Spencer Tunick : un millier de corps nus pour sauver la mer Morte
Non sans s'attirer les foudres de certains religieux, le photographe américain a fait poser plus de mille personnes nues sur une plage de la mer Morte...
Fameux pour ses gigantesques installations artistiques mettant en scène des centaines voire des milliers de modèles nus le temps de quelques clichés, le photographe américain Spencer Tunick a posé ses trépieds samedi 17 septembre en Cisjordanie, sur une plage du bord de la mer Morte.
Un nu, pour attirer l'attention sur l'assèchement de la mer Morte
Plus de mille Israéliens, volontaires comme c'est toujours le cas pour ses oeuvres, ont posé à l'aube dans un silence implacable rompu par les seuls appels au mégaphone de Spencer Tunick et de ses assistants donnant leurs consignes aux groupes de figurants.
C'était une première au Proche-Orient pour l'artiste et l'une de ses rares compositions de cette envergure hors d'un décor urbain. Et pour cause, le projet baptisé "mer Nue" a pour but de soutenir la candidature de la mer Morte pour figurer parmi les Sept nouvelles Merveilles de la nature, une classification sans valeur officielle, établie par une fondation privée sur la base d'une consultation publique sur Internet.
Quoi qu'il en soit, au-delà de cette campagne, il s'agissait d'attirer l'attention sur la mer Morte qui, plus que jamais, porte bien son nom. Point le plus bas de la planète, à 417 mètres sous le niveau des océans, cette mer aux eaux les plus salées du monde voit son niveau baisser d'un mètre par an, son rivage reculer de plus d'un kilomètre par endroits, à un point tel, que si rien n'est entrepris pour enrayer son assèchement, elle disparaîtra d'ici 2050.
Concernant sa technique photographique très particulière, que pour la première fois il mettait en oeuvre dans la région, Spencer Tunick a déclaré à des journalistes : "Il y a des lieux où mon travail suscite plus ou moins de controverses, et d'autres où il est parfaitement accepté, ce qui révèle leur degré d'ouverture, de tolérance".
"Pour moi, un pays qui permet l'art du nu, qui plus est sur la place publique, s'affiche comme très ouvert, extrêmement progressiste, très engagé et très digne" a ajouté l'artiste juif new-yorkais âgé de 44 ans.
Les religieux pas franchement emballés…
En l'occurrence, l'accueil qui lui a été réservé en Israël a été pour le moins partagé. Des figures politiques juives orthodoxes et des rabbins évoquant "Sodome et Gomorrhe" pour qualifier sa réalisation avaient menacé d'intenter une action en justice pour l'en empêcher.
Les organisateurs ont tenu secret le lieu des prises de vue le plus tard possible pour limiter les risques de perturbations. De fait, la séance a eu lieu à "Mineral Beach", une plage du sud de la mer Morte, située non loin du lieu biblique de Sodome et Gomorrhe, les villes qui auraient été réduites à néant du fait des moeurs dépravées de leurs habitants.
Sans évoquer de tels motifs religieux, mais guère enthousiaste, le chef du conseil régional avait aussi menacé de se tourner vers la police afin qu'elle disperse cette "manifestation non autorisée heurtant les riverains", mais il n'a pas non plus déposé plainte.
Il n'est pas dit du reste qu'il aurait obtenu gain de cause, car aucune autorisation particulière n'était requise pour un rassemblement de ce type a indiqué un porte-parole de la police, d'autant qu'il a eu lieu sur une propriété privée.
En guise de conclusion, Ari Frucht, l'un des assistants de Spencer Tunick qui préparait cette séance photo depuis quatre ans, a expliqué que ce projet avait fait d'une pierre deux coups, contribuant d'une part à attirer l'attention de l'opinion publique sur la situation délicate de la mer Morte, et de l'autre à dire au monde, que "les Israéliens ne sont pas des religieux intégristes".