JE NE SUIS PAS RELIGIEUX ET POURTANT…
Je vais parler ici des cinq années passées à l’Ecole Normale Hébraïque, de Septembre 1959 à Mai 1964, et ce qu’elle a fait de moi.
Cet internat n’était pas une Yeshiva où toutes les études se font en hébreu. C’était une école comme les autres, avec le programme d’éducation du Gouvernement français et en plus il y avait l’hébreu et l’arabe classique.
Ce programme était très stricte. Alors qu’en ville de Casablanca , les cours étaient de 30 à 35 heures par semaine, chez nous, ils étaient de 45 heures.
Notre école était située en banlieue, à l’Oasis, près d’une heure de la ville en autobus.
Ces 45 heures étaient divisées en 20 heure de français, 20 heures d’hébreu et 5 heures d l’arabe.
Par français, j’entends littérature et grammaire, physique et chimie, mathématiques, histoire et géographie ainsi que musique.
Par hébreu. J’entends Dikdouk ( grammaire) Torah, Mishna, Talmud ,Historia et bien sur la langue hébraïque .
L’école était normale de nom seulement car certains autres critères ne l’étaient pas. Pour passer d’une classe à la suivante, partout il suffisait d’une moyenne de 50%. Ici, c’était 65%. Et. c’est pourquoi , alors qu’en 5iem nous étions 23 étudiants, nous nous retrouvions. 7 en classe de BAC. Il faut croire que cette école cherchait la crème de la crème.
Il faut aussi dire que l’ENH avait une belle et grande réputation. Tous les étudiants étaient garçons et Juifs et des années plus tard, on a accepté des filles ainsi que des Musulmans. Ces derniers, jusqu’à nos jours répètent combien cette école a fait du bien à leurs enfants.
Je suis très loin du sujet en titre, n’est-ce pas?
Veux veux pas, l’école était religieuse. Matin, midi et soir nous faisions nos prières et avions la Kippa sur la tête en permanence. Nous connaissions les lois juives et les respections. Nous avons beaucoup appris, sauf je dois dire la Philosophie. J’ai appris plus tard que celle-ci risquait de nous écarter de notre religion et c’est pourquoi il fallait attendre de sortir de là , à presque 20 ans pour la toucher.
Aujourd’hui, presque 60 ans plus tard, je continue de reconnaître les bienfaits de l’ENH et de ce qu’elle a fait de moi.
Au fait j’ai oublié de dire que le but de cette école était de préparer des instituteurs pour les écoles Juives de l’époque. Donc, pendant cinq ans, je n’ai jamais pensé être pilote d’avion, plombier, avocat ou comptable . Mon but ultime était d’être prof et rien d’autre.
J’avais donc une formation d’éducateur.
Quelques malheurs se sont produits. En Mai 1964, nous quittions le Maroc pour le Canada, un mois avant les examens du BAC. Les papiers pour l’immigration ont été facilité lorsque mon père a dit aux autorités que son fils était prof.
Le second malheur, après le non BAC, a été que la Commission des Écoles Catholiques de Montréal n’accepte pas des profs Juifs. Celle-ci considérant que pour eux, j’étais protestant , m’envoya au Protestant School Board of Greater Montréal. L’interviewer m’a dit qu’il ne pouvait m’embaucher car à 19 ans je n’avais pas d’expérience. Il me suggéra d’aller voir United Talmud Torah.
Ce que je fis le lendemain.
Le directeur me dit que si les Protestants m’acceptent, lui aussi m’accepte car mon diplôme est peut-être bon pour le Maroc mais pas pour le Canada. Un troisième refus
J’ai donc étudié la Philo sans prof, tout seul, par mes propres moyens et bien sur ai découvert un autre monde qui petit à petit m’a sorti de ma religion. J’avais avant plusieurs questions sans réponses et ici j’entrevoyais des explications. Et cela a duré plusieurs années.
Je n’ai jamais été prof mais plutôt vendeur et ce métier m’a bien fait gagner ma vie grâce à ma formation. A plusieurs reprises, l’acheteur me demandait: serais-tu prof par hasard?
Revenons au sujet.
A l’heure où j’écris, ce soir sera le premier Seder de la fête de Pessah. Et comme je l’ai fait durant ces derniers mille ans, je jeûne aujourd’hui car je suis l’aîné mâle de ma famille. Avant la sortie dlEgypte, la dernière plaie était la mort de tous les enfants mâles des Égyptiens. L’ange de la mort a sauté par dessus (ce que signifie Pessah) les maisons Juives et ainsi m’a sauvé la vie. Je respecte cette tradition comme tant d’autres
D’ailleurs , il y a un mois c’était la fête de POURIM et j’ai aussi jeûné en souvenir de la Reine Esther et ce qu’elle a fait pour sauver son peuple, nous sauvant ainsi la vie. Je n’oublie pas!
Le tout devient tradition et je n’ai pas l’intention de perdre cette habitude.
J’ai cru lire que le vrai progrès c’est une tradition qui se prolonge et cela nous est prouvé sans cesse. Alors que Paul Valéry, lui a dit que la tradition et le progrès sont deux grands ennemis du genre humain. Allez savoir! Pour moi, on dirait que la tradition a pris la place de la religion . Est-ce juste?
Nous réalisons tous aujourd’hui combien les religions changent et apportent toutes des nouveautés, voire des innovations parfois fantaisistes pour satisfaire leur clientèle et le Judaïsme a fait de même. J’avoue être de moins en moins pratiquant tout en étant respectueux envers ceux qui croient plus que moi. On me demande parfois si je crois en Dieu et je réponds que je crois au Dieu de Spinoza. Chacun est libre de penser et d’agir comme il souhaite.
Je crois avoir un peu répondu au POURTANT du titre. Il reste que je sais qu’autour de moi, plusieurs ne seront guère d’accord avec moi. Grand bien leur fasse!
Jacques Hadida