Heureux comme un français à Tel-Aviv !
Par Chatsland
Qu’est-ce que tu fais pour les vacances ? Des milliers de touristes français ont arrêté de se poser la question et déferlent sur les plages de Tel-Aviv. Arrêt sur un prototype.
L’arrivée à Ben Gourion
Après la traditionnelle séance d’applaudissements dans l’avion à l’atterrissage, il a la banane. Il met la famille sur le pied de guerre pour tracer en flèche jusqu’aux passeports. Il collectionne les tampons « Ben Gurion airport » et, sans attendre le tapis rouge et la médaille, il se dit qu’un petit sourire de reconnaissance de la policière au contrôle, ce serait sympa. Tant pis… Ce sera pour une prochaine fois. ll est plein d’empathie de toute façon – « les filles qui font l’armée… les pauvres… deux ans, en plus… c’est dur ». C’est comme pour l’interrogatoire de la sécurité, il comprend la nécessité des questions pièges, même si celle-là, on ne la lui avait encore jamais fait – « comment s’appelle la matsa que l’on cache sous la table à Pessah ? »… Il a juste gagné le droit de passer, mais, pendant un moment, il a bien cru qu’il avait décroché un voyage à Eilat !
En attendant les valises, il farfouille dans sa poche et dégaine une kippa. Mais pas n’importe laquelle, la jolie, celle de la bar-mitsvah du petit. Franchement, c’est l’occasion ou jamais. Il ne la quittera plus jusqu’à son retour à Roissy.
La plage et ses codes
Il la garde même pour se baigner, ainsi que ses lunettes de soleil. De toute façon, il ne peut pas mettre la tête dans l’eau : il pourrait mouiller son brush, rater quelqu’un qu’il connaît, une jolie nageuse qui passe en crawl ou laisser son fils (futur cardio-réanimateur) se noyer. Ce serait dommage.
Comme sa femme fait la crêpe sur un transat, parce qu’elle est en vacances AUSSI, il est souvent obligé de surveiller les enfants, mais ne réagit que lorsque le maître-nageur se met à parler français ou lorsqu’il entend son nom « le petit Benhamou, Brandon, attend son papa dans la soucca (cabane) du maître-nageur » .
Chez Cabrel, c’est la cabane du pêcheur, chez nous c’est la cabane du maître-nageur. C’est un peu le phare d’Alexandrie de la plage tel-avivienne, le repère pour donner ses rendez-vous – « vous êtes à gauche ou à droite de la cabane ? ». Si vous êtes suffisamment précis dans la réponse, vous éviterez les coups de fil intempestifs « allô, je te vois pas » et de vous donner en spectacle en gesticulant façon signes démentiels « hééééé, je suis là ! ».
Côté look, on n’est pas sur la côte basque. Disons qu’il a définitivement opté pour le maillot bermuda qui gonfle comme un parachute dans l’eau. De toute façon, le « moule-bite », ça n’a jamais été son truc et le régime non plus !
Il n’est pas contrariant. Il va à la plage Frishman s’il a loué sur Frishman, ou à la plage Gordon s’il a loué sur Gordon. S’il est « excentré » sur Bograshov, il est obligé de marcher ! Lorsqu’il a des amis qui vivent sur place, il peut pousser jusqu’au Banana. Une aventure.
En effet, ça lui prend toujours du temps pour progresser sur la Tayelet parce qu’il croise en chemin de nombreuses connaissances, amis, voisins, cousins ou passagers qui étaient avec lui dans l’avion. S’il a voyagé avec Lara Fabian ou DSK, il est tenté de prendre une photo et se dit qu’il devrait l’envoyer à Voici – ça lui rembourserait le vol El Al qu’il a payé deux fois plus cher.
Mais il ne le fait pas. D’abord, parce qu’il est heureux d’apprendre que Lara Fabian est juive et qu’il ne le savait pas, que DSK va faire son alyah – même s’il s’en doutait un peu- et qu’il aura plein de (faux) scoops à raconter à sa mère à son retour. Tout à son enthousiasme, il peut avoir du mal à retenir un « Lara je t’aime « ou un « DSK Président ! ». Mais ce serait oublier qu’ils sont là… incognito.
Entre la plage et l’immobilier son cœur balance
Lui est là, par contre, pour affaires. Il est en vacances, certes, mais il visite beaucoup d’appartements – s’il n’en a pas encore acheté un. Il étudie de près les prix, fait des comparaisons avec Paris. Il s’indigne de devoir payer l’équivalent d’un bel appart haussmannien pour un deux-pièces tout pourri dans un Bauhaus pas rénové. Mais pas au point d’aller planter sa tente sur Rothschild ! Ça l’a bien fait marrer cet été, mais faut pas déconner, les enfants ont failli attraper des poux !
Il entend des rumeurs désobligeantes comme quoi les Français ont fait flamber les prix de l’immobilier à Tel-Aviv, ont repoussé l’israélien moyen à la périphérie en occupant le centre à prix d’or. Il ne comprend pas. Si on ne peut plus jouer au Monopoly en vacances…
A Rome, fais comme les Romains
Il préfère se déplacer en sherout 4 plutôt qu’en taxi, parce qu’il ne veut pas être pris pour un « touriste », même s’il a la panoplie – kippa, bermuda, panama. Il fait des efforts pour parler en hébreu, s’ingénie à prendre l’accent, et s’offusque qu’on lui réponde en français. Il s’énerve souvent et redouble de culot pour paraître israélien. Mais quand on lui dit que « les Français sont des chieurs », il ne comprend pas.
Des fois, il en a un peu marre de se battre pour tout par 80% d’humidité – avec ses cheveux, le chauffeur de taxi qui refuse de mettre le compteur, le serveur du Lalaland qui oublie sa commande, le vendeur d’esquimaux sur la plage qui traite directement avec les enfants, le mec de la location qui lui a promis Versailles sur mer, les cafards volants qui rentrent par la fenêtre , par l’évier et sous la porte.
Il arrête alors de faire le romain, range ses crocs fluos dans sa valise, et se dit, comme Astérix le Gaulois, « Mais ils sont fous ces Romains ! ». Lui traverse l’esprit qu’il aurait pu passer des vacances pépères à Mougins, dîner au son des grillons plutôt que dans la poussière de Ben Yehuda, au son des klaxons, le nez dans le cul des bus.
Mais ça ne l’empêchera pas de revenir pour les prochaines vacances …. avec El Al, la kippa, le bermuda, le panama !
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