Maroc : Une « Botox Party » organisée à Marrakech
Par Ristel Edimo
Du jamais vu au Maroc. Jusque là, c'était un phénomène récurrent dans les grandes villes américaines et européennes, mais il y a moins de deux mois, une Botox Party a été organisée à Marrakech. Elle a vu la participation de nombreux citadins et le corps médical se dit inquiet. D'autant que les responsables alertés ont tout de même permis la tenue de cet évènement en dépit de la loi au Maroc.
Le 2 juin dernier, Marrakech a abrité un évènement on ne peut plus particulier: une « Botox Party ». La soirée était présentée comme « la première du genre en Afrique ». L’affaire a été relatée par les Echos quotidien, pourtant largement diffusée au sein de la communauté de Marrakech. D'ailleurs, le portail SidiMarrakech en a fait la publicité.
« Botox Party », qu’est-ce donc ? Il s’agit de soirée au cours desquelles des personnes peuvent recevoir des soins médicaux esthétiques, via les services d’un chirurgien esthétique, dans une ambiance festive. Le concept est né aux Etats-Unis avant de s’exporter en Europe. La soirée de Marrakech, qui a réuni quelques 400 participants, s’est déroulée en présence d’un médecin de la place, d’un anesthésiste, d’une infirmière, dans un somptueux hôtel de la ville ocre . La page Facebook dédié à l’évènement montre en effet que dès son annonce, il a suscité l’intérêt d’un bon nombre de Marrakchis.
« Des soirées qui choquent au Maroc »
L’initiateur de cet évènement est un Français résidant à Marrakech, Michael Bizet. Il se fait communément appelé Mickey. Son but : « faire des soirées qui choquent dans une certaine limite au Maroc ». « Je voulais accentuer la curiosité des gens et le ‘Botox’ était le sujet idéal pour ça », affirme-t-il dans une interview. Les images de cette soirée circulent sur Facebook, mais aucune d’elles ne présentent des séances d’injection.
« Il faut que les responsables réagissent »
Cet évènement a bel et bien eu lieu. Pourtant, la loi n°10-94 relative à l’exercice de la médecine interdit ce genre de pratique, souligne à Les Echos quotidien Kamal Iraqui Houssaini, président de la Société marocaine de chirurgie esthétique. Cette loi stipule que le médecin ne peut exercer que dans un lieu dédié. Or, la « Botox Party » de Marrakech s’est déroulée dans un hôtel. Et même si l’organisateur de la soirée dit qu’une salle a été aménagée avec toutes les conditions médicales requises, M. Houssaini estime que l’hôtel « n’est pas un lieu destiné à des actes médicaux et ne dispose pas d’équipements dédiés », sachant que « ces injections peuvent être sujet à de graves problèmes ou d’énormes malaises ». Aussi, déplore-t-il le fait qu’aucun de ces patients n'a préalablement consulté, alors que c’est un impératif pour les injections de toxine botulique.
« Dès que nous avons eu connaissance de cette soirée, nous avons saisi le Collège syndical national des médecins spécialistes privés, qui a, à son tour, alerté le Conseil national des médecins (CNOM) et le ministère de la Santé », explique à Les Echos, M. Houssaini. Le Collège syndical national des médecins spécialistes privés aussi a réagi en saisissant le CNOM. « Mais rien n’a été fait jusqu’à présent », déplore le président du Collège, Saad Agoumi.
Evènement toléré par les responsables ?
Michael Bizet affirme pourtant avoir été contacté par l’Ordre national des médecins « 24 heures avant l’évènement ». L’institution lui aurait clairement fait comprendre que ce genre de pratique lui est « interdit ». Mais personne ne comprend ce qui s'est passé par la suite. « Nous sommes donc allés voir le doyen qui nous a conseillé de faire venir le médecin pour donner des conseils sur les injections ‘Botox’ », dit-il sans donner l'identité du fameux « doyen ». Finalement sa soirée s’est bien passée et il s’en réjouit. Yabiladi a tenté de joindre sans succès, l'Ordre national des médecins et le ministère de la Santé, afin d'avoir leur version des faits.
Une seconde édition à Casablanca
Les médecins émettent cependant leur inquiétude quant à l’ampleur que ce genre de pratique risque de prendre en l’absence d’intervention des autorités. « Si rien n’est fait pour mettre fin à ces pratiques, le risque est que ces dernières se banalisent et puissent même être pratiquées dans des salons d’esthétique », juge M. Houssaini. Michael Bizet, quant à lui, prévoit une « Botox Party 2 » cette fois à Casablanca en septembre prochain.