Pallywood, Libywood, Syriwood et les autres...
Par Véronique Chemla
Jeudi 13 décembre 2012, le JT de 20 h de France 2 a diffusé vers 20 h 25 un reportage marqué « Exclusive CNN » et intitulé Alep, le courage sous les balles. Des « images saisissantes » sur le courage d'un adolescent tentant de sauver une femme blessée, sous des « tirs croisés ». Et qui soulèvent bien des questions sur l'authenticité des faits allégués par ce reportage, surtout après avoir vu le reportage initial 17-year-old Syrian risks life to rescue par Arwa Damon sur le site Internet de CNN. Une énième production de Syriwood ? Réflexions sur Pallywood, Libywood, Syriwood et les autres Arabwoods...
Des « images saisissantes »
La mine grave, David Pujadas a introduit ainsi ces images siglées « Exclusive CNN » et avec le logo de France 2 : « Dans cette guerre, si le courage avait un visage, ce serait peut-être celui de cet adolescent de 17 ans dans la ville d’Alep…Il n’a pas hésité à défier les snipers pour tenter de sauver une femme en pleine rue. Attention ! Si des enfants sont à vos côtés, certaines images peuvent choquer ». Cela ne vous rappelle rien ?
Continuons. Monté par E. Metge, le reportage de Frank Genauzeau débute.
Voix off, Frank Genauzeau explique obligeamment la scène filmée par au moins un cameraman placé face à la scène : « Étendue sur le sol boueux, une mère de famille inanimée, touchée quelques instants plus tôt par un tir de sniper. À 50 mètres de là, un jeune combattant décide de ramper à sa rencontre. Il n’a que 17 ans, mais sous les tirs croisés, il risque sa vie pour cette femme qu’il ne connaît pas. « Couvrez-le ! Couvrez-le ! », entend-on autour de lui. Sans paniquer, l’adolescent attache les pieds de la blessée avec une corde, poussé par la conviction qu’il peut la sauver ».
Un jeune homme déclare : « On était sûr qu’elle était vivante. On voulait lui sauver la vie, l’amener le plus vite possible à l’hôpital », déclare un homme.
Reprise de la voix off : « Une fois la mère de famille fermement attachée, il bat en retraite. Les autres combattants vont ensuite la tirer sur 40 mètres afin de la mettre en sécurité. Un acte de bravoure finalement vain ».
Scène finale par un cameraman dont l’objectif est pailleté de taches : « Sous les yeux de son fils, la mère de famille est décédée quelques minutes plus tard ».
Conclusion : « Scènes de détresse quotidienne dans un pays où la guerre a fait déjà plusieurs dizaines de milliers de morts ».
Des questions légitimes
Cela ne vous rappelle toujours rien ? Quelques indices.
Pourquoi ce jeune Syrien rampe-t-il à l’aller, et retourne-t-il debout vers ses amis, dans un tel contexte de « tirs croisés » ?
Comment ces snipers ont-ils pu le manquer, surtout quand il se tenait debout, et le cameraman ?
On peine à distinguer des traces de sang sur le sol et les impacts de balles des « tirs croisés » signalés par le journaliste.
On se croirait au Far West : le jeune homme ficelle la dame en commençant par les pieds, comme les cow-boys.
Pourquoi ne voit-on jamais de près le visage de la victime ?
Pourquoi le journaliste ne traduit-il pas les cris « Allah Aqbar », cris du jihad affirmant la supériorité d’Allah, et qui ponctuent ce reportage.
Qui est l'auteur ou qui sont les auteurs de ces images ? Combien de cameramen dans cette scène de rue ?
Ces questionnements sont renforcés lorsqu'on visionne le reportage complet (environ 3 minutes et douze secondes) sur le site de CNN. Intitulé 17-year-old Syrian risks life to rescue, il est ainsi présenté : "While in Aleppo, Arwa Damon gets exclusive footage of a Syrian during his act of heroism in rescuing a sniper victim" ("A Alep, Arwa Damon a eu le reportage exclusif d'un Syrien durant son acte d'héroïsme en se portant au secours d'une victime de sniper").
Le montage indique "Courtesy Saef Assam, Sakhour". Il est quasi-identique, sauf que Arwa Damon, journaliste de CNN, nomme l'adolescent prénommé Abdallah et est filmée interviewant un jeune homme qui relate les faits filmés. Bref : la femme qui a vu l'homme qui relate les dires attribués à cet adolescent... De plus, la journaliste filme la rue où s'est déroulé ce "sauvetage" : là où devait se trouver le cameraman, quel objet le protégeait de « tirs croisés » ?
En l’occurrence, ce reportage se focalise sur des "civils", dissimule les mercenaires et jihadistes, humanise les insurgés en Syrie, supplante toute image des chrétiens ou alaouites persécutés, occulte les enfants enrôlés dans les rangs des rebelles pour combattre, masque les armes sophistiquées de ces islamistes, etc.
Une manière de renforcer l'hostilité contre le régime de Bachar al-Assad et de préparer l'opinion publique à un futur gouvernement islamiste dirigeant la Syrie. Un de plus né de ce "printemps arabe" qui a épargné l'Autorité palestinienne. Un de plus ceinturant l'État juif.
Pallywood, Libywood, Syriwood…
Ces images ne vous rappellent toujours rien ?
Moi, cela me fait penser à Pallywood, industrie de la propagande palestinienne, plus particulièrement au reportage al-Dura diffusé par France 2 le 30 septembre 2000. Même scène de rue. Même position de la caméra. Mêmes images parfois chaotiques. Mêmes questions légitimes. Même scénarisation filmée ciblant une sensibilité occidentale : registre lexical privilégiant les mots magiques tels "liberté". Même dramaturgie par voix off et bande son de rafales de tirs. Même story-telling réitérant des narratifs « clés-en-main », ou plutôt prêts-pour-diffusion-mondiale. Mêmes récits victimaires macabres et manichéens, sur un registre affectif universel – relations filiales tragiquement et injustement rompues par les « Méchants » (généralement les Yahoud, Juifs, Israéliens ou sionistes, parfois des musulmans membres d’autres courants islamiques) -, voire uniquement occidental (figures de la Mater dolorosa, de la Piétà). Mêmes saynètes filmées dans des rues arabes transformées en studios de cinéma, par des fixers – cameramen de médias occidentaux – ou par des professionnels de la propagande, grâce à une figuration cabotinant et présentées comme réalité à l’opinion publique fidélisée par un faux décompte macabre destiné à être gravé dans le marbre de l’Histoire, etc.
Faute d'avoir reconnu la pertinence des questions posées par le reportage "al-Dura" controversé, France 2 et CNN risquent de diffuser des images induisant des interrogations similaires.
De quoi nourrir la méfiance des téléspectateurs à l'égard des médias, notamment arabes (chaine qatarie al-Jazeera).
Aux téléspectateurs donc de demeurer vigilants et d'aiguiser leur esprit critique.
Pallywood, Libywood, Syriwood… Il s'agit là de professionnels de supercheries médiatiques, de clichés photoshopés, de saynètes mises en scène, réalisées et diffusées comme reportages réels par des médias d'information dans le monde.
Ces pros de la communication ont parfaitement conscience des sensibilités, occidentales et arabes, ainsi que des impératifs de médias occidentaux en (quasi-)continu et leurs sites web multimédias : alimentation ininterrompue en images, dans un domaine concurrentiel - course à l'audience - et avec un marché publicitaire déprimé. Aussi, ils leur fournissent gracieusement des images susceptibles d'attirer les téléspectateurs, de les garder accros à une actualité, car il faut vivre l'évènement en direct. De manière plus perverse, Pallywood fait embaucher par des médias ses cameramen.
Des journalistes d’al-Jazeera ont dénoncé la couverture biaisée et mensongère des émeutes en Syrie, Libye et au Bahreïn. Ainsi, un reportage d’al-Jazeera sur des « rebelles » libyens triomphant dans un lieu présenté comme le Green Square à Tripoli (Libye) a été filmé... dans un studio au Qatar.
Lors du printemps arabe, Bacharal-Assad a eu recours à Brown Lloyd James, agence américaine de relations publiques, à des spin-doctors, pour redorer son image. Parmi les résultats : un portrait flatteur d’Asma al-Assad, son épouse, illustré de photographies du célèbre James Nachtwey et signé Joan Juliet Buck dans Vogue (Une rose dans le désert, mars 2011). Devant le tollé, ce magazine américain a retiré de son site Internet cet article controversé.
Cette guerre médiatique est aussi émaillée de ratés. Le quotidien autrichien Die Kroner Zeitung a publié une photo truquée : le cliché original représente un couple syrien avec un enfant dans une ville ; au fonds originel, a été substitué un paysage de ruines.
Selon l’agence de presse publique syrienne SANA (Syrian Arab News Agency), une firme cinématographique qatarie réaliserait près de Doha (Qatar) des reportages sur des évènements censés se dérouler en Syrie : « On trouve dans la région d'al-Zoubayr, en banlieue de Doha, des maisons et des rues ressemblant à celles de Damas, de Lattaquié et d'Alep. À l'heure actuelle, cette région voit affluer des véhicules, dont des jeeps militaires avec des plaques d'immatriculation syriennes, ainsi que des lots d'uniformes syriens destinés à simuler les opérations des "troupes du régime de Damas"… Ces mises en scène seront utilisées par des chaînes de télévision arabes et occidentales hostiles à Bachar el-Assad pour déclencher une nouvelle vague de guerre médiatique et convaincre la communauté mondiale de la nécessité d'une intervention armée en Syrie ».
Qui dénonce ces fakes, ces "fauxtos" ? Qui découvre les oeuvres de Pallywood, Libywood, Syriwood ? Non pas les médias diffuseurs ou les autorités de régulations telles le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), mais la blogosphère qui exerce un cybercontrôle salutaire.
Lors de l'Opération israélienne Pilier de défense, des médias ont diffusé des photographies de blessés ou morts présentés comme des Gazaouis atteints par des frappes israéliennes. Or, il s'est avéré qu'il s'agissait de clichés ayant illustré le conflit en Syrie. Ces images recyclées de Syriens, blessés ou morts, étaient-elles authentiques ou mises en scène ? Des questions en mise en abyme... Vertigineux !
De narratif à l'Histoire
Il serait grave, voire dangereux, de mépriser ou négliger Pallywood, Libywood, Syriwood. Car ces Arabwoods dupent des journalistes, tous les maillons des médias - du correspondant au rédacteur en chef -, de l'agence de presse ou de photo au magazine, du media print à celui imprimé. Viendra le temps où ces Arabwoods auront du talent, et où nul ne décèlera leurs mensonges.
De plus, l'Histoire est en train de s'écrire, voire s'est écrite - et à partir de quand ? - à partir de narratifs douteux, ou de propagandes mensongères qui s'interposent entre la réalité - un jihad mondial menaçant l'existence du peuple juif, plus généralement des non-musulmans (chrétiens, hindous, etc.) et des musulmans modérés, ainsi que des démocraties occidentales (l'État d'Israël au premier rang) - et nous.
Par ailleurs, ces images visent à obtenir le soutien des opinions publiques occidentales auxquelles sont sensibles leurs dirigeants politiques. Elles offrent aussi une grille de lecture occidentale : soulèvement populaire contre un tyran, révolution pour la liberté, etc.
En outre, ces images anesthésiantes, voire léthales, diffament l'État d'Israël, et fragilisent la condition juive en diaspora. Car en arabe, les Israéliens ou les sionistes diabolisés sont appelés les Yaoud (Juifs en arabe).
Pour éviter que Pallywood, Libywood ou Syriwood déforment la réalité, il apparait crucial notamment de mieux former les journalistes, et d'accorder plus de temps et de contrôles aux vérifications indispensables et préalables. Ainsi, la BBC a diffusé en 2011 un reportage de liesse supposée se passer à Tripoli (Libye) après la chute de Kadhafi, alors que la scène a été filmée en... Inde. Les journalistes de la BBC commentant ces images n'ont pas reconnu les drapeaux indiens brandis par des manifestants indiens en Inde.
Il serait intéressant de déterminer ce qui relève de la propagande classique de ce qui révèle une taqiya, d’étudier les fabricants professionnels de ces propagandes - Qatar, Autorité palestinienne, Émirats arabes unis (EAU), etc. - et la responsabilité de médias dans la diffusion de supercheries médiatiques produites ou/et diffusées par des professionnels du journalisme ou/et de la communication politique.