onze dollars et quelques, entre les visites et le traitement total.
Only in America. !!!!!
S’il y a quelque chose qui remonte le moral c’est bien ça. Être suivi par le docteur Salomon Hamberg, une autorité sur le sujet avec pronostic de guérison optimiste à un prix ridiculement ridicule.
Le 15 septembre, jour de mon anniversaire, j’avais nagé, marché autour de la résidence et participé à des activités vigoureuses. J’étais en pleine forme!
Je n’avais jamais vu de médecin de ma vie, pas d’hospitalisation, pas d’aspirine, pas de vitamines, pas de somnifère, pas d’eczéma, pas de STD, ni de chute de cheveu, ni de panne soudaine.
Le soir dans mon lit une terrible douleur m’a traversé le corps entier. La douleur dans le dos m a cloué au sol. Deux mois plus tard, j’étais pratiquement un invalide. Je savais qu’il fallait rentrer aux USA. Et vite….
Le son qui émane me rappelle une Aria de Pavarotti mais l’interprétation laisse un peu à désirer.
C’est Bob Oré qui se réveille et émerge de sa tanière.
Avec l’énergie d’un homme de vingt ans, il prépare ses tartines, son nespresso et la première de ses récitations poétiques, philosophiques, ou existentielles.
Les coups de fils, les messages, le courrier, les articles, le New Yorker, la chemise entrouverte. Il n’a pas peur du froid. Il n’a peur de rien!
Aujourd’hui il a un zoom important avec une vingtaine de grosses têtes, Juifs et Musulmans. Il organise un projet qui vise à établir un centre culturel toutes religions confondues à Montréal
Après ça il faudra parler de déjeuner
Comme le fameux chef, Jamie Oliver, il invente ses recettes. Aujourd’hui, c’est du loup de mer au fenouil, salade de betteraves au cumin, tomates et avocats et cilantro dans une vinaigrette qu’il a concocté lui-même.Poivrons grillés, brocoli à l’ail. Au dessert glace à la pistache achetée aux Iraniens sur Pico blvd. Il a invité une soprano française, une amie de longue date.
Tout coule à flots chez Bob, la musique, le vin que je ne touche pas, Cacher ou pas l’huile d’olive, les bonnes blagues.
Les soirées remplies de poèmes qu’il récite par cœur. C’est Baudelaire, Hugo, Verlaine. Les éclats de rires, les amis qui passent, des projets qui foisonnent dans sa tête, son livre traduit en Arabe, en Chinois en Russe, un centre culturel à Montréal, l’achat d’une maison d’éditions à Paris, les Editions Balzac don’t j’aime le nom et également l’acquisition de tableaux de maitres, les virements bancaires vers des amis en manque de fonds
Je suis témoin de tout ça et j’ai du mal à suivre.
Je propose à la soprano de nous chanter Summertime, un negro spiritual. Je prends ma voix de bariton et je la suis comme je peux, mais voilà que Bob prend sa voix de ténor et insiste a noyer nos voix. Il ne connait pas les paroles, d’ailleurs son fils le lui dit
« Laisse-la chanter papa, tu gâches tout »
Faire un fils c’est bien. En faire un homme c’est mieux!
Ils sont adorables tous les deux, ils sont fiers l’un de l’autre, ils sont complices, ils se respectent, se contredisent sans un soupçon d’animosités. Bob est fier de son fils. Je suis moi-même impressionné par ce jeune homme. Peintre, producteur de cinéma, metteur en scène, écrivain, etc.… Le talent du père et bien plus.
Un soir J’ai eu la mauvaise idée de cuisiner des boulettes avec des petits pois, à la marocaine. Il a adoré. Et depuis je suis le préposé au garde-manger. J’ai le pressentiment qu’il va bientôt me demander une dafina et si c’est le cas j’enlève mon tablier et je démissionne sur le champ!
Je ne suis pas une tebakha, moi que diable!! (cuisinière)
Tout ça pour dire que mon traitement se passe bien. Que la chimio commence à m’alourdir et c’est normal, que les douleurs dans le dos sont toujours là mais j’ai un moral d’acier et j’observe le protocole a la lettre.
Avec l’optimisme et l’énergie de Bob, le combat, car s’en est un, sera un peu plus facile à mener.
Donc si vous souffrez de quoi que ce soit. Migraine, sciatique, état d’âmes, cataracte, indigestion, lumbago, bugnons, lupus ou quelque chose dans le genre pensez à faire un séjour chez Bob. Vous en ressortirez une personne meilleure et en meilleure santé.
Pour l’adresse demandez à n’importe qui… Bob Oré in Beverly Hills. Tout le monde connait!
Victorassouline48@gmail.com