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Géopolitique – Les visées turques

 

Leur avenir n’est plus dans l’intégration de l’Europe
Faits révélateurs, par Pascal Lorot

 

Rien ne va plus entre Israël et la Turquie. Le feu couvait depuis quelque temps déjà entre les deux pays. Le Premier ministre turc Erdogan avait vertement critiqué l’attitude de l’Etat juif vis-à-vis de Gaza et, plus généralement, dans les territoires palestiniens, lors du Forum de Davos millésimé 2009, refusant net tout dialogue avec le président israélien Shimon Peres alors présent. Plus récemment, c’est l’assaut de l’armée israélienne sur une flottille cherchant, en mai 2010, à passer outre le blocus maritime de Gaza, qui avait mis le feu aux poudres entre les deux pays. Neuf ressortissants turcs avaient alors perdu la vie lors de l’assaut, ce qui avait provoqué une vive colère en Turquie. D’autant qu’Israël refusa de présenter des excuses pour les violences commises.

Dernier acte d’un divorce (presque) annoncé, la parution il y a quelques jours d’un rapport de l’ONU qui ne condamne pas directement Israël, au grand dam d’Ankara. Alors qu’il renvoyait chez lui l’ambassadeur d’Israël, le gouvernement turc décidait parallèlement de suspendre les liens commerciaux dans le secteur de la défense entre les deux pays. Ces décisions ne faisant que s’ajouter à un gel des relations militaires, décidé il y a plusieurs mois.

L’hostilité croissante d’Ankara fragilise clairement les positions d’Israël. Jusque-là, l’alliance avec la Turquie, un membre historique de l’OTAN, était un élément clé de la sécurité israélienne. Face à la menace syrienne et à celle du Hezbollah libanais, elle confortait l’Etat hébreu par le nord. Aujourd’hui, les cartes sont rebattues. D’autant plus que la situation en Syrie est plus incertaine que jamais et que, dans le même temps, sur la frontière occidentale, l’Egypte redevient un partenaire difficile. Certes, il n’est pas question, au moins à ce stade, de remettre en cause les accords de Camp David, premier accord de paix signé entre Israël et un Etat arabe en 1979. Toutefois, la violente attaque dont a fait l’objet l’ambassade israélienne au Caire il y a quelques jours, la perspective d’une arrivée au pouvoir du Parti de la liberté et de la justice – branche politique des Frères musulmans – lors des élections prévues pour cet automne, les hésitations politiques enfin de la hiérarchie militaire, toujours au pouvoir au Caire, créent un climat de réelle incertitude.

Dans sa croisade anti-israélienne, Erdogan sait qu’il est gagnant à tous les coups. Au niveau régional, il se bâtit une légitimité forte auprès des populations arabes, devenant, à leurs yeux, le héraut d’un combat que les dirigeants arabes ont toujours été réticents à endosser pleinement, pression américaine oblige. A un niveau interne, l’hostilité officielle à l’encontre d’Israël renforce sa popularité dans un pays où l’islam devient de plus en plus présent, en dépit de l’affichage officiellement laïque du pays. Au passage, cela permet au Premier ministre Erdogan d’occulter la reprise des hostilités avec plusieurs mouvements armés kurdes dans l’est du pays et, plus généralement, de reléguer au deuxième plan la question des droits de l’homme et du respect de la minorité kurde.
La tournée qu’a engagée Erdogan dans les pays du “printemps arabe” (Egypte, Tunisie et Libye) et le débat, programmé pour le 20 septembre à l’ONU, relatif à la reconnaissance de l’Etat palestinien, devraient permettre au Premier ministre turc d’enfoncer le clou un peu plus encore dans sa dénonciation d’Israël.

La bonne nouvelle dans tout cela ? La confirmation que la Turquie cherche à conforter son rôle de puissance régionale incontournable. Cela passe par des excès, nécessaires pour plaire aux masses arabes et neutraliser l’hostilité passive de Téhéran face à ce rival en puissance. Surtout, cela atteste que l’avenir de la Turquie n’est plus dans l’intégration à l’Europe. Les dirigeants turcs l’ont compris et intégré, sans le dire. Les Européens en sont toujours à penser comme dans l’ancien monde. Il est temps d’ouvrir les yeux…

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