Moses Corcos et le commerce des Etrogs du Maroc au 19eme siecle - Par Sydney Corcos
L'etrog[1], scientifiquement connu sous le nom de Citrus medica, est un agrume particulier et l'une des «quatre espèces», revêtant une grande importance dans le judaïsme. Il est utilisé de manière sacrée lors de la fête de Souccot, conformément à la mitsva de prendre un loulave, comme indiqué dans le Livre du Lévitique, chapitre 23, verset 40:«Le premier jour, vous prendrez des fruits d’agrume(hadar), des rameaux de palmier, des branches d'arbres touffus et de saules des rivières, et vous vous réjouirez pendant sept jours en présence du Seigneur votre Dieu.»
Les Etrogim du Maroc étaient toujours connus depuis des siècles, comme étant spéciaux, luxueux tout en étant casher (pour l’utilisation a la fête de Souccot) comme nous allons le voir. C’est seulement au 19 éme siècle d’âpres nos connaissances, que l’exportation de ce fruit très spécial a débuta surtout vers l’Angleterre grâce aux grands commerçants de Mogador (aujourd’hui Essaouira) qui faisaient de l’import-export avec ce pays d’une façon intensive, et vers Erezt Israël surtout grâce aux nombreux émissaires (Shlihim) venus de la terre sainte, au Maroc pour collecter de l’argent.
Les Européens qui faisaient aussi du commerce avec le Maroc n'étaient pas du tout impliqués dans ce commerce. Donc, même entre juifs. les exportateurs de cette agrume étaient très rares.
C’est à Mogador, que mon arrière-grand-père, Moses Corcos était connu comme le seul exportateur d'Etrogs marocains (1845-1904), bien qu'il soit probable qu'il y en avait d'autres dans différentes régions du pays.
Il existe trois variétés d’Etrogs reconnues et scientifiquement caractérisées, parmi lesquelles figure l'Etrog marocain. Pour être considéré comme casher, l'Etrog ne doit pas être greffé sur un autre agrume. Au Maroc, les Etrogs sont cultivés depuis des décennies dans les montagnes de l'Atlas, près du village de Tomadir. Une délégation de rabbins s'est rendue sur place pour tester la variété et a confirmé qu'elle était exempte de tout mélange, la rendant ainsi casher. Cependant, cette validation tardive n'était pas nécessaire, car depuis des siècles, les Juifs du Maroc connaissent et utilisent ces sites pour honorer la mitsva de Souccot.
Deux types d'Etrogs ont été identifiés dans la région : l'un allongé avec une dépression au milieu du fruit, et l'autre plus épais et sans dépressions.
Ces deux variétés sont considérées comme prestigieuses et coûteuses, et étaient très recherchées par les sages du Maroc et de Tunis. La culture des etrogs dans la région du Souss n'est pas clairement attribuée aux Juifs, mais il est fort probable que cela soit le cas. En effet, le verger le plus célèbre de cette région était la propriété d'un Juif, et la source voisine porte le nom d’«Ein Yitzchak». De plus, un document en notre possession (voir ci-dessous) confirme que des Etrogs étaient également cultivés dans la région de Souss[2] L'importation des etrogs du Maroc se poursuit encore aujourd'hui, avec un nouveau verger planté dans la région de Taroudant, plus plate, pour en faciliter l'accès. Selon nos recherches, Moses Corcos, le grand marchand de Mogador, était apparemment le principal exportateur d'Etrogs du Maroc vers l'Angleterre et même vers la terre d’Israël, du moins dans les années 1877-1900. Dans les registres comptables de Moses Corcos, une expédition d'etrogs datée du 11 août 1893 est minutieusement répertoriée.Cette livraison a été confiée à la société allemande Marx & Co. pour être expédiée à bord du navire SS Brake. Notamment, quatre cartons de ces précieux fruits étaient destinés à un client de la ville de Jaffa 226[3].
De plus, un documentt datant de 1898(voir ci-dessous), atteste de façon irréfutable cette activité commerciale. Ce document confirme une commande impressionnante de 4 000 unités d'etrogs de Moses Corcos, toutes destinées à un même envoi. En outre, ce document détaille minutieusement les instructions relatives à la méthode d'expédition. Cela constitue une preuve tangible de l'importance et de la portée de ce commerce.
Ci-dessous, le décryptage d’une partie de ce document[4].
Voici l'ordre d'expédition des échanges et leur gestion :
a. Les etrogs devront être de bonne qualité ; ceux qui ne répondent pas à cette exigence ne devront pas être envoyés, car cela ne vaudrait pas la peine.
b. L'expédition devra avoir lieu dès que possible et au plus tard le 15 du mois de Menachem Av.
c. Dés expédition, une dépêche devra être envoyée pour information.
d. Ils devront être placés dans les boîtes comme suit : dans chaque boîte, un total de deux cents etrogs seront disposés soigneusement et rapprochés les uns des autres, mais pas trop éloignés pour éviter qu'ils ne bougent pendant le transport.
e. Les etrogs devront être correctement recouverts avec du lin doux et de bonne qualité. Et sinon avec de la laine comme cela se fait d'habitude, mais leur couverture devra être bien faite. C'est ce qui m'est venu à l'esprit pour assurer la qualité du commerce, et je suis sûr que votre honneur est aussi compétent que moi dans ce domaine car commerçant depuis de nombreuses années, ce qui est amplement suffisant.
A vos bons soins notre ami pour toujours,
Le jeune Yosef Manzeru
S.T. (Siman Tov, en hébreu : bonne chance)
La preuve de l'importance de Moses Corcos en tant que l'un des plus grands et des plus importants commerçants d'Etrogs à l'époque peut être trouvée dans les publications du journal juif anglais "The Jewish Chronicle" de Londres, qui publiait en septembre 1882 l'annonce ci-dessous.
Une autre annonce, publiée dans le "Jewish Chronicle" de Londres, est celle des rabbins d'Eretz-Israël. Moses Corcos y informait tous ses clients qu'il continue d'être le plus grand importateur d’etrogs sélectionnés et qu'il est le seul à détenir le certificat de cacherout2du grand rabbin de Mogador, le rabbin Yossef Elmaleh. Il souhaite également adresser toutes les commande des à son agent exclusif, M.H. Levy, qui se fera également un plaisir de fournir des loulaves et du myrte en toute quantité. Des documents supplémentaires abordent la question de la cacherout des etrogs du Maroc, émis par Moses Corcos. Les enjeux sont très intéressants et abordent la forme du fruit, sa douceur, ses graines, etc.
Un document datant de 1877, composé de plusieurs parties[5] et signé par les rabbins Abraham Ben Yaakov Ben Atar, signé par Yehouda Ben Moyal,Shlomo Ben Shoshan et signé par Mordechai Alttit, ainsi que par le célèbre consul britannique Drummond Hay, atteste en anglais la validité des signatures des rabbins. Ce document confirme que les etrogs originaires du village d'Estatz, envoyés de la ville de Mogador vers les pays européens par Moshe ben Abraham Corcos, sont casher et non greffés avec une autre espèce. Voici une partie du décodage du document (voir le document):
Les instructions relatives à la méthode d'expédition et la certification que les Etrogs sont Casher (Document E84, Archive)
Signé parR.Mordechai Alttit,
Signature
Même aujourd'hui, comme autrefois, la question de la cacherout des Etrogs marocains peut parfois se poser. Il y avait une tradition selon laquelle les Etrogs marocains étaient casher et simples, comme cela est mentionné dans certains de livres récents. Il y a une quinzaine d'années, des doutes ont surgi concernant la cacheroutde de ces Etrogs, car ils sont sans pépins, ce qui a soulevé les questions suivantes :
A . La présence de pépins dans l'etrog est-elle une condition nécessaire à sa cacherout?
b. Faut-il éviter d’utiliser un etrog différent de celui accepté dans la plupart des diasporas d'Israël, de peur qu'il soit greffé à une autre espèce ?
Finalement, après tous les tests, certains rabbins de notre génération ont statué qu'il existe une tradition millénaire selon laquelle les Etrogs marocains ne sont pas mélangés et sont donc casher. Lors d'une inspection ultérieure, il a été constaté que sur les mêmes branches, des Etrogs avec des graines poussaient à côté des Etrogs sans graines, ce qui a complètement dissipé les craintes concernant la cacherout des etrogs.
Pour confirmer la spécificité et l’importance des Etrogims du Maroc un autre membre de famille Corcos de Mogador (d’une autre branche), Abraham Corcos (1810-1883), considéré au 19 éme siècle, l’un des plus grands commerçants de la ville, et très proche des Sultans de son temps et en même temps un ami intime de sir Moses Montefiore de Londres[6], lui avaient envoyé la veille de Kippour 1873 des Etrogims. Sur la lettre de Moses Montefiore a Abraham Corcos il écrit en bas de la lettre un remerciement spécial en affirmant qu’il avait bien reçu les Etrogims.
[1] Le citron spécial ou le cédrat utilise lors de laf ête de Soukkot un des «quatre espèces».
[2] Une vaste zone fertile du sud du Maroc où de nombreux Juifs vivait dans des dizaines de villages.
[3] Le livre de compte de, Moses Corcos, Archives de la famille Corcos
[4] Archives famille Corcos., document E84.
[5] Archives famille Corcos, document E135
[6] Cetait Abraham Corcos qui en 1867 avait préparé sont voyage impressionant au Maroc. Montefiore c’était meme héberger dans ca maison lors de ca visite a Mogador