L'agneau du sacrifice de Pessah
Dans parchat Bo (Chemot/l'Exode chap.12) la Torah énumère les différentes prescriptions concernant le korban Pessah, le sacrifice pascal, que jadis le peuple juif devait apporter la nuit qui précédait la sortie d'Egypte.
- Ainsi fallait il se procurer un agneau par famille et pour l'ensemble de consommateurs dès le 10 du mois de Nissan, c'est à dire 3 jours entiers avant l'acte du sacrifice qui allait avoir lieu seulement le 14 au soir.
- L'agneau devait être : ben chana, un ans, tamim, entier, zahar, mâle.
- on devait garder l'animal à l'intérieur des demeures jusqu'à la nuit du 14. (attaché au pied du lit...)
- Après l'avoir finalement abattu, il fallait appliquer du sang de l'animal aux montants de la porte et au linteau.
- Il fallait le préparer à la consommation rôti dans le feu ; il ne fallait surtout pas le consommer ni cru, ni bouilli dans l'eau mais exclusivement rôti dans le feu.
- Lors de la grillade, la bête devait rester entière ; interdit donc de le découper auparavant en morceaux.
- Il était proscrit d'en laisser jusqu'au matin ; tout devait être consommé la nuit même.
Plus tard à la fin de ce chapitre nous relevons encore deux autres prescriptions:
- la consigne de consommer toute la viande à l'intérieur d'une seule maison, sans en aucun moment faire sortir la viande de cette maison.
- l'interdiction de casser les os (même pour en retirer la moelle).
Ce korban Pessah est unique déjà dans le fait que c'est le seul sacrifice qui se faisait en dehors du Temple de Jérusalem. De surcroît, ici, il s'effectuait encore en Egypte, en plein pays païen! Quelle signification donner à toute cette multitude de précisions tout à fait particulières ?
L'Egypte était alors un pays d'idolâtrie. Pas question pour le peuple juif de sortir de là en traînant derrière lui la moindre forme de paganisme. Pas question d'emporter la moindre parcelle de culte de statues ou d'animaux. La seule et unique justification de la sortie d'Egypte était bien le perspectif que désormais il y aurait au moins un peuple sur terre qui consacrerait sa vie au D. unique!
Il fallait donc impérativement d'abord se débarrasser de toute 'poussière' et de toute reste d'idolâtrie qui pourrait encore subsister dans la vie du peuple juif.
Alors, à cette époque, l'idolâtrie par excellence des Egyptiens fut la culte du télé,l'agneau. L'agneau était la bête sacrée dans le pays, et jusqu'au toucher de l'animal était formellement interdit, à plus forte raison toute utilisation ou profanation de l'animal sacré!.
Quelle était l'attitude du peuple juif envers l'animal saint et tout ce qu'il représentait ? Ce peuple, à vocation divine, pouvait-il vraiment, soudainement, être complètement détaché d'une culte qui lui était imposée dans la vie de tous les jours pendant 400 ans ?
Il fallait donc absolument lui donner les moyens d'abord de réaliser et ensuite de prouver à lui même le détachement le plus total de tout avoda zara.
Ceci constituait l'essence du korban Pessah, du sacrifice pascal.
Et voici la démarche que D. choisit pour y parvenir.
D. estima qu'il fallait un acte extraordinaire qui engagerait dans cette voie de détachement. Quel acte mieux que de demander au peuple de carrément abattre le tout puissant symbole de l'idolâtrie. D. dicta le peuple juif d'égorger cet agneau aux yeux mêmes des Egyptiens. Certainement pas en tant qu'un acte de provocation mais seulement pour permettre aux Juifs de s'affirmer pour eux mêmes comme des êtres qui n'ont strictement aucune affinité avec toute la culte païenne.
C'est ainsi que l'acte devrait être exemplaire, sans la moindre ambiguïté. Et ce n'était sûrement pas clandestinement qu'il fallait agir! Des le 10 du mois on allait réquisitionner à ce fin tous les agneaux et brebis du pays. Cela ne manquerait certainement pas à susciter la curiosité des Egyptiens. Il allait donc falloir s'expliquer, savoir répondre et surtout être sur de soi! On allait prouver ; c.à.d. prouver à soi même. Soyons toutefois bien lucides, les Egyptiens resteraient sans doute à l'affût pour suivre la suite des événements...
Prenez l'animal jeune, ben chana, en pleine vigueur, car une vieille bête aurait pu être interprété comme un acte d'élimination. Tamim, parfait et sans défaut et zahar, mâle, représentant la virilité. Bref, les animaux de choix incarnant la puissance de l'idolâtrie devaient être abattus pour mieux faire ressortir justement leur impuissance...
Ensuite, après l'abattage, pas possible d'aller vite cacher l'acte compromettant. Le sang de l'animal devait être bien appliqué, visiblement comme acte d'affirmation, aux montants et au linteau de la porte. Uniquement dans ces conditions pouvait on plus tard jouir de la protection divine.
On aurait encore toujours être tenté de dissimuler l'acte dramatique et de réduire l'effet au stricte minimum : par exemple en mangeant la chair cru pour ne pas attirer l'attention des Egyptien par l'odeur de cuisson. Ou, du moins, de cuire la viande dans une marmite bien fermée pour que l'odeur trahissante ne s'échappe point. Or, la Torah prescrit justement de rôtir l'animal, la procédure qui dégage le maximum possible d'odeur...
Pour ne pas contrarier les idolâtres du pays il aurait peut être été sage, lors de la grillade, de découper la bête en morceaux pour dissimuler que c'était en effet vraiment l'agneau qu'on avait abattu - la Torah précise qu'il faut rôtir l'animal en entier de tête aux pieds sans aucune découpage...
Et même une fois la consommation d e la chair du korban finie, la Torah n'autorise point de briser les os, ce qui aurait tout de même permis à faire croire encore aux Egyptiens que ce n'était pas leur idole qui se trouvait profané devant leurs yeux...
De même que la Torah interdit rigoureusement de sortir l'animal de la maison pour aller le manger discrètement ailleurs à l'abri de la vue des habitants du pays.
Pensons à certaines personnes qui veulent bien être Juifs à l'intérieur de leur foyer mais dans la rue ou au travail préfèrent être perçues comme des non-Juifs...
Etre Juif signifie d'être engagé. Non point en tant que militantisme mais pour être clair avec soi même et pour être clair avec son entourage.
Une fois de plus : il est tout à fait contraire à l'esprit de la Torah de chercher être provoquante. L'enjeu dans toute cette mitsva du korban n'est en aucun instant les Egyptiens. Les païens et les idolâtres sont, pour le dire ainsi, aux yeux de la Torah tout simplement 'hors jeu'. C'est le peuple Juif, et lui seul, qui est concerné ici ; ceux qui souhaitent servir le D. unique et seulement Lui!
Chaque membre de ce peuple doit clairement savoir où il en est dans sa vie, sans hésitations, sans ambiguïtés et sans compromises. La condition sine qua non d'appartenir à ce peuple et d'avoir un sens dans la vie et de renier à toute expression idolâtrie, non seulement théoriquement mais surtout pratiquement. C'est cela la lecture de ce chapitre.