Complot européen sur scène dans le monde arabe :
Le Protocole des sages de Sion dans les médias arabes
Menahem Milson*
Ci-dessous un article du cofondateur et conseiller académique du MEMRI, le professeur Menahem Milson, traitant de la large diffusion du Protocole des sages de Sion dans le monde arabe, et de la place essentielle du Protocole dans l´antisémitisme arabe contemporain. Cet article a été publié en anglais dans The Posen Papers in Contemporary Antisemitism, édités par le Centre Sassoon de l´Université hébraïque de Jérusalem [1].
Ces cinquante dernières années, le Protocole des sages de Sion a été publié et diffusé dans le monde arabe plus largement peut-être que dans toute autre partie du monde. Les Protocoles ont en fait été publiés en arabe dès 1925, mais pendant un quart de siècle, ce livret antisémite n´a pas joué de rôle remarquable dans le combat arabe contre le sionisme. [2] Il semble que l´accueil inégalé fait aux Protocoles coïncide avec la création de l´État d´Israël. Le fait qu´une petite communauté de Juifs ait réussi à vaincre les armées combinées de sept pays arabes, et à créer un Etat souverain malgré le désaccord des pays arabes, a été une source de dissonance cognitive pour les Arabes. Les Juifs, selon le Coran, sont destinés à vivre dans la misère et l´humiliation. [3] Ils y sont également décrits comme lâches qu combat. [4] Cela étant, comment Israël a-t-il pu gagner la guerre et priver les Arabes de la victoire ? La croyance en un complot juif mondial, tel que décrit dans les Protocoles, a fourni une explication prétendument rationnelle à ce qui aurait autrement été inconcevable pour les peuples arabes. Le fait que cette croyance réponde à un besoin psychologique profond semble expliquer en grande partie la popularité des Protocoles dans le monde arabe. En effet, depuis le début des années 1950, ce dernier est devenu omniprésent dans le discours des élites politiques arabes.
Première traduction en arabe des Protocoles dans les années 1920
La première à attirer l´attention sur l´existence du Protocole des sages de Sion en arabe fut Silvia Haim, spécialiste du Moyen-Orient, en 1955. [5] Dans son article intitulé "Littérature antisémite arabe : quelques notes préliminaires", elle note que la première traduction en arabe des Protocoles a été publiée dans les années 1920. Étonnamment, le sujet des Protocoles en arabe et de l´antisémitisme arabe en général n´a pas suscité l´intérêt des chercheurs, universitaires ou autres, jusqu´à feu Yehoshafat Harkabi. Dans un ouvrage intitulé La position arabe dans le conflit avec Israël, publié en 1968, Harkabi rapporte diverses manifestations de la haine à l´encontre des Juifs dans la littérature et les médias arabes, qu´il qualifie à juste titre d´ "antisémitisme arabe". [6] Il consacre une section spéciale aux Protocoles en arabe, et sa bibliographie fournit une liste exhaustive des versions arabes existantes. [7] Malheureusement, depuis la fin des années 1960, le nombre des éditions des Protocoles n´a cessé d´augmenter.
Il est important de noter que, si Le Protocole des sages de Sion est bien sûr d´origine européenne, son adoption et sa large diffusion dans le monde arabe ont sans doute été facilitées et encouragées par l´existence de stéréotypes juifs profondément enracinées dans la culture arabe. Je ne fais pas ici illusion à l´image généralement négative des Juifs comme étant des mécréants, mais au stéréotype du Juif sournois ou attiré par les complots. Deux incidents importants intervenus aux débuts de l´islam, qui font évidemment partie de l´histoire sainte, ont permis d´asseoir ce stéréotype. Tous deux ont à voir avec les relations entre le prophète Mahomet et les Juifs de Médine. Comme on le sait, Mahomet était à l´origine allié aux tribus juives de Médine, mais après quelques années, il rompit le pacte et les attaqua. Naturellement, la rupture d´un traité nécessite une bonne raison, et l´histoire sainte de l´islam fournit les prétendues raisons des actions de Mahomet.
Selon les sources islamiques, le Prophète était un jour assis avec un groupe de ses disciples, adossé à un mur. Tout à coup, il s´est redressé et a annoncé que l´ange Gabriel venait de lui révéler que les Juifs de la tribu des Banu Nadhir complotaient pour l´assassiner en jetant une grosse pierre sur sa tête du haut du mur. Avec cette preuve divine de l´existence d´un complot juif, les Banu Nadhir furent expulsés de la ville et tous leurs biens confisqués par Mahomet. [8] Les prochains sur la liste furent les Juifs de la tribu des Banu Qurayzha : ils complotaient prétendument contre Mahomet pour le trahir. Les musulmans les assiégèrent, et après leur reddition, les hommes furent tous mis à mort et les femmes et les enfants réduits en esclavage [9].
Ces récits de la duperie et la trahison des Juifs sont bien connus des musulmans, car ils font partie de la Sira, la biographie sacrée du Prophète. Récemment, ces histoires anti-juives ont également été mises en scène dans une série télévisée, diffusée par la chaîne saoudienne [10]. Un autre complot juif infâme contre Mahomet est rapporté dans le Sira : la prétendue tentative d´assassinat de Mahomet par une Juive qui aurait cherché à empoisonner sa nourriture, et dont il aurait été miraculeusement rescapé [11].
Il convient de souligner que les actions et les paroles attribuées au prophète Mahomet ne sont pas seulement importantes au niveau historique ; pour les musulmans croyants, elles sont un modèle à suivre.
Les historiens sunnites attribuent traditionnellement le schisme entre chiites et sunnites à un complot juif secret mis en oeuvre par les machinations d´un Juif yéménite du nom d´Abdallah ibn Saba´ s´étant extérieurement converti à l´islam, mais avec l´intention de le détruire de l´intérieur. Ainsi, l´événement le plus traumatisant des débuts de l´islam, du point de vue musulman, est à attribuer à un complot juif visant à corrompre et détruire l´islam [12].
Il fait peu de doute que la liste des complots juifs contre Mahomet et la communauté musulmane ait préparé le terrain à l´acceptation des Protocoles comme d´un document authentique révélant la véritable nature des Juifs et du judaïsme.
La deuxième édition, parue en 1961, comprend une introduction de l´écrivain égyptien Abbas Mahmoud Al-´Aqqad
Comme mentionné plus haut, la première édition en arabe des Protocoles a été publiée en 1925. Toutefois, cette édition est à peine mentionnée dans la littérature ultérieure, les traductions qui ont suivi étant dépourvues de références la concernant [13].
Une nouvelle traduction en arabe, de Muhammad Khalifa Al-Tunisi, a été éditée une première fois en 1951, et a depuis été rééditée à plusieurs reprises par différentes maisons d´édition. La deuxième édition, qui date de 1961, est digne d´attention, car publiée avec une introduction du célèbre et très considéré écrivain égyptien Abbas Mahmoud Al-´Aqqad (1889-1964). Cette introduction est, en fait, la réimpression d´un article élogieux publié par Al-´Aqqad dans un journal égyptien en 1951, peu après la première publication de la traduction d´Al-Tunisi [14].
Ci-dessous des extraits choisis de l´introduction d´Al-´Aqqad : "En vue de rendre justice à l´histoire, je dois résumer ici ce qui est dit du livre d´un point de vue historique afin de remettre en question l´authenticité de ses sources, ou, au contraire, pour confirmer et prouver la véracité de son contenu. Ceux qui émettent des doutes sur l´authenticité de ses sources fondent leurs critiques sur la ressemblance entre le texte du livre et d´autres textes ayant précédé sa parution de 40 ans... Les critiques fondent aussi leur argumentation sur le fait que le Times londonien a déclaré qu´il s´agissait d´un faux, après y avoir fait référence comme à un document authentique. D´autre part, l´essence de l´argument de ceux qui affirment que ce document ou son contenu sont authentiques, est que ces documents n´apportent rien de neuf par rapport à ce qui apparaît dans les livres juifs reconnus, comme le Talmud et les livres de la tradition juive - sauf que le Talmud parle en termes généraux, alors que ces documents sont détaillées et spécifiques." [15]
Citant le journaliste britannique A.K. Chesterton, [16] Al-´Aqqad affirme que "les Sages de Sion ont peut-être vraiment existé, ou sont peut-être un produit de l´imagination, mais l´influence qu´ils essaient d´avoir est une réalité palpable, qui ne peut être remise en question." Al-´Aqqad ajoute : "Personnellement, j´ajouterais que l´on assiste à une énorme machine en marche, d´Istanbul à l´Amérique et à l´Afrique du Sud, et cela, entre autres, prouve qu´un gang international est à l´œuvre pour atteindre son objectif, même s´il n´y a pas eu de coordination dans la planification... Une autre preuve [de l´existence d´un complot juif], c´est que les sionistes utilisent [leur] influence pour accorder la célébrité à des écrivains de moindre importance afin de les séduire ; ainsi aucun livre de la plume d´un auteur arabe critiquant le sionisme n´a jamais été traduit [dans les langues occidentales]. Je n´ai pas besoin d´aller chercher loin : je le constate avec mes propres livres... dont l´impression [en anglais et en français] a été interrompue, malgré tout le mal qu´on s´était donné pour les traduire, parce que j´y dénonçais la politique sioniste." [17]
La contribution d´Al-´Aqqad aux écrits arabes sur les "Protocoles", en constante expansion, ne se limite pas à l´article de synthèse ci-dessus. En 1956, il publie un livre intitulé Al-Sahyuniyya al-´Alamiyya ("Le sionisme mondial"), qui représente une attaque virulente non seulement contre le sionisme, mais aussi contre les Juifs et le judaïsme, de l´antiquité aux temps modernes. [18] Selon Al-´Aqqad, la nature juive est si perverse et les Juifs sont une telle menace pour toutes les autres nations, qu´au bout du compte les nations devront les forcer à s´assimiler pour qu´ils cessent de former un groupe distinct. [19] Un résumé des Protocoles est fourni en annexe. Ce livre a été publié dans le cadre de la série Lak Ikhtarna ("Nous avons sélectionné pour vous"), outil d´endoctrinement national, et a été publié par Dar al-Ma´arif, plus grande maison d´édition égyptienne.
Dans ce livre, Al-´Aqqad adopte l´argument standard de ceux qui diffusent les Protocoles : peu importe de savoir si les détails relatifs à l´origine des Protocoles sont véridiques ; ce qui compte, c´est que les événements historiques sont conformes au complot juif tel que présenté dans les Protocoles. Cela prouverait qu´il existe bien un complot juif.
Il convient de noter qu´Al-´Aqqad était l´une des figures marquantes de la vie intellectuelle égyptienne au 20ème siècle, et ce jusqu´à sa mort en 1964. Le site officiel du gouvernement égyptien consacre une page à sa vie et à son oeuvre, qui s´ouvre avec la déclaration suivante : "Abbas Mahmoud Al-´Aqqad est l´un des piliers de l´esprit de la Renaissance [arabe] du XXème siècle [....] Il était un symbole de la conscience et de la morale égyptienne."
L´influence des Protocoles sur la représentation des Juifs comme cherchant à contrôler le monde, dans le discours intellectuel arabe des années 1950, apparaît clairement quand on consulte la définition de "Juifs" dans le Lexique des coutumes, traditions et expressions folkloriques égyptiennes, publié en 1953. L´auteur du lexique, Ahmad Amin (1886-1954), était lui aussi une grande figure de la vie intellectuelle égyptienne de son époque. Dans le passage sur les Juifs, il écrit notamment : "En Amérique, où leur nombre ne dépasse pas six millions, ils ont acquis un pouvoir sur le peuple, constitué d´environ 400 millions d´âmes [sic]. Ils sont très perspicaces quand il s´agit de déterminer quelles activités les aideront à prendre le contrôle de la nation où ils vivent, par exemple : la médecine, la banque, le journalisme, l´enseignement, etc. Ils sont particulièrement habiles dans la diffusion des idées et des doctrines qui portent atteinte à la religion."
La traduction de 1967 du journaliste et traducteur libano-palestinien Nuwayhidh Ajjaj
Une autre traduction des Protocoles, parue en 1967, a été réalisée à partir de l´édition anglaise par le journaliste et traducteur libano-palestinien Ajjaj Nuwayhidh. L´ouvrage commence par une partie sur l´histoire supposée des Protocoles et une histoire du sionisme ; la deuxième partie est constituée des Protocoles; la troisième partie traite des prétendues sources talmudiques des Protocoles ; la quatrième partie évoque des sources bibliques et trace des parallèles. La traduction de Nuwayhidh semble être devenue l´édition de référence dans le monde arabe et a été rééditée plusieurs fois dans plusieurs pays arabes.
Les traductions des Protocoles ne sont pas l´unique facteur contribuant à la croyance en un complot juif dans le monde arabe. D´autres types de publications - des résumés des Protocoles, par exemple - ont été inclus ou ajoutés en appendices à certains de ces livres. Les titres de certaines de ces publications en disent long : Complot juif contre le christianisme ; Palestine et conscience humaine ; Le danger posé par les Juifs dans le monde à l´islam et au christianisme. Parmi les dernières nouveautés, on trouve : Secrets des êtres malveillants : Cabale, organisations clandestines et tentative de contrôler le monde ; Assassinat : des Écritures juives et du Protocole des sages de Sionà Chevalier sans monture. Plusieurs de ces livres ont été publiés par des maisons d´édition subventionnées par l´État. La liste complète est beaucoup trop longue pour être reproduite ici.
Bien que le texte intégral des Protocoles puisse facilement être consulté, aussi bien en version papier que sur Internet, il est intéressant de constater qu´il est généralement cité en tant que concept : il est rarement fait référence à un protocole en particulier. Les Protocoles, en tant que livre, jouent le rôle de corpus delicti, de preuve de l´existence d´un complot juif. Ils servent à montrer que ce complot n´est pas seulement l´objet d´une hypothèse, mais qu´il correspondrait à une réalité palpable. Cela explique peut-être les fréquentes rééditions et mises en ligne des Protocoles sur Internet.
Il n´est pas surprenant que l´ouvrage antisémite de William G. Carr, Pions dans le jeu (1954) - qui présente une version moderne de la théorie du complot mondial - ait également été traduit en arabe et soit souvent cité comme preuve de l´existence d´un complot juif mondial [20].
Un incident célèbre intervenu dans les années 1970 témoigne de l´omniprésence de la croyance en un complot juif dans le monde arabe. Henry Kissinger raconte comment, alors qu´il assistait à un dîner d´Etat donné en son honneur par le roi Fayçal en Arabie saoudite, ce dernier entreprit de lui exposer le danger représenté par le complot des Juifs et des communistes :
"…L´idée de base [du roi Faisal] était que les Juifs et les communistes oeuvraient soit en parallèle, soit ensemble, contre le monde civilisé tel que nous le connaissons. Oublieux de mes origines - ou ayant la délicatesse de me placer dans une catégorie à part -, Fayçal insistait pour que soit mis fin une bonne fois pour toutes au double complot des Juifs et des communistes. L´avant-poste au Moyen-Orient de ce complot était l´État d´Israël, mis en place par le bolchevisme dans le but essentiel de créer une division entre l´Amérique et les Arabes." [21]
Quittons à présent la cour royale et la politique mondiale pour nous tourner vers les affaires profanes des gens ordinaires. Le 6 novembre 2002, un enseignant de Nazareth demandait un avis religieux (fatwa) sur un site Web spécialisé dans le service des fatwas en ligne. Son problème était le suivant : les lycées de Nazareth organisent une sortie annuelle à Eilat pour leurs élèves de Terminale, garçons et filles. Or lors de ce voyage, les étudiants dorment loin de chez eux, alors même que les filles se trouvent sans accompagnateur parental masculin. Le cheikh de service, un religieux d´Al-Azhar, a statué, comme on pouvait s´y attendre, qu´au vu des circonstances décrites, le voyage était prohibé. Le point qui nous intéresse ici est qu´il a introduit sa fatwa en déclarant que ce type de voyage "fait partie des complots des Protocoles des sages de Sion par lesquels ils cherchent à corrompre la jeunesse ..." [22]
En fait, tout acte de prétendu libertinage a de bonne chances d´être attribué aux effets délétères des Protocoles. Par exemple, en août 2003, quand les Frères musulmans appelèrent à une interdiction de diffusion du recueil de poèmes du poète égyptien Ahmad al-Shahawi Wasaya fi´ishq al-nisa ("Conseils sur le sujet du désir"), ils le comparèrent au Protocole des sages de Sion [23].
Les "Protocoles" mis en scène sur les télévisions arabes
Étant donné le potentiel dramatique du complot juif tel que décrit dans les Protocoles, son adaptation télévisée n´était qu´une question de temps.
Le 6 novembre 2002 (première nuit du Ramadan), certaines chaînes de télévision arabes (y compris la télévision d´État égyptienne) diffusèrent le premier épisode d´une série en 41 épisodes intitulée "Chevalier sans monture". Des éléments importants de l´intrigue de la série sont inspirés du Protocole des sages de Sion. Il est à noter que les nuits du Ramadan sont considérées comme des heures de grande écoute dans les pays arabes et musulmans.
En fait, la série devait être diffusée le Ramadan de l´année précédente, mais la date fut reportée en raison de retards dans la production. En prévision de la diffusion, l´hebdomadaire égyptien Roz Al-Youssouf a publié un article sur la série ainsi qu´une interview de son réalisateur et acteur principal, Muhammad Subhi. [24] Dans l´interview, Subhi déclarait que l´une de ses sources d´inspiration était l´ouvrage d´Abbas al-´Aqqad sur le sionisme mondial (mentionné plus haut), qui dit notamment qu´en comparant les événements historiques et le plan décrit dans les Protocoles, on peut juger par soi-même des mesures citées des Protocoles qui ont déjà été mises en œuvre et de celles qu´il convient d´anticiper.
Dans une scène de Chevalier sans monture, le héros explique à ses amis le danger du complot sioniste : "... Le serpent est le symbole sioniste, et sa progression est tracée sur la carte, étape par étape. La première étape a eu lieu en Europe en 429 avant notre ère, en Grèce, à l´époque de Périclès..." (Al-Manar)
La série a suscité des protestations en Occident, le Département d´Etat américain ayant demandé au gouvernement égyptien d´empêcher sa diffusion - demande qui a été rejetée d´emblée par le ministre égyptien de l´Information Safwat Al-Sharif. La série a été visionnée et approuvée par un comité nommé par le censeur égyptien. Une association d´audio-visuel égyptienne a qualifié la série de "jalon dans l´histoire du théâtre arabe". Le ministre égyptien de l´Information a déclaré que "les vues exprimées par la série ne contiennent rien qui puisse être considéré comme antisémite". [25] Néanmoins, sous la pression des critiques étrangères, les producteurs ont été obligés de modifier le libellé de l´introduction ouvrantchacun des épisodes. On pouvait lire dans l´introduction originale : "Certains des événements [de la série] sont réels, tandis que d´autres sont imaginaires. Certains ont déjà eu lieu et d´autres doivent intervenir dans le futur." L´introduction a toutefois été revue et rendue plus circonspecte : "La série n´a pas pour objectif de confirmer la véracité de ce qui est connu sous le nom de Protocole des sages de Sion, lesquels n´ont pas été historiquement authentifiés". [26]
Chevalier sans monture a suscité de nombreux débats dans la presse égyptienne et arabe. Généralement élogieuse vis-à-vis de la série, la presse a vilipendé Américains et Juifs pour leur demande ´impudente´ de ne pas diffuser la série. Certaines voix dans la presse arabe ont toutefois émis des critiques à l´encontre du feuilleton et accusé son producteur d´avoir pris pour base un faux notoire. [27] Parmi les écrivains arabes ayant publiquement dénoncé le Protocole comme étant un faux, on trouve le philosophe syrien Dr Sadeq Jalal al-´Azm, le conseiller du président Moubarak Oussama al-Baz [28] et le Dr Abd al-Wahhab al-Masiri, faisant autorité en Egypte en matière d´histoire juive, et auteur d´une encyclopédie en arabe sur le judaïsme [29].
Pourtant, la tendance générale dans les médias arabes a été de dire que le complot sionistemondial représente une menace réelle. Un exemple typique est l´interview consacrée aux Protocoles, diffusée sur Al-Jazeera le 19 mars 2002. L´émission, intitulée "Direction opposée" (al-Ittijah al-mu´akis) est très regardée, et son animateur, M. Faisal Al-Qasim, est une célébrité médiatique dans le monde arabe. Deux invités étaient présents sur le plateau : le journaliste mauritanien Muhammad ibn Mansur Jamil, qui soutient que l´authenticité du document est une question d´ordre théorique, tandis que le contenu des Protocoles a été confirmé par l´histoire, et le journaliste kurde irakien Kameran Qurra Daghi, [30] qui soutient pour sa part que le Protocole des sages de Sion est un faux antisémite qui n´a rien à voir avec les problèmes des Arabes aujourd´hui ; selon ce dernier, les prendre au sérieux est une "insulte à l´intelligence arabe". Toutefois, le modérateur, dans son introduction, ne se contente pas de présenter comme légitime le point de vue selon lequel les Protocoles décrivent un complot juif ; il suggère que ce pourrait être les Juifs eux-mêmes qui diffusent les Protocoles en vue de semer la peur dans le cœur de leurs ennemis.
Ci-dessous l´introduction du modérateur :
"…Les Arabes ont-ils lu le Protocole des sages de Sion ? L´ont-ils compris ? Comment y ont-ils réagi ? Ces questions à une époque où il est mis à exécution nuit et jour sous leurs propres yeux. Voilà ce que certaines demandent, et pour ceux qui ne savent pas grand-chose des Protocoles, voici [quelques mots d´introduction] :
C´est un livre qui contient 24 protocoles, écrit par un groupe de sionistes il y a plus de cent ans, dans lequel ils exposent leurs plans de domination de la Palestine et des Arabes, puis du reste du monde.
Jusqu´à ce jour, les Protocoles n´ont cessé de créer la polémique. Certains disent qu´ils ont été concoctés par la police secrète russe et n´ont rien à voir avec les Juifs. D´autres affirment qu´il s´agit d´un complot juif maléfique se fondant sur les doctrines juives des livres saints juifs. Ceux qui sont de cet avis estiment que les Protocoles représentent essentiellement les hypothèses intellectuelles et théoriques, en fait la constitution même, de l´entreprise sioniste, et que les événements actuels au niveau politique, économique, médiatique et culturel correspondent à une application littérale des Protocoles. Et le fait est que les Juifs ont pris le contrôle, ainsi qu´ils avaient promis de le faire il y a plus d´un siècle. Ils ont pris les rênes de l´économie, de la finance et des médias dans le monde.
De la même façon, ils sont les premiers à avoir glorifié le terrorisme, un terrorisme qui se pratique à présent en Palestine et dans d´autres pays du monde. Le terrorisme, selon certains, a été inventé, produit et commercialisé par eux. Selon eux, le terroriste politique est un martyr, comme le révèle le protocole 19.
Ceux qui sèment le doute sur [l´authenticité] des Protocoles les considèrent comme une simple tentative de diffamation et de nuisance de la part des ennemis des Juifs afin de justifier leur persécution, comme ce fut le cas en Russie et en Allemagne.
D´autres encore croient que la diffusion des Protocoles est un service rendu gratuitement aux sionistes, vu qu´ils exagèrent les capacités et la grandeur du sionisme. Est-il faux de supposer que les Juifs eux-mêmes sont derrière la diffusion de ces conceptions erronées, qui rendent leurs rivaux prisonniers de l´illusion selon laquelle les Juifs seraient une invincible puissance secrète et une pieuvre effrayante qui pénètre tous les pays ?
D´autres encore soutiennent que si le sionisme était vraiment à la tête des affaires politiques, économiques et médiatiques en Occident, ce serait tout à son honneur, l´Occident étant au sommet – au niveau technologique, économique et en termes de médias.
Ce sont des questions que je lance directement à M. Kameran Qurra Daghi [journaliste] et à Muhammad Jamil ibn Mansur, l´un des leaders du Bloc des puissances démocratiques en Mauritanie, écrivain et militant anti-sioniste, président du Comité de l´Union nationale pour la résistance à la pénétration sioniste." [31]
Un an après la diffusion de Chevalier sans monture, un autre feuilleton, plus virulent encore, a été diffusé lors du Ramadan 2003 en prime time. Ce feuilleton en 29 épisodes, de production syrienne, intitulé Al-Shatat (Diaspora), prétendait présenter la vie juive en Diaspora ainsi que l´émergence du sionisme, et a été diffusé par la station satellite Al-Manar du Hezbollah. Il comportait des scènes macabres, telles que le meurtre rituel d´un garçonnet chrétien et l´exécution rituelle (par des Juifs) d´un Juif ayant épousé une non-juive. La série télévisée entendait aussi montrer comment Amschel Rothschild, fondateur du prétendu gouvernement juif secret mondial, aurait demandé à ses fils, sur son lit de mort, de provoquer des guerres et de corrompre la société mondiale afin de servir les intérêts financiers et les objectifs politiques des Juifs.
Il est intéressant de noter que les producteurs d´Al-Shatat, conscients du tollé suscité l´année précédente par Chevalier sans monture, ont pris la peine d´ajouter un avertissement au début de chaque épisode précisant que le feuilleton ne se base pas sur le fameux Protocole des sages de Sion, mais sur des faits et des recherches historiques, dont des écrits de Juifs et d´Israéliens. Toutefois, l´intrigue du feuilleton portait bien sur un complot juif mondial secret rappelant le Protocole ; en outre, l´épisode 22 évoquait directement le Protocole : dans cet épisode, le "gouvernement juif mondial" se réunit pour célébrer la mort d´un million de personnes pendant la Deuxième guerre mondiale, et leur leader explique pourquoi le fait de tuer des Juifs d´Europe a servi les objectifs de leur gouvernement secret :
Plus le nombre de Juifs tués pendant la guerre sera élevé, plus il nous sera facile de convaincre le monde que le Protocole des sages de Sion n´est rien de plus qu´un mensonge du monde chrétien visant à accroître la haine à l´encontre des Juifs. Une fois l´opinion convaincue du fait que ce livre n´est rien de plus qu´un mensonge, nous lancerons une offensive secrète et discrète pour prouver la véracité de l´ouvrage, jusqu´à ce que le monde développe à nouveau une crainte profonde à notre égard, et connaisse la défaite face à nous, sans qu´il soit nécessaire d´en passer par la guerre. Maintenant, trinquons à cette grande guerre.
Le gouvernement syrien a réfuté les rapports faisant état d´une participation de la télévision d´Etat syrienne. Toutefois, les remerciements figurant à la fin de chaque épisode montrent que le gouvernement syrien a soutenu la production. [32] Al-Shatat n´allait pas être le feuilleton d´une seule saison et d´une seule chaîne. A l´occasion du Ramadan 2005, la télévision jordanienne Al-Mamnou a diffusé la production syrienne. Celle-ci a en outre été diffusée sur deux chaînes iraniennes lors du Ramadan 2004. [33] Et lors du Ramadan de l´année 2009, la deuxième chaîne iranienne a également entrepris de diffuser la série, doublée en persan. [34]
Ainsi que l´on pouvait s´y attendre, vu l´impact médiatique des programmes télévisés concernés, la diffusion des Protocoles a connu une nette augmentation. Internet a joué un rôle déterminant dans la diffusion de l´ouvrage, désormais mis en ligne sur des centaines de sites. Ci-dessous un exemple du phénomène.
Le site arabe nationaliste Arabrenewal.com mettait en ligne, en janvier 2003 (quelques mois après la diffusion de la série Chevaliersans monture), le texte intégral des Protocoles, traduits par Neweyhid. Il était préfacé de l´avertissement suivant :
La famille du Renouveau [arabe] voudrait préciser que le fait que nous publiions ce document ne signifie pas que nous en confirmons l´authenticité. Toutefois, compte tenu de l´agitation suscitée par le feuilleton Chevalier sans monture, et compte tenu du lien existant entre la campagne américaine sioniste menée contre cette série et les références qu´elle contient au Protocole des sages de Sion, et vu que nous croyons fermement au droit à l´information pour tous, et vu que ce document, qu´il soit authentique ou faux, est entré dans l´histoire et a généré une importante polémique, nous estimons qu´il est important de le publier ici.
Quelques jours plus tard, un lecteur écrivait au site. Après l´avoir félicité pour le grand service rendu par la publication des Protocoles, il disait :
"J´ai remarqué votre avertissement concernant l´authenticité des Protocoles (…) Vous êtres bien entendu parfaitement en droit de publier un tel avertissement. Je suis toutefois préoccupé par un grave complexe arabe qui est un fléau pour nous… il nous amène à considérer ce qui nous vient des médias américains comme véridiques, et à douter de quiconque tente de mettre à jour leurs mensonges et inventions. (…) Je n´ai pas besoin d´aller chercher loin ; les Protocoles contiennent la preuve de leur propre authenticité. Même si l´on suppose qu´ils ont été inventés, [force est de constater que] les événements actuels dans le monde sont identiques à ceux décrits dans les Protocoles." [35]
L´authenticité des "Protocoles" n´est généralement pas contestée dans le monde arabe
Hormis quelques voix marginales citées plus haut, ceux qui mentionnent les Protocoles dans les médias arabes le font comme à un document authentique. Il ne fait aucun doute que de nombreux auteurs dans le monde arabe ont pleinement conscience d´avoir affaire à un faux. Toutefois, ils continuent de se servir des Protocoles car, arguent-ils, "peu importe qu´ils soient vrais ou imaginés : leurs prévisions se sont largement réalisées."
Un article de Ghassan Tueni, journaliste libanais chrétien, illustre bien ce phénomène : "Si nous ne savions pas que le Protocole des sages de Sion avait été inventé par les services de renseignements russes au XIXème siècle, nous dirions que ce qui se passe actuellement dans le monde correspond exactement à ce que les Juifs avaient prévu, en raison de la grande ressemblance [entre les événements actuels et] ce qui est généralement attribué [aux Juifs dans le monde] : le complot visant à conquérir le monde et à le piller, les agissements [des Juifs] partout dans le monde, le statut financier, politique et militaire atteint [par les Juifs dans le monde]. Cela s´ajoute aux efforts pour détruire ce que les autres tiennent pour sacré." [36]
Les médias arabes et iraniens évoquent en particulier l´utilisation présumée des stupéfiants par les Juifs, dans l´objectif de corrompre les non-Juifs, conformément aux Protocoles. Ci-dessous deux exemples : le 22 octobre 2007, la télévision libanaise NBN diffusait un reportage sur les Protocoles. Le narrateur y tenait les propos suivants : "La drogue était la méthode employée par les Juifs pour affaiblir le peuple allemand, ce qui a mené à l´extrémisme nazi, auquel les Juifs eux-mêmes ont participé. En outre, ils ont lancé le commerce de stupéfiants à grande échelle dans la Russie tsariste, dès le XVIIème siècle. C´était conforme au Talmud juif, qui affirme que les Juifs doivent fournir un effort important pour empêcher les autres nations de diriger la Terre, afin que le pouvoir se trouve exclusivement aux mains des Juifs." [37]
Lorsque, en 2007, la police iranienne a effectué une importante saisie de drogue, elle a présenté devant les caméras de télévision les paquets de drogue disposés sous la forme d´une étoile de David, en allusion au lien présumé entre trafic de drogue et Juifs. [38]
L´incident suivant est fort révélateur : en novembre 2003, la traduction en arabe des Protocoles fut placée aux côtés de la Torah et du Talmud dans le cadre d´une exposition sur les Livres saints des trois religions monothéistes. Dr Youssef Zeidan, directeur du Centre des manuscrits arabes de la bibliothèque d´Alexandrie, a fièrement exposé le succès culturel de l´exposition à un correspondant de l´hebdomadaire égyptien Al-Usbu : "Quand mes yeux se sont posés sur le précieux exemplaire de ce livre dangereux, j´ai immédiatement décidé de le disposer à côté de la Torah. Bien que ce ne soit pas un livre saint monothéiste, c´est devenu l´un des [textes] sacrés juifs faisant partie intégrante de leur constitution fondamentale, de leur loi juive et de leur mode de vie. En d´autres termes, il ne s´agit pas uniquement d´un ouvrage idéologique et théorique. Peut-être ce livre du Protocole des sages de Sion est-il plus important pour les Juifs sionistes du monde que la Torah, vu qu´ils vivent le sionisme conformément à son contenu… Il n´est donc que naturel d´inclure ce livre à l´exposition." [39] Le correspondant décrit ainsi l´exemplaire exposé : "C´est la première traduction des Protocoles en arabe, réalisée par Muhammad Khalifa Al-Tunisi. Sa reliure comporte une étoile de David, symbole bolchevique juif, entourée de serpents symboliques." [40]
Suite à des protestations internationales et des pressions diplomatiques, l´exemplaire a été retiré de la vitrine et replacé dans les rayonnages de la bibliothèque. Al-Ahram rapporte que ce déplacement a suscité à une polémique. [41] Le 6 décembre 2003, Dr Ismaïl Siraj Al-Din, directeur de la bibliothèque d´Alexandrie, émettait une déclaration officielle expliquant en ces termes le retrait de l´ouvrage de l´exposition : "L´inclusion même [de l´ouvrage à l´exposition] révélait une faute de jugement et un manque de sensibilité. Un examen administratif interne est en cours pour déterminer si des dispositions supplémentaires devront être prises."
Selon Al-Ahram, "la déclaration du Dr Siraj a soulevé une vague de colère chez les extrémistes locaux, qui ont sollicité le parlement, envoyé des lettres aux journaux et publié des articles affirmant que qualifier ce livre de "faux ayant pour but de susciter des sentiments anti-juifs" revenait à se montrer anti-patriotique et déloyal, ajoutant que la bibliothèque était soumise aux intérêts du lobby sioniste, de l´Etat d´Israël et des Etats-Unis. Ils ont également déclaré que la bibliothèque mettait un frein à la liberté d´expression en retirant le livre de l´exposition. [42]
L´omniprésence des "Protocoles", devenus un symbole de complot malveillant, a parfois des manifestations inattendues. Il y a quelques années, un site Internet islamiste affichait un document intitulé "Le Protocole des sages de Qom", censé contenir le plan secret des ayatollahs chiites - surnommés "sages de Qom" - pour amener la destruction de l´islam sunnite (la ville de Qom est le plus grand centre du chiisme en Iran). Selon certaines sources, la transcription du présumé complot chiite était en quelque sorte tombée entre les mains de fidèles sunnites établis en Iran, qui le publièrent dans le but de révéler au monde l´existence dudit "dangereux complot". Bien que sans rapport avec le sionisme et les Juifs, l´ouvrage avait un titre clairement inspiré de Protocoles des sages de Sion, ce qui en dit long. [43]
Il y a quelques années, un écrivain irakien chiite affirmait que les sunnites, qui persécutent et massacrent les chiites depuis le VIIème siècle, agissent conformément au "Protocole des sages de la Sunna". Cet écrivain fut indigné par les célébrations tenues à Salt, en Jordanie, le 10 mars 2005, en l´honneur d´un terroriste d´origine jordanienne qui avait perpétré un attentat-suicide contre une mosquée chiite de Hilla dans le sud de l´Irak, faisant 125 morts et deux fois plus de blessés. L´écrivain chiite soutient que la seule explication possible à cette célébration par les sunnites d´un crime aussi odieux, et de la longue histoire des persécutions sunnites des chiites, est l´existence d´un programme anti-chiite d´origine omeyyade, qui instruit les sunnites de traiter les chiites de la manière la plus inhumaine possible, afin de les éliminer, "tout comme le Protocole des sages de Sion" instruit les Juifs de tuer les "goyim", enfants, femmes et vieillards compris... en vue d´atteindre leurs objectifs". [44]
Une autre manifestation de l´omniprésence des Protocoles dans le discours politique arabe est le fait qu´en réponse au rapport de Detlev Mehlis sur l´assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri, un certain Sa´adun al-Hindawi a publié un article accusant Mehlis d´agir conformément aux "Protocoles de Sion". [45]
Il est intéressant de noter que le mythe européen des Protocoles semble avoir été facilement adopté par l´islam fondamentaliste et totalement intégré à sa pensée et sa prédication. L´article 32 du Pacte du Hamas de 1988 fait lui aussi allusion aux Protocoles :
Le plan sioniste n´a pas de limites, et après la Palestine, ils veulent étendre [leur territoire] du Nil à l´Euphrate, et quand ils auront fini de dévorer une région, ils auront faim d´expansion et continueront, indéfiniment. Leur plan est exposé dans le Protocole des sages de Sion, et leur [comportement] actuel prouve ce que nous disons [46].
La notion d´un prétendu complot juif visant à prendre le contrôle du monde en corrompant la société non juive et en nuisant à l´ordre politique fait désormais partie intégrante du discours islamiste et est un thème récurrent des sermons du vendredi. Il n´est même pas attribué aux Protocoles, mais mentionné comme un fait établi. Par exemple, dans son sermon du vendredi, le 13 mai 2005 à Gaza, le cheikh Ibrahim Mudeiris tenait les propos suivants :
"Avec la création de l´Etat d´Israël, la nation islamique tout entière a été perdue, parce qu´Israël est un cancer qui se propage dans le corps de la nation islamique, et parce que les Juifs sont un virus ressemblant au sida, dont le monde entier souffre. [...] Vous constaterez que les Juifs se trouvent derrière toutes les guerres civiles de ce monde. Les Juifs sont derrière la souffrance des nations [47].
Les "Protocoles" dans le monde arabe aujourd´hui
Il serait peut-être approprié de conclure cet article par un exemple de la pertinence de la question du Protocole des sages de Sion dans le monde arabe aujourd´hui. Un manuel d´histoire officiel de Seconde, publié en 2004 par l´Autorité palestinienne, incluait un chapitre sur l´histoire du sionisme. Le chapitre résumait les résolutions du premier Congrès sioniste de Bâle. Après une présentation factuelle des principales décisions du Congrès, on pouvait lire :
"Il existe un certain nombre de décisions secrètes émises par le Congrès, connues sous le nom de "Protocole des sages de Sion", qui visent à prendre le contrôle du monde entier. Elles ont été révélées au grand jour par Sergei Nilus, et traduites en arabe par Muhammad Khalifa Al-Tunisi." [48]
Ces propos ont été portés à l´attention générale par Dr. Arnon Groiss, sur une émission de radio, puis à celle du gouvernement belge, qui avait octroyé un soutien financier à la publication du livre. En conséquence, l´Autorité palestinienne a publié une édition expurgée, d´où ce passage a été supprimé.
Cet épisode montre, d´une part, que ce faux est non seulement largement diffusé dans le monde arabe, mais considéré par les éducateurs arabes comme un document historique authentique devant être enseigné à l´école. D´autre part, il révèle que la dénonciation est une action politique bien menée peuvent s´avérer efficaces.
Les notes de bas de page pourront être consultées dès demain sur http://www2.memri.org/french/