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Les Juifs du Cameroun

 

Serge Etele vit au Cameroun dans la localité de Sa'a. Il est pourtant convaincu d'être juif et pratique cette religion avec une congrégation

 

 

Serge Etele est un cultivateur de cacao de 31 ans vivant à Sa’a, un petit village au Cameroun. Alors que sa famille et lui tout comme un millier d’autres dans son village sont membres d’une congrégation chrétienne pentecôtiste, Serge se considère comme un Juif. Il est aujourd’hui le leader spirituel de la communauté juive Beth Yeshourun du Cameroun.

Ce qui est étonnant à propos de la transformation de Serge, c’est qu’au moment de sa conversion il n’avait jamais entendu parler de l’existence de Juifs au Cameroun (bien qu’il existe des traces d’anciennes connexions au Judaïsme), et n’avait jamais rencontré ou été en contact avec des Juifs. Comment alors s’est opérée cette conversion peu commune il y a 13 ans ?

Lors d’un meeting sur la 92e rue à New York le 23 Février – son premier séjour hors du Cameroun –, Serge a raconté son histoire à une audience captivée. Après la présentation, j’ai eu le privilège d’interviewer Serge pour plus de détails sur son voyage spirituel.

Serge a été chaperonné lors de sa visite aux Etats-Unis, visite dans le cadre d’un programme de rencontre entre organisations juives organisé par le rabbin Geral Sussman et sa femme. Il y a deux ans, une organisation juive dénommée Kulanu, qui soutient les communautés juives émergentes et isolées à travers le monde, a envoyé les Sussman au Cameroun pour aider Serge et sa congrégation à améliorer leur compréhension du Judaïsme, obtenir les livres de prière et le matériel, et établir un contact avec les autres groupes juifs.

Le voyage de Serge a commencé quand il étudiait le Nouveau Testament à l’église pentecôtiste au Cameroun, où la chrétienté est la religion la plus populaire. He a déclaré que plus il poussait sa lecture, moins il arrivait à chasser les contradictions. En particulier, sa perception était que Jésus n’a pas rempli les conditions de l’Ancien Testament pour le messie juif : « Jésus n’a pas apporté l’âge d’or du Messie ». Le fait que les Chrétiens déclarent que le retour de Jésus réalisera les prophéties messianiques ne lui allait pas. En plus, il était troublé par le fait que Jésus « n’était pas de la lignée de David », un autre pré requis pour le messie.

Bien que le mari de Marie, Joseph, a-t-il déclaré, fût le descendant de David d’après l’évangile de Mathieu, il n’était pas le père biologique de Jésus. Serge s’est alors demandé : « Si Jésus était le Juif tel qu’il a été dépeint dans le Nouveau Testament, alors pour honorer ses enseignements ne devrais-je pas vivre la vie d’un Juif, pas celle de Jésus le Messie, mais celle de Jésus le Juif pratiquant ? ».

Sas doute, la cause la plus forte de la conversion de Serge a été sa réponse à la question du sens de la conversion au Judaïsme pour lui. A sa manière assurée, spirituelle et forte, il a déclaré qu’il ne pouvait l’expliquer en termes de mots ou de logique mais que plus il explorait le Judaïsme, plus il sentait au fond de lui qu’il était juif. Un moment de silence a pétrifié l’audience.

Quand Serge, avec de nombreux membres de sa famille et un certain nombre du groupe pentecôtiste a décidé de se convertir, ils ne savaient pas comment faire. Ils n’avaient pas de livres de prière juifs et ne savaient pas comment pratiquer. Peu après pourtant, le monde du Judaïsme s’est ouvert à Serge quand Internet a été étendu dans son village au Cameroun. Bien que s’étant arrêté au lycée – il n’a pas pu se payer des études universitaires –, il a eu une soif d’apprendre. Il est devenu un habitué du cyber café local où il a engagé une étude intense. Il a amélioré son Anglais, a appris à parler l’Hébreu, et s’est vite mis à lire la Torah en Hébreu.

Serge a alors cherché à véritablement pratiquer le Judaïsme – en observant le Sabbat, célébrant toutes les fêtes juives – en suivant à la lettre la loi. Mais très vite, il s’est demandé comment faire cela sans enseignement. Alors il s’est dit qu’il n’y avait pas de meilleure source que la Torah, puisque toutes les lois juives en proviennent. Alors, lors de leur première célébration de la Pâque, son groupe ont suivi les recommandations de l’Exode et du Deutéronome – deux livres de la Torah – en sacrifiant un agneau, comme cela était pratiqué dans le temple de Jérusalem avant sa destruction par les Romains en 70 de notre ère. Il devait bientôt apprendre les pratiques juives contemporaines.

Aidé par l’accès à l’Internet, il a cherché à rentrer en contact avec d’autres Juifs, à la recherche de mentorat et de guide sur les pratiques juives. Des débuts infructueux, puisque ses tentatives de rentrer en contact avec des rabbins et organisations juives se soldés par des échecs. Quasiment personne n’a répondu. Avec le recul, il pense que son échec est du au fait qu’il s’identifiait lui et son groupe en tant que des pentecôtistes, ce qui a sans doute poussé les Juifs qu’il a rencontrés à penser qu’il était à cheval entre le Judaïsme et le culte messianique. Heureusement pour lui, Kulanu a été intrigué par la requête de Serge et a répondu. Harriet Bograd, le président de Kulanu, a été impressionné par l’acharnement de Serge à suivre le Judaisme. Kulanu est donc devenu le chemin qui lui a ouvert les portes du Judaïsme.

Pour lui donner un meilleur accès aux communautés juives aux Etats-Unis, Kulanu a fait procéder à la conversion formelle de Serge au Judaïsme. La cérémonie a été célébrée à New York par trois rabbins. La circoncision, pré-requis pour les Juifs, n’était pas un problème, puisque Serge a été circoncis au Cameroun, ce qui est une pratique commune.

Au Cameroun, Serge voit l’intérêt pour le Judaïsme monter au sein de sa communauté et espère que plus encore viennent grossir les rangs. Gérard et Bonita Sussman croient fermement que l’érudition, la sincérité et le sens de la mission grandissants de Serge feront de lui une voix ‘du Judaïsme dans les années à venir.

Quelles sont les ambitions de Serge pour le futur ? Son rêve est d’intensifier ses études du Judaïsme et d’être ordonné rabbin. Ensuite, il ambitionne de construire une petite synagogue et d’acquérir un parchemin authentique de la Torah. Pour l’instant, Beth Yeshourun s’occupe du service aux domiciles des membres.

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