Serge Klarsfeld votera RN "qui soutient les Juifs", face à LFI "résolument antijuif"
L'historien et avocat Serge Klarsfeld, grand défenseur de la cause des déportés juifs de France, a annoncé, samedi, qu'en cas de duel avec la gauche lors du second tour des législatives, il voterait pour le Rassemblement national, qui a "fait sa mue" et qui "soutient les Juifs".
Par : Stéphanie TROUILLARD
"Je voterais pour le Rassemblement national parce que (...) l'axe de ma vie, c'est la défense de la mémoire juive, la défense des juifs persécutés, la défense d'Israël et que je suis confronté à une extrême gauche qui est sous l'emprise de La France insoumise avec des relents antisémites et un violent antisionisme". Pour l'ancien chasseur de nazis, Serge Klarsfeld, le choix entre RN et LFI pour les législatives ne fait aucun doute.
Interrogé, samedi 16 juin, sur LCI pour savoir ce qu'il déciderait s'il devait choisir entre RN et France insoumise, il a assuré ne pas avoir "d'hésitation".
Diversité des vues, y compris chez des figures des Français de confession juive:
• S.Klarsfeld soutient E.Macron et son parti, mais face à LFI choisirait le RN.
• H.Korsia critique «tout rejet contraire à l’esprit de la République» et pointe un rejet des musulmans: «Je n’ai… pic.twitter.com/krImHveiMt
— Darius Rochebin (@DariusRochebin) June 16, 2024
La France insoumise est un parti "résolument antijuif", a-t-il estimé. Et selon lui, le Rassemblement national "a fait sa mue". C'est un parti qui soutient les Juifs, qui soutient l'État d'Israël". Les partis d'extrême droite en Europe occidentale et en Europe centrale "ont renié l'antisémitisme et soutiennent les Juifs", a ajouté Serge Klarsfeld. Ce militant de la mémoire de la Shoah, qui a échappé enfant à une arrestation de la Gestapo, a toutefois précisé que dans sa circonscription, il avait l'intention de "voter comme je l'ai toujours fait pour un parti du centre".
Fin mai, alors qu'il s'apprêtait à recevoir l'insigne de Grand-Croix de la Légion d’honneur des mains du président français, il avait affirmé à l'AFP que le RN était "progressivement entré dans le cercle des partis républicains", même s'il assurait qu'il ne voterait pas pour ce parti aux européennes.
"Nous avons été soulagés, je ne dirais pas heureux, mais soulagés d'entendre la dirigeante du Rassemblement national condamner Pétain, condamner Laval, condamner la rafle du Vel d’Hiv et prendre parti pour Israël", avait alors expliqué le cofondateur de l'association des Fils et filles de déportés juifs de France qui, en 2015, déclarait pourtant sur l'antenne de France 24 qu'il "fallait combattre les démagogues comme Marine Le Pen".
Ses propos tenus sur LCI ont suscité, dimanche, des réactions contrastées dans la classe politique. "L'hommage au peuple français de cette grande conscience et gardien de la mémoire de la Shoah qu'est Serge Klarsfeld, nous rappelle que même si le chemin de nos choix électoraux peuvent diverger, il est un moment où il faut se retrouver pour refuser ce terrible péril porté aujourd'hui par une gauche, qui abandonnant son âme et sa dignité, se compromet avec l'extrémisme", a déclaré Marine Le Pen sur X.
Pour Éric Ciotti, président en exercice des Républicains favorable à une alliance avec le RN, "Serge Klarsfeld ne se trompe pas d'ennemi !" "Le vrai danger pour la France, c'est l'alliance des extrêmes gauches. La seule solution pour y échapper, c'est l'alliance des droites", a-t-il dit sur X.
À l'inverse, Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise (LFI) s'est dit "choqué" sur BFMTV. il juge que Serge Klarsfeld "se trompe". "Ça dit quelque chose de la manière dont nous avons été diffamés pendant la campagne des élections européennes", a-t-il jugé". "Notre combat contre l'antisémitisme, contre le racisme, contre l'islamophobie est au cœur de nos engagements", a assuré Manuel Bompard.
L’info n’a pas échappé à la presse allemande : « L’historien Serge Klarsfeld a échappé de peu à la déportation et a traqué les criminels nazis. Il annonce à présent son intention de voter pour les populistes de droite en cas de second tour en France. » (@derspiegel) pic.twitter.com/1IyVlesZWv
— Thomas Wieder (@ThomasWieder) June 16, 2024
Un tollé chez les historiens
Au sein de la communauté scientifique, cette prise de position provoque l'incompréhension. De nombreux historiens ont relayé une réaction publiée sur Facebook par Laurent Joly, spécialiste de la Shoah et du régime de Vichy, directeur de recherche au CNRS. "Serge Klarsfeld appelle à voter RN en cas de second tour contre LFI. C'est terriblement triste et à mon avis une lourde erreur", a ainsi écrit l'auteur de "La rafle du Vél d'Hiv" (éditions Grasset).
"Le RN au pouvoir en France, ce sera inévitablement le triomphe des minables, des ratés - et parmi eux de ces mauvais historiens qui, ces dernières années à l'abri des mouvances Zemmour, Onfray, Figaro Histoire, ont commencé leur travail de sape contre l'œuvre historique admirable de Klarsfeld, qui a permis à la France de regarder en face les crimes antisémites de Vichy", a-t-il estimé.
Dans une tribune publiée dans L'Humanité, le sociologue Alain Hayot, spécialiste de l'extrême droite, a aussi fait part de sa colère après les déclarations de Serge Klarsfeld : "Votre déclaration d'allégeance aux héritiers de ceux qui ont perpétré en Europe l'holocauste des Juifs dans les camps de la mort disqualifie le combat que vous avez mené pour que leur mémoire nourrisse notre refus de la barbarie".
En octobre 2022 déjà, Serge Klarsfeld avait suscité la polémique en acceptant de recevoir la médaille de la ville de Perpignan des mains du maire Rassemblement national, Louis Alliot. Des historiens spécialistes de la Seconde Guerre mondiale, Denis Peschanski et Renée Poznanski, avaient qualifié cet épisode de "triste et grave" dans une lettre ouverte publiée dans Libération en regrettant qu'il "légitime" ce parti.