Analyse de l'affaire Pollard proposée par Elie Kling
Vous connaissez Aldrich Ames ? Non ? Eh bien vous devriez!
Remarquez, je ne vous en veux pas: on n'a pas dû vous en parler beaucoup. Et pourtant: cet homme est celui pour les crimes duquel Jonathan Pollard moisit en prison depuis maintenant 25 ans.
Vers le milieu des années 80, alors que personne n'imagine encore que le Mur de Berlin connait ses dernières années d'existence et qu'il entrainera bientôt dans sa chute cette guerre froide qui divise le monde depuis 45, la guerre des espions fait toujours rage entre les 2 camps.
Justement la CIA vient de subir l'un de ses plus grands revers. En quelques mois, plus de 40 de ses agents ont été découverts, arrêtés ou exécutés sur le territoire soviétique. Les responsables de la fameuse Centrale américaine sont sommés de fournir très vite des réponses convaincantes à leurs supérieurs: qui a bien pu renseigner les russes de manière aussi précise?
Or voici qu'une affaire qui, somme toute, semblait assez classique, vient d'éclater et fait déjà les gros titres des journaux.
Jonathan Pollard, un juif américain qui travaille dans la marine en analysant des renseignements a été surpris en flagrant délit: il livrait des documents secrets à Israël.
L'occasion était trop belle de lui faire porter le chapeau du scandale de la liste noire tombée entre les mains des soviétiques.
Le 5 Mars 1987, quelques heures avant que les juges ne rendent leur verdict, le ministre de la défense Caspar Weinberger leur transmettait au nom de l'accusation un dossier secret "démontrant" les dégâts considérables qu'avait causés Pollard à la sécurité de l'Etat et insistant sur la vie des agents qui avaient péri par sa faute. A l'époque de Dreyfus, les dossiers secrets avaient été remis aux juges par des militaires bornés et antisémites. A l'époque de Pollard, c'est un juif renégat (Caspar épousa naguère la foi catholique de sa mère) et tout aussi antisémite qui s'en est chargé. On n'arrête pas le progrès!
Weinberger en profita pour faire une déclaration publique: " Pollard est le plus dangereux des espions de toute l'histoire de l'Amérique. Les torts qu'il a causés sont difficilement imaginables! " Du coup, Pollard est condamné á la peine maximale: perpétuité.
Ames, le véritable espion est arrêté en Février 94 et avoue tout. C'est lui qui a vendu une grande partie des noms pour de l'argent. Que voulez-vous: il boit beaucoup et ca coute cher.
D'ailleurs, on "découvre" par la même occasion, que contrairement à Ames, Pollard n'a jamais possédé le code d'accès au fameux coffre qui contenait la liste.
Croyez-vous qu'on ait pour autant libérer Pollard?
Allons donc! Ce serait reconnaître qu'on a volontairement accablé un innocent. On l'accusera donc, contre toute logique, d'avoir livré les autres noms de la liste, ceux qu'Ames n'avait pas livré lui-même! C'est un déserteur russe qui racontera en 2001 qu'un autre agent du nom de Robert Hensen est le véritable traître qui livra les noms restants. Pollard reste enfermé.
"J'ai livré des documents à Israël. Et je l'assume. Il s'agissait d'informations sur les armes chimiques que possèdent certains pays arabes ainsi que sur les intentions de terroristes islamiques. J'ai été choqué que les USA refusaient de transmettre à leurs alliés ces informations vitales.
Qu'aurais-je du faire? Rester les bras croisés alors qu'Israël est en danger? Aucun Juif digne de ce nom ne pourrait le faire ! … Comment peut-on prétendre que j'aurais du me taire et, dans le même temps, fustiger ceux qui, pendant la Shoa, se sont rendus complices par leur silence? Oui, j'ai transgressé la loi mais à vrai dire, je préfère pourrir le restant de ma vie en prison que de porter le deuil de centaines de milliers d'israéliens qui auraient pu périr par le seul effet de ma lâcheté" …
Pollard est un idéaliste. Si on ne l'avait pas accablé injustement de crimes que d'autres que lui ont commis, il aurait été libre après 5 ans. Il n'a causé aucun dommage à son pays. Il a livré illégalement des informations à un pays ami, voila tout. Oanounou, qui fut arrêté à la même période avait lui, par contre, livré les secrets les mieux gardés de son pays à l'étranger et avait de ce fait porté un grand préjudice à son pays. Il est libre depuis longtemps.
L'affaire Pollard aura eu au moins le mérite de mettre en lumière ce que nous aurions tous préféré laisser dans l'ombre:
Dans les annales de l'histoire d'Israël on lui doit quelques une de ses pages les moins glorieuses. Ainsi, par exemple, il faudra attendre 11 ans avant que les autorités ne lui accordent la nationalité israélienne et 2 ans supplémentaires avant qu'elles ne le reconnaissent comme l'un de ses agents!
Et que dire de la puissante communauté juive américaine? Prise de panique de voir remettre en cause son patriotisme parce que l'un de ses membres a fait passer son amour d'Israël avant le reste, ils préférèrent détourner le regard ou pire, hurler avec les loups comme les derniers des israélites français de 1895 rattrapés bien malgré eux par cette "regrettable Affaire Dreyfus"! Et nous qui pensions que leur puissant lobby symbolisait le nouveau Juif de Diaspora, sur de lui et décomplexé!
Quant à Obama, grand défenseur des droits de l'homme, héritier naturel de Martin Luther King , le voila qui ajoute la méchanceté gratuite a l'iniquité insupportable en refusant au Juif emprisonné le droit de voir ne serait-ce que quelques instants son père agonisant, puis, suprême sadisme, en l'empêchant d'assister à l'enterrement malgré la demande officielle du gouvernement israélien.
A ce propos, si vous entendez parler d'une manifestation, ou même d'une pétition, de la part des habituels ténors des droits de l'homme, tant aux Etats Unis qu'en Israël, faites-moi signe. Même une légère protestation de leur part ferait l'affaire. Mais leur silence est assourdissant.
Quant à nous, amis lecteurs, nous devrions depuis longtemps manifester en masse devant l'ambassade U.S de Tel-Aviv pour dire notre manière de pensée a ces prétendus défenseurs de la justice, de la liberté et de l'égalité humaines.