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Les Juifs, toujours la valeur refuge des racistes

Jean-Yves Camus · CharlieHebdo

Selon les chiffres du Service de protection de la commu­nauté juive, les actes antisémites ont été moins nombreux en 2022 qu'en 2021. Mais cette bonne nouvelle pose des questions.

La Première ministre, Élisabeth Borne, a rendu public, le 30 janvier, le nouveau plan national de lutte contre le ­racisme, l’antisémitisme et les discriminations, piloté par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). Une nécessité rendue impérieuse par les mauvais chiffres de l’année 2021 : le nombre officiel d’infractions « à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux » était alors de 12 500, soit une augmentation de 13 % des crimes et délits et de 26 % des contraventions par rapport à 2019. Et l’État le reconnaît, ce bilan est imparfait, puisque seulement 25 % environ des victimes portent plainte.

Dès le 25 janvier, on a connu les chiffres de l’antisémitisme avec leur publication par le Service de protection de la commu­nauté juive (SPCJ), qui travaille en collaboration avec le ministère de l’Intérieur : les actes antisémites ont été en 2022 au nombre de 436, contre 589 l’année précédente, soit une baisse de 26 %.

Là ­encore, ce n’est qu’une ombre de la réalité, puisque ce ne sont que les plaintes enregistrées dans les commissariats. Et parce que certains des actes les plus graves dont les Juifs sont victimes suscitent des débats judiciaires sur la qualification antisémite de l’acte : le meurtre de René Hadjadj, poussé du 17e étage d’un immeuble du quartier de la Duchère, à Lyon ; celui de Jérémie Cohen, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), violemment agressé avant d’être percuté par un tramway en cherchant à échapper à ses agresseurs ; et le meurtre de Liyahou Haddad, tué à coups de hache par un voisin, en Seine-et-Marne.

Dans un registre moins dramatique mais qui reste pré­occupant, 53 % de ces actes portent atteinte à des personnes et 10 % sont des agressions physiques violentes. En outre, 61 % des actes antireligieux portant atteinte aux personnes sont dirigés contre des Juifs qui, rappelons-le, forment moins de 1 % de la population… Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi, met d’autres bémols à la satisfaction qui peut provenir de la baisse statistique. Il rappelle que « les actes les plus graves restent à un niveau élevé » et que les chiffres « ne reflètent pas […] la réalité de l’antisémitisme sur Internet ».

Plus consternant encore, de nombreuses affaires sont classées sans suite. Entre 2015 et 2019, selon le SPCJ, « 63 % des affaires d’agressions antisémites ont été classées sans suite » et « dans seulement 24 % des affaires les agresseurs ont été condamnés ». Même si les chiffres de 2022 se révèlent meilleurs, on est loin de l’impunité zéro. Ces statistiques sur l’antisémitisme seront, une fois les données globales du ministère de l’Intérieur publiées, à mettre en parallèle avec ceux des autres formes de haine.

En 2021, il y avait eu, selon la Place Beauvau, au total 1 659 actes antireligieux en France, soit 857 actes antichrétiens (profanations, tags sur des édifices cultuels), 589 actes anti­sémites et 213 actes antimusulmans. Qui tous, dans une optique universaliste et laïque, doivent être considérés comme des atteintes aux valeurs républicaines.

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