Maroc: 20 ans après, les attentats de Casablanca ont redéfini la lutte antiterroriste du royaume
Texte par : RFI
Le Maroc célèbre tristement, ce mardi 16 mai 2023, le vingtième anniversaire de l’attentat le plus meurtrier de son histoire. En 2003, quatorze kamikazes marocains ciblent un restaurant, le bâtiment de l'alliance israélienne, le cimetière juif et le consulat de Belgique. Bilan : 45 morts, dont douze kamikazes et une centaine de blessés. Cet attentat, attribué à al-Qaïda est resté dans les mémoires marocaines et a surtout redéfini la lutte antiterroriste du royaume.
Au-delà du drame humain, à l'époque, c'est avec stupeur que le pays découvre que lui aussi peut-être frappé par le terrorisme islamiste. Le roi est musulman, commandeur des croyants de l’islam, et jusqu’alors la mouvance salafiste marocaine, pourtant très importante, n’avait jamais franchi le pas de la violence. Ce 16 mai 2003, tous les kamikazes sont marocains, issus des quartiers populaires de Sidi Moumen, les bidonvilles de Casablanca.
Une réaction à la hauteur du choc
Dans un premier temps, la répression à l'encontre de présumés extrémistes ne connait pas de limites. Plus de 2 000 arrestations sont effectuées en quelques mois, des centaines de personnes sont condamnées à la prison dans des procès que les ONG de défense de droits humains qualifient « d’expéditifs ».
Depuis, l’arsenal législatif s’est étoffé, et les arrestations préventives - ou non - continuent. Régulièrement des cellules sont démantelées dans le pays, on peut citer l’exemple le plus récent, celui de treize hommes soupçonnés d’appartenir à Daech, arrêtés simultanément par le Bureau central d’investigations judicaires (BCIJ), dans plusieurs villes du pays. Avec 90 cellules terroristes démantelées et plus de 1 500 personnes arrêtées en huit ans, le BCIJ, surnommé le « FBI marocain », est l’aboutissement de l’arsenal sécuritaire et législatif du royaume. Il est encadré par deux lois majeures dans l’antiterrorisme adoptées en 2003 et 2015 qui incriminent le ralliement de groupes terroristes ou la tentative de le faire, ainsi que l’apologie et l’incitation au terrorisme.
Des mesures qui ne se limitent pas au domaine sécuritaire
Sur le plan religieux, le Maroc a réformé ses mosquées, ses écoles et même ses médias, où la vision d’un islam modéré et modernisé est largement partagé. Souvent, l’objectif est de faire se rencontrer religion et patriotisme. Parallèlement, le pays a lancé une campagne de lutte contre l’analphabétisme et une politique de « zéro bidonville » pour éviter les concentrations de pauvretés extrêmes. On peut citer également les amnisties régulières prononcées par le roi, après que les détenus ont suivi un programme de réinsertion.
Tout cela place le Maroc en haut des classements de la lutte antiterroriste et surtout un allié de poids pour les Occidentaux dans la région. États-Unis, pays européens ou encore Israël, tous comptent sur le royaume pour surveiller et stabiliser la région.
Toutefois, vingt ans plus tard, ce n'est pas un succès complet. L’influence des frères musulmans égyptiens et des wahhabites saoudiens est encore très présente, y compris dans les écoles. Si les lois très dures envers les velléités extrémistes rendent les passages à l’acte rares, il n’en reste pas moins que les activités jihadistes existent dans le pays et restent un refuge pour certains jeunes englués dans les inégalités économiques et qui estiment leurs libertés, notamment religieuse, bafouées.