L'enfance de Roman Polanski : survivre entre rêve et cauchemar
CARNAGE de Roman Polanski
Ce que l'on sait de Polanski - dont on ne répétera jamais assez qu'il est l'un des derniers grands maîtres du cinéma - à quoi bon le répéter. Ce que l'on sait moins, ce dont parlent ses films, est tout entier contenu dans la première partie de sa vie. Autant de clés d'une oeuvre fertile qui n'a connu que peu de chutes de tension. Ses récentes réalisations - Le Pianiste, Olivier Twist, The Ghost Writer - sont autant de miroirs dans lesquels le cinéaste consent à se scruter. Carnage, son petit nouveau, en dit long sur sa conception de l'humanité et des rapports humains. Flashback sur un itinéraire éloquent.
18 août 1933. Naissance à Paris, au 6, rue Saint-Hubert de Rajmund Roman Thierry. Il grandit auprès de sa mère, Bula Katz, d'origine russe, et de sa soeur Annette de dix ans son aînée. Quelques mois avant sa naissance, son père, un juif polonais de Cracovie, troque son nom de famille - Liebling - pour celui de Polanski, moins typé en ces temps incertains.
Juin 1936. Les Polanski quittent Paris pour Cracovie où Roman (dit Romek) découvre le cinéma sur les pas de sa soeur.
Août 1939. La famille passe l'été à la montagne. L'invasion allemande la contraint d'y demeurer jusqu'en octobre.
Mars 1941. La population juive de Cracovie, environ dix-huit mille âmes, est parquée dans un ghetto. Mme Polanski, qui travaille comme femme de ménage au QG des Allemands, dispose d'un laissez-passer lui permettant de rencontrer une famille catholique qui lui promet, contre rétribution, de s'occuper de Roman, au cas où ils seraient arrêtés.
Février 1943. La maman de Roman est déportée et gazée à Auschwitz après avoir eu le temps de sauver son fils.
Mars 1943. Roman parvient à s'échapper du ghetto grâce à un garde polonais. Tandis que son père est déporté à Mauthausen, il se réfugie à la campagne où il travaille comme garçon de ferme.
Octobre 1945. Le futur cinéaste rejoint Cracovie libérée par l'Armée rouge. Il retrouve son père mais est incapable de vivre avec lui.
1948. Roman - qui depuis deux ans travaille dans une émission pour enfants à la radio d'État - décroche le rôle principal d'une pièce soviétique. Résultat, un premier article dans le quotidien Gazeta.
30 juin 1949. À l'aube de ses 16 ans, il est laissé pour mort après avoir été agressé par un inconnu supposé acheter son vélo. Une fois de plus, il s'en sort. La même année, il étudie à l'institut des Beaux-Arts et intègre une troupe théâtrale.
1952. Il décroche l'un des rôles principaux du premier long métrage d'Andrzej Wajda.
1954. Les portes de la prestigieuse école de cinéma de Lodz s'ouvre à lui. Il y réalisera ses premiers courts métrages.
1957. Il rend visite à sa soeur qui s'est réfugiée et installée à Paris.
1958. Deux hommes et une armoire, réalisé dans le cadre de ses études, connaît une carrière internationale. Un an plus tard, il épouse Narbara Kwiatkowska, la « Sophia Loren polonaise ».
1962. Son premier long métrage, Le Couteau dans l'eau, séduit la presse internationale. À 29 ans, Roman Polanski est sélectionné au New York Film Festival. Il fait la une de Time et concourt aux oscars dans la catégorie meilleur film étranger. En marge de ces honneurs qui bouleversent sa vie, il fait une rencontre déterminante pour sa carrière. L'homme s'appelle Gérard Brach. Il est scénariste. Ensemble, ils écriront La Rivière de diamants (un sketch des Plus belles escroqueries du monde), Répulsion , Cul-de-sac, Le Bal des vampires, What ?, Le Locataire, Tess, Pirates, Frantic, Lunes de fiel. Pour en savoir davantage sur la suite - sa vie, ses drames, ses curées, la grâce, le soufre - une seule adresse : sa filmographie. • PHL.
Ouvrages de référence : « Roman par Polanski » (Robert Laffont) « Roman Polanski », par Dominique Avron (Rivages/Cinéma) « Roman Polanski : vie et destin de l'artiste », par Florence Colombani (Ed. Philippe Rey)