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Iran : l’Occident commence à jouer juste(info # 010501/12) [Analyse]

Par Stéphane Juffa ©Metula News Agency

 

En ce début d’année, l’Occident passe la vitesse supérieure dans son différend avec l’Iran. Cela se traduit par plusieurs mesures concrètes, visant, à ce stade des choses, à indiquer à Téhéran que les Etats-Unis, l’Europe et Israël ne permettront pas aux ayatollahs de se doter de l’arme nucléaire, et qu’ils utiliseront la force, en dernier recours, pour les en empêcher.

 

C’est lors d’une visite dans un lycée, à Beer Tuvia, que le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant général Benny Gantz, en réponse à la question d’un élève, a choisi de faire le point en une seule phrase : "la préparation internationale est adaptée, et parallèlement à une préparation israélienne adéquate, ce défi – la capacité à détruire les infrastructures perses – peut être relevé".

 

Outre le strict aspect de la coordination de la préparation militaire entre les alliés stratégiques, qui bat son plein, on observe, enfin, une synchronisation presque parfaite des positions israélienne et américaine sur le sujet. Gantz s’exprime dans les mêmes termes que le Secrétaire à la Défense US Léon Panetta. En prenant soin de ne pas jeter de l’huile sur le feu par des affirmations aventurières, mais en restant très ferme sur l’éventualité d’un recours possible à la force.

 

Les deux gouvernements s’accordent désormais pour juger que l’Iran se situe au dernier carrefour de la route menant à la bombe, mais que son franchissement dépend de la décision politique en ce sens du guide suprême de la République Islamique, l’ayatollah Ali Khamenei.

 

Les Etats-Unis, Israël et les Européens disposent des moyens de savoir si les Iraniens entreprendront l’étape de l’enrichissement de l’uranium à une concentration militaire. Cela nécessiterait le transfert des centrifugeuses dans l’usine souterraine de Fodow, près de Qom, ainsi que le renvoi, ou l’immobilisation des inspecteurs de l’AIEA encore en place dans la théocratie chiite.

 

Mais d’autre part, les Occidentaux craignent que, sous la pression générée par la destruction d’installations principales de leur infrastructure liée à l’atome, les Iraniens ne décident de forcer l’allure, afin de prendre leurs adversaires de vitesse en les plaçant devant le fait accompli du point de non-retour de leur programme.

 

Dans ce scénario, les mollahs pourraient être tentés d’œuvrer de façon clandestine pour atteindre leur objectif.

 

Dans l’intention de les dissuader d’effectuer ce genre de démarche, Washington et l’Union Européenne ont décidé de renforcer sensiblement les sanctions qu’ils imposent à la République Islamique :

 

Les USA d’abord, qui, à la veille du Nouvel An, ont pris la décision de sanctionner les institutions financières internationales qui continueraient à coopérer avec la banque centrale iranienne. Ces institutions se verront exclues du système financier américain.

 

Or, pour la plupart des grandes banques internationales, une telle mise à l’écart se traduirait presque automatiquement par la banqueroute. L’administration US entend ainsi empêcher les Iraniens de pouvoir être payés en contrepartie du brut qu’ils vendent encore, principalement aux Chinois et aux Européens.

 

La mesure est sévère pour les ayatollahs, qui ont déjà une peine énorme à encaisser le fruit de ces ventes.

 

La semaine dernière, tous les Etats de l’UE se sont entendus sur les termes d’un embargo sur le pétrole persan. L’UE, qui importe encore 450 000 barils/jour en provenance de la théocratie islamique, a décidé de mettre fin à cette activité.

 

"Le principe de l’embargo est acquis et ne doit plus être discuté", nous a confié un diplomate ayant participé aux débats. Reste à décider de la date de mise en application de cette mesure, qui pourrait intervenir avant le début du printemps.

 

Un autre train de sanctions européennes est également à l’étude, comprenant notamment l’embargo sur les instruments permettant l’extraction du brut ainsi que son acheminement.

 

Dès l’annonce de ces mesures, le prix du Brent a pris un dollar sur les marchés, pour s’établir autour des 114 dollars. Reste que la décision du boycott inquiète certains pays de l’Union, à l’instar de la Grèce, dont l’économie est déjà à l’agonie. Dans une conjoncture dans laquelle les Etats européens font face à un problème massif d’endettement, une hausse brutale des prix du brut pourrait leur faire très mal.

 

Les Occidentaux comptent, pour contenir la hausse, sur la compréhension de l’Arabie Saoudite, l’un des ennemis principaux de Téhéran, dont on attend qu’elle augmente sa production en contrepartie de la fermeté exprimée par ses alliés objectifs.

 

Les nouvelles sanctions, annoncées des deux côtés de l’Atlantique, ont immédiatement eu un effet sur la République Islamique. Un effet considéré par les analystes comme "une mini-crise de panique".

 

Celle-ci s’est traduite d’une double façon : la première en menaçant de fermer le détroit d’Hormuz, par lequel transite entre 30 et 40% du brut mondial, au cas où les nouvelles sanctions seraient appliquées. La seconde, exprimée par un ayatollah, et reprise par l’agence semi-officielle Fars, à l’encontre d’un porte-avions US, qui venait de quitter le Golfe arabo-persique.

 

L’ayatollah Salehi s’est exprimé dans les termes suivants : "Je conseille, recommande et préviens les Américains de ne pas ramener ce porte-avions dans le Golfe persique, parce qu’il n’est pas dans nos habitudes de lancer un avertissement plus d’une fois".

 

Une semaine plus tôt, le chef de la marine de guerre persane avait affirmé qu’il lui était aussi facile de condamner le goulet d’Hormuz – 54km de large en son point le plus étroit – que de boire un verre d’eau.

 

Quant à savoir si tel est le cas en réalité, c’est une toute autre affaire : l’US Navy opère une très grosse plateforme basée à Bahreïn, distante de 180 kilomètres des côtes iraniennes, et elle n’a pratiquement rien à craindre des forces maritimes désuètes et lilliputiennes de la République Islamique.

 

D’ailleurs, le commandant Bill Speaks a réagi aux menaces prononcées par les Perses, rappelant que la Navy "opérait sur la base de traités internationaux, afin de maintenir un niveau constant de vigilance maximale, et de garantir l’écoulement du trafic maritime, continu et protégé, sur des routes maritimes cruciales pour le commerce international".

 

Un porte-parole de la 5ème flotte, précisément celle stationnée à Bahreïn, a annoncé que la marine étasunienne ne tolèrerait pas que le trafic soit interrompu dans le détroit (d’Hormuz).

 

Sur un plan stratégique, alors que nous venons de passer, avec plus d’un an de retard à notre sens, - mais partiellement compensé par les dégâts suscités par des commandos contre l’infrastructure militaro-nucléaire persane – de la phase des déclarations générales d’intentions à celle de la menace d’intervention militaire occidentale, ces menaces et contre-menaces font précisément l’affaire des alliés.

 

Elles leur permettent de posséder un prétexte d’intervention, mais, avant cela, de renforcer leur présence dans la région, et notamment aux abords du détroit d’Hormuz. L’excitation et les paroles en l’air de l’ayatollah Salehi constituent, en la matière, du pain béni pour les Américains et leurs alliés.

 

Quant aux Iraniens, ils viennent de conclure des manœuvres navales d’une durée de dix jours, et en annoncent de nouvelles. C’est pour eux l’opportunité de se tenir prêts – dans la mesure de leurs capacités – à réagir à une hypothétique intervention de la part de leurs ennemis.

 

Des ennemis qui ne sont pas en reste, puisqu’ils préparent, pour ce printemps, le plus imposant exercice américano-israélien de tous les temps, sur le territoire de l’Etat hébreu. Une simulation d’une guerre de missiles…

 

L’annonce de ces manœuvres va obliger Téhéran à considérer qu’il pourrait s’agir d’un projet d’attaque contre ses installations, et non d’un exercice. Car tous les moyens, en hommes et en matériels, seront alors déployés et prêts à l’usage. Une parfaite occasion, pour l’Amérique et Israël, de mobiliser sur le terrain les forces nécessaires sur le pied de guerre, et, par voie de conséquence, une période que les Iraniens n’ont d’autre choix que d’envisager comme la date éventuelle de l’ouverture des hostilités.

 

Tout ceci, avec le réveil de l’Occident, et le risque d’étouffement économique pour les Iraniens, qui a déjà a poussé les ayatollahs, en parallèle avec leurs menaces contre la plus grande armée de la planète, à demander aux Européens de proposer des dates pour la reprise de négociations.

 

Il va probablement s’agir, pour les théocrates perses, d’une nouvelle tentative destinée à gagner du temps au profit de leur programme nucléaire. Ceci dit, les sanctions, la synchronisation des politiques et des armées, les exercices et les renforts à l’Ouest n’ont, pour l’instant, qu’un but : éviter la confrontation militaire, en faisant comprendre aux dictateurs chiites qu’ils ont énormément à perdre dans l’occurrence d’un conflit armé, et qu’il est préférable pour eux de mettre volontairement un terme à leur programme de bombe atomique.

 

Pour cela, il va falloir encore faire monter la pression. Puis, il faudra bien s’asseoir avec les envoyés de Khamenei et d’Ahmadinejad, puisque, dans cette phase, c’est leur réponse qui nous intéresse.

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