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Opinion : ''Je ne m'assiérai pas à l'arrière du bus parce que je suis une femme''
par Tanya Rosenblit

 

Article d’opinion publié en anglais sur le site d’information Ynetnews.com, par Tanya Rosenblit, écrivaine et traductrice, étudiante à l’école d’art Camera Obscura. Traduit de l’anglais par Noémie Fischbach pour Guysen Intenatinal News.

 

 Depuis plusieurs jours la question de l'exclusion des femmes dans l'espace public, notamment dans les milieux orthodoxes, fait la une des journaux. L'histoire de cette femme qui a refusé de s'assoire à l'arrière d'un bus public pour satisfaire les exigences d'un orthodoxe juif n'a pas fini de faire couler de l'encre. L'ensemble de la classe politique ainsi que les Grands rabbins d'Israël ont apporté leur soutien à Tanya Rosenblit. Le rav Yona Metzger, Grand rabbin ashkénaze d'Israël a estimé qu'Israël 'n'est pas le pays du public ultra-orthodoxe (....). Si nous voulons une séparation (entre hommes et femmes dans les autobus ndlr), il est légitime de créer une entreprise pour des lignes spéciales". Le Grand rabbin sépharade le rav Shlomo Amar a précisé de son côté : "une personne peut décider d'être sévère pour elle-même mais pas pour les autres".
 

Jusqu’à hier, j’étais certaine de vivre dans un pays libre. J’étais certaine que la dignité et la liberté d’une personne étaient les valeurs suprêmes de notre société cosmopolite. C’est vrai, il y a des appels contre un groupe ou contre un autre, mais les gens, qui qu’ils soient, quelle que soit leur religion, leurs opinions ou leur sexe, seront respectés ; c’est le genre de société dans laquelle j’ai grandi. Ce sont les valeurs que l’on m’a apprises.

Cependant, peu de temps après que je sois montée à bord d’un bus Egged de la ligne 451, qui relie Ashdod à Jérusalem, on m’a prouvé que j’avais tort. Il est apparu que tout le monde n’adhère pas au dicton « Derech Eretz Kadma LaTorah » (le bon comportement vient de la Torah).

Le bus à bord duquel j’étais passait à proximité d’un quartier orthodoxe. Je l’avais pris parce qu’il s’arrêtait à cinq minutes de ma destination, à Jérusalem. C’est seulement lorsque le chauffeur s’est montré surpris de ma présence que j’ai compris où j’étais. Je me suis assise derrière lui afin qu’il puisse m’indiquer exactement où descendre, mais apparemment tout le monde n’était pas convaincu que j’avais le droit de m’assoir là.

C’est toujours difficile pour moi de croire qu’en 2011 il y a des hommes qui pensent qu’ils ne doivent pas s’asseoir derrière une femme.

Un des passagers n’a pas voulu s’asseoir et est resté sur les marches à côté du conducteur pendant tout le trajet, mais un autre passager a décidé de crier au scandale. Il a empêché le conducteur de fermer les portes et a appelé ses amis, qui sont arrivés sur les lieux et se sont rassemblés autour du bus. Ils étaient une vingtaine, parlaient yiddish et on aurait dit qu’une petite manifestation avait été organisée pour faire valoir que ce bus leur appartenait, via un accord avec la compagnie Egged, et que quiconque montant à son bord devait adhérer aux exigences de la communauté.

Ils ont répété leur revendication en hébreu, malgré les tentatives du chauffeur pour leur expliquer que ce bus était une ligne Egged régulière, et non pas une ligne « cachère ».

Je dois admettre qu’à ce moment j’étais un peu effrayée. Personne ne prenait la peine de se tourner vers moi pour me demander ce qui, à eux, leur semblait si logique : aller m’asseoir à l’arrière. Ils pointaient leurs doigts vers moi, me traitaient de tous les noms et exprimaient leur outrage vis-à-vis de l’incapacité d’Egged à sauvegarder leurs droits. Je dois dire que je ne comprends toujours pas quels sont ces droits en question.

Le chauffeur, voyant qu’il ne pouvait continuer, a appelé la police. Quand l’officier de police est arrivé, il a échangé quelques mots avec le chauffeur, parlé longuement avec l’organisateur de la manifestation spontanée, puis est monté à bord du bus pour me demander si je consentais à les respecter et à aller m’asseoir au fond du bus. Il a répété sa question deux fois. A ce point, il était le premier à s’être tourné vers moi et à m’avoir parlé.

J’ai répondu que je leur montrais déjà suffisamment de respect avec mon habillement modeste, et que je ne pouvais m’humilier moi-même pour respecter quelqu’un d’autre. Ils devraient se demander comment il est possible qu’humilier une femme leur soit une marque de respect. Comment est-il possible qu’un homme de nos jours, à notre époque, puisse penser qu’une femme n’est pas digne de s’asseoir devant lui ? Que ressentirait-il si sa mère, ses sœurs ou ses filles étaient confrontées à un tel mépris ?

L’officier de police a finalement accepté mon refus, faute d’avoir un autre choix. L’homme qui avait organisé la protestation est resté à Ashdod, tandis que les autres passagers, y compris ceux qui sont montés plus tard dans le bus, son passés à côté de moi et se sont assis sans anicroche.

Cet incident m’a cependant laissée pleine de questions : pourquoi limiter les droits et libertés de quelqu’un est-il considéré comme juste lorsque cela est considéré comme adhérer aux exigences de la loi juive ? Depuis quand la Torah passe-t-elle avant les règles de base de la vie en société ? Comment la religion peut-elle être utilisée de façon aussi cynique, sans que personne ne réalise que c’est un problème de société, qui n’a pas ou peu de connections avec la religion ? Comment se peut-il qu’une communauté toute entière choisisse d’humilier ses filles, ses épouses et ses sœurs, sans que personne n’élève la voix ? Qui peut croire qu’on puisse réellement choisir de vivre une vie d’humiliation et d’exclusion ?

Il est important de préciser que je ne suis pas contre les orthodoxes ou les religieux. Je ne parle pas non plus contre la religion. Ce qui me perturbe c’est l’attitude de l’Etat vis-à-vis de ce phénomène, tout au long de son existence. La renonciation aux droits fondamentaux de tant de citoyens pour la dignité et le bien-être d’une minorité, et l’indifférence témoignée par l’Etat, qui encourage même parfois ce phénomène.

L’Etat d’Israël est un pays de minorités, et chacun doit montrer de la considération pour l’autre. Il est important de combattre le radicalisme, où qu’il soit. Toutes les opinions, toutes les visions du monde sont acceptables, tant qu’elles ne sont pas poussées jusqu’à l’extrême. Là, elles deviennent dangereuses. Ce peut être une loi qui heurte les religions ou un appel contre les ultra-orthodoxes. Ce peut être un missile tiré sur Ashdod ou un slogan « mort aux Arabes. »

Dans l’Israël de 2011, la guerre est pour la liberté individuelle ! La guerre entre groupes ne mène à rien sinon à un long conflit rempli de slogans vides : les Arabes contre les Juif, les ultra-orthodoxes contre les laïques. Après tout, nous vivons notre vie en accord avec nos croyances, nos capacités, notre compréhension, afin d’être meilleurs et prospères, autant que nous choisissons de l’être ; et j’insiste sur le mot « choix. »

Nous ne devons pas autoriser un groupe de pression ou un autre de couvrir la voix unique de n’importe lequel d’entre nous. « Liberté » n’est pas un mot maudit, tout le mot y aspire dans toutes les sociétés et toutes les situations. Si nous oublions nos cicatrices et approchons les personnes qui se cachent derrière des mots tels que « orthodoxe » ou « laïc », nous pouvons engager un véritable dialogue et peut-être combler le fossé qui nous sépare.

 

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