Taghazout, dans le sud du Maroc, capitale d'hiver des surfeurs européens
"Après deux mois sans surf, ça fait du bien!": la combinaison retroussée jusqu'aux hanches, Baptiste rayonne comme le chaud soleil de cette fin décembre. Avec l'arrivée de l'hiver en Europe, la modeste bourgade de Taghazout, dans le sud du Maroc, se transforme en capitale des surfeurs.
En venant d'Essaouira, à un jet de planche de la grande Agadir, le ton est vite donné en parcourant la principale artère, grouillante, de ce village aux constructions anarchiques et décaties, au pied des derniers contreforts du Haut-Atlas. Se succèdent restaurants, snacks et surtout boutiques de surfs, dont la plus imposante trône au pied d'un minaret.
Taghazout, une petite Mecque pour les passionnés de la discipline?
"Les conditions en décembre sont parfaites: les vagues de l'hiver avec du soleil. Du coup, les surfeurs débarquent de partout, en majorité d'Europe", explique Mohammed, qui s'affaire à la réparation de planches.
Avec ses 24 degrés dans l'air et 19 dans l'eau, Taghazout offre des conditions quasi idéales pour tout surfeur en manque de soleil. Il peut aussi compter sur un aéroport international à proximité, Agadir, avec vols à bas coût.
La famille Cecille, originaire de La Rochelle, sur la côte Atlantique française, a justement atterri à Agadir. Mais pas question de rester dans cette station au tourisme cinq étoiles, clame-t-elle.
Le fils, Baptiste, 17 ans, s'enthousiasme: "ça faisait deux mois que je n'avais pas surfé, ça fait du bien!".
Tom, un trentenaire originaire d'Allemagne, fait lui la moue devant sa planche abîmée, séquelle "du transport en avion", soupire-t-il. Habitué des plages californiennes, il compare en connaisseur: "vagues plus petites, mais climat encore meilleur qu'à San Diego à la même période!".
A deux pas, Phil, Néo-Zélandais résidant à Londres, et Antton, un Finlandais, sont conquis. "En Europe, c'est sombre et froid en ce moment", dit Phil. A cinq heures du Vieux continent, il n'existe qu'une alternative, "les Canaries", et "c'est plus cher".
Projet d'hôtels de luxe
Rançon du succès, des utilisateurs de sites se plaignent de l'affluence dans l'eau. "Eviter les vacances de Noël (...). L'Europe entière est de sortie", écrit l'un d'eux sur allosurf.net.
Taghazout compte notamment de nombreux "surfs camps", formules avec cours et hébergement vendues par les agences de voyage, qui ont fleuri avec la montée en puissance de la discipline dans les années 90.
Mais la fréquentation dépend aussi des conditions de glisse, et en cette fin d'année les gros rouleaux ne sont pas au rendez-vous.
Sur la plage du village, où les planches côtoient les barques de pêcheurs, la houle suffit toutefois au bonheur d'Annet, une Allemande. Ce tourisme sportif donne du travail aux Marocains, comme Omar, un moniteur qui travaille pour les camps de surf durant la haute saison.
Celle-ci se termine vers avril, "ensuite il n'y a plus grand monde", selon Xavier Frédéric, un Français à la tête d'une pizzeria depuis 2005.
Sous les canisses, sa vingtaine de tables affiche complet, surtout avec le festival du surf qui s'est tenu du 28 au 30 décembre, une modeste première qui a permis à Mehdi Ouhabbi, son initiateur, de soulever quelques préoccupations sur l'environnement.
"En une journée, nous avons rempli plus de 200 sacs poubelles de détritus trouvés sur la plage", relève-t-il en désignant le monticule... au pied duquel coule un mince filet d'eau usée de la ville qui se déverse sur la plage.
"L'eau courante est arrivée il y a trois ans, mais aucun traitement des eaux n'est prévu", se lamente le jeune homme. Si les autorités locales évoquent le manque de moyens, "ça sent mauvais et dans l'eau les surfeurs ont les yeux qui piquent", dit-il.
A terme, "le village peut mourir", renchérit même Mehdi en allusion à la volonté des autorités de tirer parti de ce site d'exception avec la construction d'un vaste programme d'hôtels de luxe et un golf.
Un "village des surfeurs" est également prévu, et le gouvernement assure vouloir développer un "tourisme durable".
Pas sûr que les surfeurs, plutôt nature et bohêmes, y prennent goût.
Taghazout va-t-elle devenir une destination jet set et perdre son âme?
"Au départ, c'était juste quelques hippies", avance Marco, un Français au look de vieux marin qui y vit depuis 25 ans. "Maintenant ça peut devenir du gros business, une Côte d'Azur", juge-t-il.