Valérie Zenatti : madame rêve…
Cette auteur, scénariste et traductrice de l’hébreu, a écrit le scénario d’Une bouteille à la mer de Thierry Binisti, film sorti en février. Et garde plus d’un rêve dans son sac.
C’était une journée presque ordinaire à Jérusalem : un kamikaze dans un café, six morts. Tal ne s’habitue pas. Elle veut comprendre, parler avec ceux de l’autre côté, à la fois si lointains et si proches. Son frère fait son service militaire à Gaza. Elle écrit une lettre à un correspondant imaginaire, et la glisse dans une bouteille qu’elle lui confie.
Entre espoir et détresse
L’histoire d’Une bouteille dans la mer de Gaza, le livre (1) de Valérie Zenatti dont l’adaptation est sortie en février dernier, est une fiction qui en dit long sur son auteur.
On y retrouve son appétit pour les histoires transmises par sa grand-mère, sa connaissance intime d’Israël, l’espoir qu’elle a ressenti au moment des accords d’Oslo, puis sa détresse lorsqu’a éclaté la seconde Intifada. Son écriture sensible et délicate laisse aussi apparaître son « goût de l’autre ».
À 42 ans, Valérie Zenatti a l’impression d’avoir déjà vécu plusieurs vies. Elle passe son enfance à Nice dans une famille rapatriée d’Algérie. « Ce qui a marqué mon enfance, c’est la volonté d’excellence. L’école me donnait la possibilité de m’intégrer. Être la petite fille juive de parents pieds-noirs était difficile, mais il m’était facile d’être bonne élève. »
Holocauste, un « coup de tonnerre »
Début 1979, la diffusion du feuilleton télévisé Holocauste produit en elle un « coup de tonnerre ». Elle a à peine 9 ans. « J’avais entendu parler du film. Je sentais qu’il y avait là un secret qui me concernait. J’ai menti. J’ai dit à ma mère que la maîtresse voulait qu’on le regarde. Ce soir-là, j’ai découvert qu’on pouvait tuer des enfants, comme moi, parce qu’ils étaient juifs. Je suis alors devenue une petite fille angoissée et je me suis réfugiée dans les livres. »
Ce choc va lui donner envie d’en savoir plus sur le monde. « Je découpais des articles dans France-Soir sur la guerre Iran-Irak, l’Afghanistan, les Malouines… »
1983 est l’année de la rupture. La famille Zenatti déménage pour Israël. « Ma mère avait envie de participer à l’élan d’un pays neuf. »Avec ses parents et sa sœur aînée, elle s’installe à Beer Sheva dans le désert du Néguev. « Le premier matin, quel choc de se réveiller là… J’avais 13 ans, je quittais Nice pour me retrouver dans une ville qui ne ressemblait à rien, dans un pays dont je ne connaissais pas la langue. »
La liste de ses 100 rêves
Pour la jeune fille, c’est une période chaotique. « Je me suis opposée à mes parents par le biais de la religion. »À cette époque, elle écrit la liste de ses 100 rêves. Parmi eux figure celui d’écrire et de publier un livre avant ses 30 ans.
Comme tous les garçons et les filles de son âge en Israël, elle effectue son service militaire. Elle sera enrôlée dans les services de renseignement. Cette expérience lui inspirera Quand j’étais soldate (2), paru en 2002, et couronné de nombreux prix.
Entre-temps, elle est revenue en France, a suivi des études de langues orientales, enseigné l’hébreu, été journaliste et a appris à mettre un point final à ses livres. « C’est Geneviève Brisac qui m’a donné la confiance nécessaire pour commencer un roman et le terminer. »Elle a 29 ans et demi lorsque sortira Une addition, des complications (3), réalisant ainsi un de ses rêves les plus chers.
Valérie Zenatti vit aujourd’hui à Paris avec ses deux enfants et son chat moitié persan, moitié birman, illustration gracieuse et pacifique de son goût pour la mixité, l’ouverture et le mélange des genres.
Ses quatre types d’écriture
Elle partage ses journées entre la traduction de l’œuvre d’Aharon Appelfeld (prix Médicis, étranger 2004) auquel elle voue une admiration infinie, l’écriture de scénarios et de livres pour enfants et adultes. « Je trouve ma cohérence en alliant ces quatre types d’écriture. »
Elle a réalisé 38 rêves de sa liste et au fil des années, d’autres se sont rajoutés… Sera-t-elle un jour entièrement cochée ? Sans doute pas. Mais au bout de la plume, elle a encore des mots et des histoires capables de nous les faire partager.
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Le 8 février 2012, Une bouteille à la mer sortait sur les écrans
Le film de Thierry Binisti Une bouteille à la mer est adapté du livre de Valérie Zenatti qui en signe aussi le scénario. Il y est question du conflit israélo-palestinien à travers un dialogue entre Tal, jeune Israélienne, et Naïm, jeune homme de Gaza. « Lorsqu’on écrit des livres, on peut avoir 18 ans. Je me suis autorisée à croire en des choses auxquelles des adultes ont de plus en plus de mal à croire »,explique-t-elle.
(1) Éd. L’École des loisirs, 2005, 166 p., 10 €.
(2) Éd. L’École des loisirs, 2002, 258 p., 11 €.
(3) Éd. L’École des loisirs, 1999, 94 p., 6,70 €.
MARIE AUFFRET-PERICONE