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HISTOIRES DE DJEHA

A TRAVERS LE MONDE

 

 

Ou est ton oreille, Djeha ?

Lorsqu’on lui demandait : Où est ton oreille, Djeha ? il passait son bras droit par-dessus la tête et, touchant son oreille gauche, disait :

- la voilà !

- Mais pourquoi fais-tu cela ? Lui objectait-on, ne te serait-il pas plus simple de toucher de ta main l’oreille du même coté ?

- Ce serait plus simple, en effet, mais si je faisais comme tout le monde, alors je ne serais plus Djeha !

 

Payer l'odeur avec le son des pièces
Etant désargenté, Djeha s’installa devant l'étal d'un marchand de brochettes avec un morceau de pain. Il se mit à le manger, tout en inhalant l’odeur des brochettes qui cuisaient. Le marchand ne dit rien. Mais Djeha recommença la manœuvre les jours suivants. Au bout d’une semaine, le marchand lui dit :
- Tu viens humer l'odeur de mes brochettes tous les jours. Tu dois me payer pour cela.
- D’accord, lui dit Djeha.
Il sort des pièces de sa poche et les fait tinter, en disant au marchand :
- Tu m’as vendu l’odeur, je te paie avec le son de mes pièces.

 

Le mur de Ch’ha (ched el heit h’ta i ji Ch'ha)

Un homme, adossé à un mur, voit passer quelqu'un qui lui dit :
- Connais-tu Djeha ? Je voudrais le rencontrer car on prétend qu'il est rusé, étant donné que je suis plus rusé que lui, je voudrais me moquer de lui.
L'homme lui répond :
- Peux-tu tenir ce mur avec ton dos ? Il est fragile ! Et ici, chaque homme du village se relaie, tour à tour, pour éviter qu'il tombe. Moi, je vais chercher Djeha et je reviens prendre ma place.
L'homme s'exécute.
Au bout de quelques heures, des hommes du village qui se demandaient ce qu'il faisait, l'abordent :
- Que fais-tu ?
Il leur explique tout ce qui s'est passé. Ils lui répondent :
- Pauvre idiot, tu avais à faire à Djeha, lui-même!!!

 

Le clou de Djeha (mesmar Ch'ha)
Ayant des besoins d’argent, Djeha se décida à vendre sa maison. Mais il passa un accord avec l’acheteur, à qui il dit :
- Je te vends tout, sauf ce clou.
L’acheteur accepta. Le lendemain de la vente, Djeha revient dans son ancienne maison et dit à l’acheteur :
- Je dois accrocher quelque chose à mon clou, et il y accroche un sarouel sale. L’acheteur n’est pas content mais il ne dit rien. Le jour d’après, Djeha vint déposer une carcasse de mouton. Face aux protestations de l'acheteur, Djeha répond :
- C’est mon clou. Je peux y mettre ce que je veux.
Et il en fut ainsi tous les jours. La maison était devenue une vraie puanteur. Excédé, l’acheteur dit à Djeha :
- Il nous faut trouver une solution, je n’en peux plus.
Ce à quoi Djeha répond :
- Si tu veux, je te rachète la maison à moitié prix.
Et c’est ainsi que Djeha récupéra sa maison.

 

Le clou de Djeha (variante)

Au temps du Calife Haroun el-Rashid vivait à Baghdad un homme du nom de Djeha. Un jour, son voisin Khamiss, homme aussi riche que cupide et rapace, prit femme pour la seconde fois. Il cherchait une maison proche où loger sa nouvelle épouse et s’avisa que celle de Djeha qui jouxtait la sienne, ferait parfaitement l’affaire. Il aborda donc le bonhomme et lui dit :

- Djeha, vends-moi ta maison.

- Pourquoi ? lui demanda Djeha ?

- Je viens de prendre une seconde femme et je désire la loger dans une maison dont elle sera maîtresse. Je t’offre trois cents dinars en or de la tienne.

- Je regrette, mais elle n’est pas à vendre, dit Djeha.

Khamiss augmenta son offre, surenchérissant à quatre cents, puis à cinq cents. Djeha demeura inflexible. Khamiss finit par lui en offrir mille, sans plus de résultat.

Dépité et furieux, il alla voir le qâdi local, Abdel-Salâm Ibn Rahmâni. Loin d’être humble, juste et pieux, comme il sied à un qâdi, cet homme était vaniteux, vénal et cupide au dernier degré.

Khamiss s’adressa à lui en ces termes :

- Ô Lumière des croyants, toi dont la science et la sagesse n’ont d’égales que ta justice, entends ma prière et prête l’oreille à ma supplication ! Mon voisin, Djeha, est un homme méchant, qui lance tous les jours ses ordures dans mon jardin et me tient éveillé toute la nuit par l’incessant tintamarre qu’il mène. Je lui ai offert un bon prix de sa maison afin de goûter un peu de paix. Non seulement il refuse de me la vendre, mais il continue de plus belle ses déprédations et son infernal boucan. Accorde-moi justice, ô sage parmi les sages ! Accepte également, je te prie, ce modeste présent pour tes œuvres charitables, car tu es le père et la mère du pauvre et de l’opprimé. Ce disant, il tendit au qâdi une grosse bourse de cuir, gonflée de pièces d’or. Un éclair de cupidité brilla dans les petits yeux porcins du juge, qui fit disparaître la bourse comme par magie

dans une des vastes poches de son abâya. Puis il appela le chef de ses gardes.

- Mohammed ! Va chercher ce misérable Djeha et amène-le illico en ma présence, pieds et poings liés s’il le faut ! Le sbire ne se le fit pas dire deux fois et, en moins de dix minutes, Djeha était devant le juge, tenu par deux solides gaillards, cimeterre à la main.

- Misérable ! l’apostropha Ibn Rahmâni. N’as-tu pas honte de perturber le repos de ton honnête voisin et de déverser tes saletés chez lui ? Tu mériterais que je te fasse donner cent coups de bâton sur la plante des pieds ! Mais comme je suis un homme juste et doux, je ne te condamne qu’à lui vendre ta maison, comme il te l’a demandé en toute bonne foi. J’en fixe le prix, par justice, à deux cents dinars, dont tu me remettras sur-le-champ la moitié pour mes œuvres de charité, car je prends plaisir à soulager les malheureux.

A les soulager surtout de leur argent, pensa Djeha. Mais il se garda bien d’ouvrir la bouche, car il ne connaissait que trop la méchanceté et la vénalité de ce juge corrompu. Le qâdi fit venir son scribe et deux témoins, ainsi que l’exigeait la loi, afin de dresser l’acte de vente. Pendant que le scribe rédigeait les formules juridiques, Djeha se prosterna devant le qâdi.

- Lumière des croyants, ô toi dont la générosité n’a d’égale que ta clairvoyance, permets, dans ta bienveillance insondable, que j’ajoute une minuscule clause à l’acte de vente.

- Laquelle donc ? demanda le juge, agacé.

- Ô Fontaine d’équité, glapit Djeha, il existe sur un mur de la grande salle de ma maison un clou que mon père a planté lorsque j’étais enfant. Il y suspendait toutes sortes de jouets pour mon amusement. Permets seulement que je puisse aller visiter ce clou lorsque bon me semblera, car c’est le seul souvenir qui me reste de mon bien-aimé père, puisse Allah avoir pitié de son âme. Dis aussi à ton scribe d’écrire que le noble Khamiss ne saurait en aucun cas arracher ce clou ni y toucher en aucune sorte, sous peine d’annulation du contrat, car pareille action me briserait le cœur.

Ni le voisin, tout à la joie d’obtenir pour deux cents dinars une maison qu’il avait failli payer mille, ni le juge, enchanté d’empocher sans encombre une coquette petite somme, ne fit la moindre objection.

Le scribe ayant apposé le sceau du juge sur l’acte de vente et les témoins ainsi que Djeha et Khamiss y ayant également mis leur marque, Khamiss compta deux cents dinars, dont la moitié disparurent illico dans la poche du qâdi, l’autre revenant à Djeha. Celui-là intima à Djeha qu’il devait vider les lieux dans l’heure, ce qu’il fit sans se plaindre.

A trois heures du matin cette nuit-là, alors que Khamiss dormait du sommeil du juste aux côtés de sa nouvelle épouse dans la maison de Djeha, des coups répétés retentirent à la porte.

Tout ensommeillé et grommelant, Khamiss se leva pour voir qui venait ainsi troubler son repos.

A la porte se tenait Djeha, une lanterne à la main.

- Que diable viens-tu faire ici à pareille heure ?  s’exclama le nouveau marié.

- Voir mon clou, lui répondit calmement Djeha.

- Ton clou ? s’exclama Khamiss, au bord de l’apoplexie. Que le diable t’emporte, toi et ton clou ! Sais-tu seulement quelle heure il est ?

- Je le sais parfaitement, mon cher voisin, mais rappelle-toi l’acte de vente. Il me donne le droit de rendre visite à mon clou sans opposition aucune de ta part, à quelque moment qu’il me plaira.

Force fut donc à Khamiss de laisser Djeha entrer. Celui-ci s’assit en tailleur au beau milieu de la grand-salle et se mit à psalmodier d’une voix nasillarde une interminable prière mêlant le fameux clou et son défunt père, qu’il ne conclut que bien après le lever du soleil. Entre-temps, ni Khamiss ni sa femme n’avaient pu fermer l’œil du reste de la nuit.

Le matin, bouillant de rage, Khamiss s’habilla en hâte et courut jusqu’à la Maison de Justice, pour faire modifier l’acte de vente. Mais il eut beau crier et tempêter, le qâdi était impuissant : l’acte de vente avait été signé et contresigné en bonne et due forme devant témoins. Y apporter des modifications arbitraires provoquerait un scandale qui risquait fort d’arriver jusqu’aux oreilles du Calife, chose qu’Ibn Rahmâni redoutait par-dessus tout. Force fut donc à Khamiss de rentrer chez lui bredouille.

Djeha revint durant la sieste, puis encore au repas du soir, c’est-à-dire précisément aux moments

les moins propices et les plus aptes à déranger Khamiss et sa nouvelle femme.

Le comble fut atteint le jour où Djeha accrocha au clou la dépouille d’un chat crevé qu’il avait ramassée dans la rue. La puanteur devint si insoutenable que ni Khamiss ni sa femme ne purent rester dans la maison. Ce dernier comprit alors que Djeha l’avait bel et bien berné, ainsi que le qâdi.

En désespoir de cause, il alla donc voir Djeha dans le taudis où celui-ci vivait depuis la vente de sa maison et, après l’avoir copieusement injurié, lui dit qu’il pouvait la reprendre.

Mais non, cher voisin, lui répondit Djeha, je te l’ai vendue par un acte légal, devant témoins et suis parfaitement à l’aise ici. Tout ce que je demande, c’est de continuer à jouir de mon clou, de par les clauses du contrat.

Que tous les diables de l’enfer t’emportent, toi et ton clou ! hurla Khamiss. Je te répète que je ne veux plus de ta sale baraque et que tu peux y retourner quand tu voudras !

Mon cher Khamiss, répondit Djeha le plus calmement du monde, je ne puis me permettre

un nouveau déménagement, car ces choses-là coûtent de l’argent, comme tu le sais. Non, non.

Garde la maison. Je suis vraiment bien ici.

Le visage de Khamiss, de rouge, devint violet de rage.

- Combien ?  parvint-il à articuler. Sa nouvelle femme menaçait de rentrer chez ses parents et d’exiger le remboursement de sa dot.

- Eh bien, répartit Goha, je ne sais pas trop... Trouver un déménageur à si brève échéance, cela devrait aller chercher... je ne sais pas, moi. Disons... dans les cinq cents dinars ?

Khamiss faillit tomber raide d’apoplexie devant l’audace de ce misérable, mais il n’avait pas le choix. Force lui fut donc d’acquiescer aux termes de Djeha. Haletant de rage, il lui compta les cinq cents pièces d’or.

Rentré dans sa maison, Djeha n’eut rien de plus pressé que de décrocher le chat crevé et de le jeter dans la rue, puis il arracha le clou et le lança dans un coin. Enfin, il fit nettoyer toute la maison, la parfuma et y emménagea derechef avec sa femme. Celle-ci, un brin naïve, lui demanda :

- Mais c’est le clou de ton père, Djeha. N’as-tu pas honte de l’arracher et de le jeter ainsi ?

Pour toute réponse, Djeha éclata de rire.

Khamiss installa sa nouvelle femme avec la première. Les deux épouses ne cessaient de se chamailler et Khamiss ne connut plus un seul instant de tranquillité.

 

Djeha et l'ongle(variante de le clou de Djeha)
Un homme a demandé à Djeha s'il pouvait acheter sa maison.

Djeha a dit : "oui, mais il y a une condition : J'ai un ongle favori dans la maison.

Puis-je avoir la permission de venir visiter mon ongle ?"

L'homme a pensé que c'était étrange, mais a accepté.

Djeha a vendu sa maison et est parti.

Cependant, chaque jour autour de l'heure du déjeuner, il arrive à la maison pour rendre visite à son ongle. Il le caressait, lui parlait, le sortait de son emplacement, etc, etc... , tout cela dans la salle à manger de la maison !

Puisqu'il était usuel d'inviter des personnes présentes à s'associer aux repas, le nouveau propriétaire était obligé d’inviter chaque jour Djeha à se joindre à sa famille pour le déjeuner.

Par la suite, l'homme devint si excédé qu'il revendit à Djeha sa maison pour bien moins qu'il ne l’avait payée.

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