Israël, ou le choix erroné
La victoire de l’insubmersible Benjamin Netanyahu aux élections législatives d’Israël apporte une très vive déception à ceux qui souhaitent un accord de paix avec les Palestiniens.
M. NETANYAHU revient au pouvoir. C’est une nouvelle qui ne surprend personne, mais qui n’est pas bonne. Non seulement, il est loin d’avoir réglé ses démêlés avec la justice, mais il obtient la majorité absolue avec le concours des 14 députés élus de l’extrême droite sous la houlette d’Itamar Ben Gvir. M. Ben Gvir n’est pas un inconnu et il arrive au terme d’une longue marche pendant laquelle il n’a cessé d’exprimer des idées anti-arabes, complètement intolérantes et négatives à l’égard des Palestiniens. C’est le représentant du rabbin Meir Kahane, sorte de juif fasciste qui fut assassiné à New York en 1990 et dont il a repris le flambeau, s’inscrivant dans la lignée populiste qui a fourni les Trump et les Bolsonaro.
Un choix moins négatif aurait pu être fait, celui de la recherche d’un compromis avec ce qu’il reste de la gauche et des centristes en Israël. Un tel choix aurait sans doute déçu les Israéliens : en deux ans, il y a eu cinq consultations électorales dans l’État hébreu et, en politicien retors, M. Netanyahu a, bien entendu, préféré la stabilité. Mais à quel prix ?
Le modèle.
On trouvera sans difficultés des explications à l’évolution contre nature (des juifs séduits par l’intolérance raciale) de la population israélienne. Le premier de ses griefs est l’insécurité permanente, qui ne s’est pas démentie depuis des décennies. Les attentats et les combats avec le Hamas se multiplient et, obsédés par la violence de leurs ennemis, les Israéliens ne comptent que sur la répression. Si elle est logique pendant les crises, elle a prouvé qu’elle n’était pas la solution, qui ne peut être que politique. Petit à petit, le personnel politique favorable à la paix a été remplacé par des aventuriers dont M. Netanyahu est le modèle.
Les Palestiniens abandonnés.
L’ancien et nouveau Premier ministre a réussi, avec l’aide de Donald Trump, à séparer les relations arabo-israéliennes du conflit, une guerre civile, avec les Palestiniens. Israël a amélioré ses rapports avec les États voisins, qui ne semblent pas avoir beaucoup hésité avant de commencer à faire des affaires avec lui et à établir des lignes de communication, certes fragiles, mais qui ressemblent bel et bien à un début de normalisation. Elle rend totalement caduque une guerre semblable à celles qui ont jalonné la courte histoire de l’État d’Israël.
Un cycle ininterrompu de violences.
Les Palestiniens, de leur côté, estiment qu’ils n’ont pas d’autre choix que de se battre, comme tous les peuples opprimés, pour recouvrer au moins une partie de leur territoire et leur liberté. M. Netanyahu a donc gagné les élections, mais il réduit à néant tout espoir de paix. De même qu’il sera entraîné par le cycle des violences, qu’il va désormais combattre avec des moyens de répression accrus, chaque attentat meurtrier étant suivi par l’annonce d’une nouvelle implantation en Cisjordanie. La dizaine de députés arabes élus à la Knesset (Assemblée) ne pourra faire que de la figuration, alors qu’elle était représentée dans le gouvernement du Premier ministre sortant, Naftali Bennett.
Un éclat de rire de l’histoire.
La proportionnelle intégrale explique en partie le résultat des élections. Les citoyens français, nombreux à la réclamer, devraient méditer sur les monstres que cette forme de scrutin enfante parfois. La violence permanente n’incite pas à la réflexion sur l’avenir des deux peuples, trop occupés à s’entretuer. La dérive néo-fasciste est universelle et mal combattue : elle prend l’Europe à la gorge et menace de revenir au pouvoir aux États-Unis. Mais l’alliance, au sein de l’État juif, entre une droite déjà hostile aux compromis, avec les enfants de Meir Kahane représente un énorme éclat de rire de l’histoire : on n’avait encore jamais vu les victimes de l’hitlérisme endosser avec empressement les oripeaux du fascisme. C’est une sorte d’insulte adressée à Ben Gourion, Rabin, Peres et Golda Meir et une transformation des victimes en bourreaux..
On ne pardonnera pas à M. Netanyahu d’avoir récupéré sa carrière politique au détriment des principes qui fondent Israël. Il n’était pas contraint et forcé de s’associer avec des voyous. Il est trop fin pour croire qu’il vient de bâtir une coalition impérissable. Israël n’est pas seul au monde et doit répondre, en bonne démocratie, aux critères démocratiques.
RICHARD LISCIA