LE REJET DE LA FEMME HORS DE L’ESPACE PUBLIC TRADUIT UNE LUTTE IDEOLOGIQUE QUANT A LA NATURE DE L’ETAT
Par Mati Ben-Avraham
C’est l’opinion du professeur Yedidia Stern, de l’université Bar Ilan (1). Dans une remarquable analyse, publiée dans la presse israélienne, il s’emploie de prime abord à rappeler que le statut de la femme dans la société n’a évolué positivement que dans les Etats où la religion est passée du rang d’infrastructure à celui de superstructure, majoritairement en occident par le biais de la sécularisation ou de la laïcisation. Encore que, et les mouvements féministes en témoignent, l’application de la pleine égalité des droits homme-femme est encore à la peine. En Israël, cette question a, ces temps derniers, occupé le devant de la scène, provoquant des débats houleux et donnant lieu également à des échauffourées violentes dans les quartiers ultra-orthodoxes de Jérusalem et Beit-Shemesh principalement. L’ampleur du phénomène a surpris.
Sans rejeter la plupart des explications avancées, aussi bien côté laïc que religieux, le professeur Stern a, pour sa part, rejeté les amalgames faciles pour mettre en exergue une différence fondamentale à ses yeux entre l’ultra-orthodoxie ashkénaze – au sein de laquelle les plus virulents sont ceux qui rejettent l’Etat d’Israël considéré comme impie – et les groupes radicaux qui ont surgi au sein du mouvement sioniste religieux.
« Le juif ultra-orthodoxe demeurant à Londres ou à New-York n’y verra jamais qu’un lieu de subsistance, mais non d’identification. Il se sait « en galout », en exil. Ce qui n’est pas le cas ici, même s’il récuse l’Etat. Il se sait en Terre d’Israël. Aussi, ce qu’il manifeste à travers la question de la place, ou non-place de la femme dans l’espace public, c’est sa volonté à un repli communautaire, à la création d’îlots extraterritoriaux dominés par les prescriptions religieuses découlant – suivant leur interprétation propre- de la Tora ; des cités de Dieu donc, préfiguration de la Cité de Dieu où la loi divine supplantera à jamais la loi civile. «
« Tel n’est pas le cas, poursuit Yedidia Stern, dans le monde du sionisme religieux nationaliste qui participe à la vie de l’Etat, vise une totale insertion en son sein pour le modifier et, un jour, en assurer la direction. Le rejet de la femme, chez les plus radicaux dans ce mouvement sioniste religieux nationaliste, traduit une volonté d’introduire dans la société de nouvelles règles de jeu, plus conformes selon eux à la volonté divine. Et ce n’est donc pas par hasard si Tsahal, l’armée, a été choisi en tant que champ d’application de leur vision de la société. »
Sa conclusion : « Il est manifeste que le débat engagé déborde largement de la simple question d’égalité des droits, du respect de l’autre, de la place de la femme. Le rejet de la femme hors de l’espace public recouvre, en dernière analyse, une lutte idéologique quant à la nature de l’Etat. »
(1) Le professeur Yedidia Stern, 56 ans, religieux pratiquant, enseigne le droit à l’université Bar-Ilan, où Il fut le Doyen de la faculté de Droit. Il est par ailleurs le vice-président de l’Institut israélien pour la Démocratie. Il y dirige les programmes de recherche portant sur « Etat et religion, judaïsme et démocratie ; économie et démocratie ».
ISRAËLVALLEY-SOCIETE