L’octogénaire meurtrier se mure dans le silence
A l’issue d’une première journée d’audience, l’octogénaire accusé d’avoir tué, dépecé et brûlé sa femme en 2009 n’a livré que très peu d’explications sur son geste.
farida chadri
Elle était le feu. Il incarnait le froid. Elle, juive sépharade nourrie au soleil de Tunisie. Lui, ashkénaze, originaire de la banlieue lyonnaise, orphelin de père à 2 ans. Leurs chemins se sont croisés, puis liés pendant quarante-trois années. Jusqu’à cette nuit du 2 au 3 avril 2009 lorsque la banalité du quotidien a basculé dans l’horreur et l’inimaginable.
Depuis hier, Pierre Dreyfuss, 80 ans, comparaît devant la cour d’assises du Val-de-Marne pour avoir tué son épouse, Huguette, dans leur appartement de Créteil, avant de la découper en morceaux et brûler le corps dépecé en Seine-et-Marne. Et, pour cette première journée d’audience, il n’y a pas eu un embryon d’explications.
Chemise bûcheronne bleue et blanche, et appareil auditif défaillant, tout en reconnaissant les faits, Pierre Dreyfuss s’est réfugié dans des « je ne sais pas » à chacune des questions du président, Jean-Claude Albert. Pourquoi a-t-il assené à son épouse des coups de couteau dans le dos puis au cœur? Pourquoi n’avoir pas appelé les secours après ce geste fou plutôt que d’aller s’enfermer dans sa chambre jusqu’au matin? Pourquoi découper à la scie la mère de ses deux enfants en morceaux avant de les placer dans des valises et les brûler? « Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je ne me rappelle plus. On était très bien ensemble. Suis malheureux sans elle », se contente-t-il de répéter à la cour.
Pourtant, depuis un mois, le couple ne se parlait plus : « Ils se disputaient sur un sujet : l’argent », ont raconté hier ses deux filles par visioconférence, ne voulant pas croiser le regard de leur père. Un retrait sur un livret A effectué en cachette par Pierre Dreyfuss, ajouté à ses problèmes d’audition, a eu raison de la patience de son épouse qui ne lui adressait plus la parole, imposait que chacun fasse ses propres courses et cuisine tout seul.
Pour pallier le mutisme de l’accusé, le président a lu ses dépositions faites en garde à vue : « Ce soir-là, je voulais qu’elle me reparle. J’en avais marre de vivre comme ça », avait-il confié aux enquêteurs.
« Est-ce qu’il y a eu un début d’engueulade? » demande Jean-Claude Albert à l’octogénaire, exceptionnellement autorisé à rester près de son avocat plutôt que dans le box des accusés. « Elle était en train de manger, répond l’ancien assureur. Je ne me rappelle plus. Ça m’a pris subitement », dit-il avant de s’enfermer dans le mutisme.
Silencieux, c’est ainsi que ses deux filles l’ont décrit hier. Un père « réservé, renfermé, indifférent au monde extérieur et à sa famille ». Un homme qui était là sans être là, mystérieux, passant son temps à découper des articles de presse sur le cyclisme et le foot. Tout le contraire de leur mère. Pour ses filles comme pour l’entourage de la victime, Huguette, 72 ans, était une femme « courageuse, digne, dynamique, qui allait vers les autres ». Et qui assumait « financièrement » les dépenses du ménage.
Pierre Dreyfuss avait-il conscience de ce qu’il faisait? Les experts psy devraient débattre de la question ce matin.