Yvan Attal ne plaisante plus
Par FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI
Il a explosé dans «Un monde sans pitié», enchaîné les rôles de «bad boy» en demi-teinte, dirigé deux fois sa femme Charlotte Gainsbourg et fait trois enfants. Mais ce fils unique aimerait grandir encore. Alors qu’il s’apprête à remettre sa casquette de cinéaste, rencontre avec un ex-baratineur angoissé.
C’était une journée d’été à Paris, il pleuvait à verse et Yvan Attal a garé sa Smart sur le trottoir pour s’engouffrer dans le bistrot. Il voulait qu’on se rencontre afin d’évoquer sa présence dans Next. La directrice du style, l’auteur de ces lignes, lui. On s’attendait à un type un peu distant, méfiant, mais c’est un félin qui s’est assis, souple dans ses vêtements sobres et de bonne facture, très drôle dans sa manière de planter ses griffes. « Je suis prêt à parler des heures, j’adore ça. Les images, en revanche, me mettent mal à l’aise. Ces photographes qui te déguisent, te disent de pencher la tête par là, te mitraillent indéfiniment ! Je ne suis pas une actrice, je ne suis pas comme ma femme [Charlotte Gainsbourg] qui elle, y prend un grand plaisir. »
On a bu des cafés, on a ri plus d’une fois. Yvan Attal pratique une méchanceté réjouissante, presque enfantine. Il dit ce qu’il pense de certains de ses films (faits pour l’argent / mauvais scénario), de quelques-uns de ses collègues acteurs (vaguement sympas / prétentieux quand le succès s’en mêle). Dans le milieu confit d’hypocrisie où il évolue, cette franchise doit le faire passer pour un homme qui crache dans la soupe, même s’il ne s’épargne pas dans la liste, à évoquer déboires, rêves inaboutis, regrets (et il en a). On a promis que les photos seraient rapides, qu’on ne lui demanderait pas de sourire («Y’a rien de plus con, non ?»), et quelques jours après, comme promis, il est arrivé au rendez-vous seul, assez tendu de se retrouver face à tant d’inconnus (maquilleurs, coiffeurs, assistants), mais aimable.
L’habit du bougon/rétif lui faisant une seconde peau, il lance à la cantonade que la cantonade aurait très bien pu rester chez elle puisqu’il n’a guère besoin de fards ni de laque sur les cheveux. Sur le ton de la plaisanterie à moitié vraie, bien sûr. On comprendra que ce ton-là est sa marque de fabrique, celle d’un grand garçon de 46 ans qui attend encore plein de choses. La naissance de son troisième enfant (qui interviendra quelques jours plus tard) ; le début du tournage de son troisième film comme réalisateur, en septembre ; le succès, un jour (mais cela s’appelle l’insatisfaction, c’est une autre affaire et c’est parfois un moteur – ici crucial). Yvan Attal attend et tourne en rond, ça se voit également sur ses ongles rongés, sur la nervosité qui découle de l’arrêt (très récent) de la cigarette (il fera semblant avec plaisir pour les photos), et ses pointes d’humour noir cachent mal un questionnement radical exprimé sous la forme de la râlerie/pitrerie autodépréciative, l’un des grands traits existentiels de l’homme blanc occidental – voir également Woody Allen, Jean-Pierre Bacri.
En plus de ces deux-là, Attal promène un côté play-boy cabossé (oreille fendue, coquetterie dans le regard), qui invite à plein de suppositions. Qu’y a-t-il derrière la fanfaronnade un peu triste, la masculinité aussi rentrée qu’explosive, la déception qui s’efforce de rester joyeuse ? Yvan Attal fait partie de ces gens qui donnent envie (de les filmer, d’écrire pour eux). On se demande pourquoi personne ne l’a mieux, et plus souvent, utilisé.
Au commencement, donc…
J’aimais bien l’école, j’étais même assez bon élève. Mais en seconde j’ai lâché prise. Seconde C, première D, acteur. L’échec, l’idée même d’échouer, je n’imaginais pas ce que c’était… Quand je vois mon fils de 14 ans, je me demande comment il se projette dans l’avenir. Moi je sortais d’une adolescence magnifique et j’ai l’impression que tout était moins dur. L’angoisse est apparue lors des leçons de théâtre au cours Florent, j’avais dans les 18 ans. Je me disais : « Oui mais après ? » Et après j’ai eu une chance inouïe. Un monde sans pitié, le César du meilleur espoir, boum.
D’où veniez-vous ?
Je suis né à Tel Aviv et j’ai grandi à Créteil. Mes parents ont connu deux exodes. Originaires d’Algérie, ils ont rejoint Israël. Mon père était horloger, et sioniste, notamment parce qu’il avait subi pas mal de racisme. Puis ils sont arrivés en France. Israël reste un pays qui compte pour moi car il est dans cette situation-là, compliquée, mais si demain tout s’arrangeait je n’en aurais plus rien à foutre... Je n’ai pas d’autre pays que la France, je ne suis pas religieux, le jour de Shabbat on mange un couscous et voilà. Je me définirais comme un juif arabe. À Créteil, on avait des voisins musulmans maghrébins et la même odeur flottait dans nos cuisines. Je suis un enfant unique mais dans la cité, j’ai grandi entouré de cousins, de copains. La vie était tellement gaie…
Je regardais les films de Scorsese ou Coppola, j’admirais Pacino et son côté petit brun que j’avais aussi, que j’entretenais. Et j’étais un vrai embobineur[il rit]. Quand je vois mes enfants qui vivent dans le septième arrondissement, à Paris, je me dis que c’était bien plus marrant, ces HLM. Mais je ne renie pas mon embourgeoisement. Il était hors de question pour moi de rester à Créteil.
Après Un monde sans pitié, comment vivez-vous le succès?
On m’a proposé des choses que j’ai refusées, et qui ont marché. Les premiers rôles te poursuivant toujours un peu, j’ai joué au mec décontracté, je me suis réfugié derrière un personnage pour justifier d’être un dilettante, alors que je ne suis pas un dilettante. Ou alors plus du tout.[Ils sont rares ces mecs à la coule transformés en quadragénaires un peu flippants, parfois salauds, taciturnes, imposants même dans le silence –Rapt de Lucas Belvaux –, néanmoins séducteurs déchirés quand le rôle l’exige – les Regrets de Cédric Kahn. Ainsi suit-on l’avancée en noirceur d’Yvan Attal, d’Un monde sans pitié jusqu’à Rapt, de l’insousciance légère des eighties à la relecture ultra-moderne, glaçante et sans pitié, tiens donc, d’un drame terroristo-financier de la fin des années 70 – l’enlèvement du baron Empain.
Un monde sans pitié lui valut le César du meilleur espoir en 1990 etRapt, dix-neuf ans plus tard, des applaudissements partout, ne serait-ce que pour avoir perdu vingt kilos en deux mois, ce qui en France épate toujours (l’effet Actor’s studio). Au compteur Attal 2011, cela donne : une bonne quarantaine de films en tant qu’acteur et deux comme réalisateur, dont le faussement macho et bien balancé Ma femme est une actrice. Car Yvan Attal est aussi le compagnon de Charlotte Gainsbourg. Ils ont deux enfants (un adolescent, Ben, une petite fille, Alice), bientôt trois, avec ce bébé à venir.]
L’ambiance du cinéma français ?
On est loin des affinités créatives à la Cassavetes, de cette magie-là. Quelque chose nous en empêche, chacun écrit dans son coin. Ce n’est pas pour autant un milieu très crade. Disons qu’il n’y a pas énormément de rivalités – ce qu’on croit au début, quand on est jeune et en colère –, mais guère de partage non plus. Avec Eric Rochant, Hippolyte Girardot et Mireille Perrier par exemple (le réalisateur et les acteurs d’Un monde sans pitié), les liens se font et se défont au fil des années.
Pour vous : être acteur ?
J’avais tourné avec Jacques Doillon il y a fort longtemps (Amoureuse,1992), et je n’ai pas supporté. Pourquoi fallait-il enchaîner cinquante prises sans autre raison que : Dieu est sur le plateau, on lui obéit sans comprendre pourquoi… Même s’il a fait des films que j’aime, je n’ai pas changé d’avis quant à ce genre de méthode. Aujourd’hui, je ne tiendrais pas deux heures d’un régime pareil… Être acteur, c’est magnifique si c’est vivant. Et cela exige aussi de l’impudeur. On a envie de pouvoir s’ouvrir vraiment. Sauf qu’on a intérêt à savoir jusqu’où. Jouer dans Antichrist de Lars von Trier, comme l’a fait Charlotte, il fallait oser.
Moi je me suis souvent protégé, parfois un peu trop. J’en avais besoin pour ne pas péter les plombs. Je ne pense pas qu’on puisse faire ce métier sans souffrir. Au moment de Rapt, j’étais enfin content de mon travail. Mais la satisfaction ne dure pas. Ce métier engendre forcément de la frustration : il marche à l’affect, la reconnaissance, le succès. La seule chose qui permet d’en guérir, c’est d’arrêter. Et encore.
Mais vous continuez ?
Je continue de courir après le chef-d’œuvre [il sourit]. Mais y a-t-il encore de si grands films ? Oui, sauf que je ne suis pas dedans... Y croire encore, cela nécessite deux choses : ne pas être devenu cynique, ne pas être devenu l’acteur qu’on s’imaginait à la fin de l’adolescence, avec l’arrogance de cet âge-là. Au bout du compte, on se demande sans cesse – enfin, moi en tout cas : «As-tu vraiment du talent ?» Je sais que je ne suis pas Pacino, De Niro, mais je me dis parfois que si j’avais été filmé par Scorsese, Coppola, peut-être serais-je un grand acteur.
Al Pacino, justement : l’avez-vous rencontré ?
Deux fois. La première avec Claude Berri, on était à New York et il me dit :«Viens, j’ai rendez-vous avec Pacino qui veut faire un remake de Tchao Pantin.» Je n’ai pas dit un mot pendant le rendez-vous, et le film ne s’est pas fait. La deuxième fois c’était l’an dernier, toujours à New York. J’y étais justement pour le voir jouer au théâtre dans le Marchand de Venise, quand je croise un copain acteur qui m’invite à un dîner donné en l’honneur de Pacino… Quand j’arrive, le copain me présente comme «the french Al Pacino», ce qui m’a bien fichu la honte. Mais Pacino a été adorable, très humble.
On a parlé cinéma, de son film sur Oscar Wilde difficile à distribuer[présenté à la Mostra de Venise ces jours-ci], de sa combativité intacte. C’était émouvant, j’étais redevenu le gamin de 13 ans qui regardait ses films en rêvant d’être acteur... Cela dit, en France, la comparaison entre nous finit par m’agacer. [Yvan Attal est aussi réalisateur. Il dit : «Faire l’acteur est quelque chose d’agréable, mais la mise en scène… C’est de la drogue dure.» Après avoir ré-inventé en deux volets sa propre histoire de couple, les affres d’un mari jaloux et les vertiges/vestiges de l’amour, soitMa femme est une actrice puis Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, le voilà qui vient de passer cinq ans à tenter de monter les Sabines. Cette nouvelle de Marcel Aymé publiée en 1943 raconte l’histoire d’une jeune femme de Montmartre dotée du don d’ubiquité, et qui se démultiplie dans les bras d’hommes du monde entier. Mais ces cabrioles spacio-sexo-temporelles coûtaient cher…]
Les Sabines vous tenaient à cœur ; pourquoi avoir abandonné ?
Parce que je n’ai pas pu réunir les 14 millions d’euros que le film aurait nécessité. Parce qu’il n’y a pas de cinéma indépendant en France. Et parce que le «cinéma d’auteur» se doit d’être «cheap». Or je voulais sortir des petites comédies que j’avais réalisées jusque-là, et cette très belle histoire, je le dis d’autant mieux qu’elle n’est pas de moi, aurait sûrement donné un film assez poétique… Ou comment ce qui relève du fantasme – être partout à la fois – s’avère aussi une malédiction, car cette fille, à force de coucher à l’infini, finit par se perdre. Mais les gens des studios, qui chaque année se plaignent de voir les mêmes films, n’ont pas beaucoup d’audace.
Vous n’étiez pourtant pas un débutant.
Non… Comme acteur, j’ai fait un film à plus d’un millions d’entrées (Un monde sans pitié), et comme metteur en scène, à 950 000 entrées (Ma femme est une actrice). Voilà les faits. Pas mal, mais pas assez. D’autant que le côté «cinéma d’auteur», si important en France avec des gens aussi différents que Catherine Corsini, Lucas Belvaux, Cédric Kahn, effraye les producteurs, qui se grattent la tête en regardant votre projet : «Est-ce qu’il n’irait pas nous faire un film d’auteur ?»
Je comprends parfaitement qu’il s’agisse d’une industrie, sauf qu’on s’acharne à mettre des fortunes dans des films ultra-formatés qui font des flops, au moment même où Un prophète réalise 1,5 million d’entrées. Et malgré tout : zéro évolution. Aujourd’hui encore, si vous proposez autre chose qu’une comédie, inutile d’espérer un budget supérieur à 5 millions d’euros. C’est dingue, non ?
Vous préparez un autre film, de commande cette fois-ci ?
UGC m’a proposé de tourner le remake de Humpday, une comédie américaine de Lynn Shelton sortie en 2009. C’est l’histoire de deux copains assez machos qui décident, un soir d’ivresse, de concourir à un festival de porno amateur avec un court métrage où ils couchent ensemble. Comme je joue aussi dedans, je vais me retrouver avec François Cluzet dans une chambre d’hôtel où, pendant une éternité, on va essayer de faire des trucs au lit…
Il y aura également Charlotte, Asia Argento, JoeyStarr. Et même si le scénario est prétexte aux blagues et aux quiproquos, ça ne sera pas qu’un film drôle. D’abord parce que le sujet de l’identité sexuelle me titille : j’ai été séduit par des hommes, jadis, sans n’avoir jamais franchi le pas, et je me demande où est la frontière ; aussi parce qu’avec ce film, j’ai envie de surprendre, de m’affranchir un peu de la comédie, mon terrain «naturel», et de privilégier les plans longs, peu usités dans le registre comique où tout doit aller vite. [Attal au lit avec un homme, on n’est qu’à moitié étonné. Revient en mémoire la petite frappe brune qu’il était dans Aux yeux du monde, en maillot de foot, fluet, nerveux, sexuel : un côté Après-midi de chien, Pacino français jusqu’au bout des ongles.]
Là, vous êtes très occupé ; comment vit-on quand on ne tourne pas ?
C’est compliqué. D’un côté je ne supporte pas les minauderies des acteurs et actrices qui sont très doués pour se montrer entre chaque film ; de l’autre je sais qu’il y a des risques à se faire rare. Cette image qu’on trimballe, qu’on doit gérer. Si tu refuses complètement ce jeu-là, on te repère moins, donc tu tournes moins, donc la pression est plus grande quant au film avec lequel tu «reviens». Avant, je vivais d’amour et d’eau fraîche. Là, il y a moins d’eau fraîche…
Je vais avoir un troisième enfant. Je me pose des questions. Je vois un psy. J’avais déjà consulté il y a longtemps, quand j’étais très hypocondriaque. On rit facilement mais ça n’est pas drôle. Je m’endormais en prenant mon pouls, ce genre de trucs… Mais ça s’était réglé très vite. [Voilà vingt ans que Charlotte et Yvan sont ensemble. Rencontre sur le tournage d’Aux yeux du monde, existence en retrait (relatif) du monde. Ils ne partagent pas grand-chose en public, elle l’égérie mode – notamment Balenciaga – d’un milieu que lui n’apprécie guère ; lui l’ex-frimeur qui semble aspirer à une autre vie. Cet été, la famille s’est posée en Bretagne, il a souvent navigué en bateau, fier de «devenir marin».]
Être le gendre Gainsbourg ?
Je ne sais pas quoi te dire. Oui c’est chiant les familles d’artistes, où le moindre de ses membres existe médiatiquement. Et il n’y a que des femmes… Ah, Lulu aussi. Cela dit, quand je me retrouve à manger chez ma belle-mère, c’est ma belle-mère, point [silence]. Non, le plus dur est de vivre avec Charlotte Gainsbourg… C’est de l’humour bien sûr ; enfin, pas totalement innocent [long silence].
Charlotte est proche de mes parents et il y a beaucoup de chaleur entre les deux familles, mais ce sont quand même deux univers totalement différents. Quand j’ai commencé à la fréquenter, mes parents ont mis des photos d’elle partout, les miennes avaient disparu, j’étais devenu leur gendre et elle leur fille [il sourit]. Et pourtant ils n’avaient jamais été fascinés par tout ça, avec leurs deux exodes, leur côté bien droit.
Charlotte/Yvan : avez-vous trouvé un équilibre ? Non, il n’y en a pas. Elle a un statut d’actrice, elle peut dire qu’elle a été fantastique dans ce grand grand film qu’est Antichrist. Elle a eu des succès qui nous ont forcément déséquilibrés. Moi, bon an mal an, je m’en sors. Si on a trouvé une bonne mesure, c’est dans le fait de laisser travailler l’autre comme il l’entendait. Je n’ai jamais été tenté de la garder à la maison, même si aujourd’hui je pourrais y penser [il rit ; on doute que ce soit vraiment une blague]. On n’a jamais été un couple d’acteurs, ce lien-là n’existe pas entre nous.
L’amour ?
Plus ça avance, plus tu es inquiet. J’ai compris que tout peut arriver du jour au lendemain, que tout est fragile. Quand tu es avec quelqu’un depuis un mois, tu te sens invincible, l’histoire est facile. Après vingt ans, tu as des enfants, une carrière, et puis, c’est terrible à dire, tu vieillis… Et parfois des choses viennent pervertir ta relation, ce qui peut te faire regarder en arrière, penser aux décisions prises, en concevoir des regrets. Je ne sais pas… La vie avance vite, tu as envie de comprendre après quoi tu cours, ce qui t’apaise, comment on peut se faire un peu moins mal.
La session photo se déroule bien, et vite.A chaque pose, il demande :«Pourquoi en prendre encore ?» C’est léger, ironique, à peine agaçant et même bienveillant envers les assistants qu’il a condamnés au chômage technique et qui s’amusent à voir évoluer de près ce type connu, qui semble tellement normal. Quelques semaines après, on le rappelle pour son oreille cassée, à ce point visible qu’on avait oublié de l’évoquer. Un reliquat de bagarre ? Il répond au bout de plusieurs jours et autant de messages laissés, depuis la Bretagne. Son père va mal. Sa fille est née, qui s’appelle Joe. Il reste sobre : «Les enfants, c’est là, ça vit.»
On évoque le film qu’il a tourné au Havre avec Lucas Belvaux, à sortir en février, un polar qui n’a pas l’air gai ; on parle de ses doublages de Tom Cruise (il a été sa voix française), l’identification troublante qu’il ressentait à force de re-re-voir chaque scène, notamment pour Eyes Wide Shut, et la découverte d’un acteur «étonnement fin, qui fait des choses très intéressantes». On en arrive à l’oreille. «Ah…» Il rit de son rire mi-figue mi-raisin annonçant la distance nécessaire qu’il installe entre lui et le monde – une distance raccourcie par un tutoiement quasi-systématique.«Quand je suis en grande forme, je raconte n’importe quoi, des trucs farfelus. Mais je donne de moins en moins dans le baratin... Peut-être le signe d’une vitalité en baisse ? Bon, je vais te faire une révélation : je suis né comme ça, voilà.» C’est aussi, notamment parce qu’on n’est pas sûr qu’elle soit véridique, une drôle d’histoire.