« Violez-la ! » : le conseil du bon Dr Aldo Naouri
Dans son dernier livre, le pédopsychiatre fait – entre autres – l’apologie du viol conjugal. Une provocation qui ne fait pas rire grand monde.
Il a fini par en faire un argument de vente, incarner « le » pédopsychiatre réac. Depuis trente ans, il vante les mérites de l’autorité dans l’éducation des enfants, insiste sur le rôle du père supposé l’incarner, dénonce la toute-puissance et la nocivité des mères, incestueuses par nature, et conspue la société adulescente et narcissique que nous fabriquons chaque jour en renonçant à ces principes.
Et on a fini par s’y habituer puisque l’époque, en manque de repères dit-on par facilité, a fait d’Aldo Naouri une redoutable machine à best-sellers éducatifs, avec l’empressement des médias friands de ces bons clients aux discours simples à régurgiter.
Dans Prendre la vie à pleines mains, qui vient de paraître chez Odile Jacob, il se confie à la journaliste Emilie Lanez et raconte sa propre enfance.
L’épopée bouleversante d’un gamin né orphelin de père en 1937, dernier d’une fratrie nombreuse.
Il grandit dans le dénuement le plus total au sein de la communauté juive de Benghazi, en Lybie, avant d’émigrer en Algérie française pour être finalement repoussé sur l’autre rive de la Méditerranée, jusqu’à Paris où il fit ses études de médecine.
Un parcours comme la méritocratie n’en permet sans doute plus aujourd’hui. Mais rangez les mouchoirs.
Car le bouquin contient aussi quelques grands principes d’éducation et d’épanouissement du couple moult fois rabâchés, parmi lesquels une grotesque apologie du viol conjugal.
En parlant des mères qui ne font plus l’amour après la naissance de leur bébé, le pédiatre retraité évoque une consultation où il intima à un père devant sa femme : « Violez-la ! » Le magazine Elle, qui assure la promo du livre avec une longue interview « intime et bouleversante », s’en émeut.
« C’est choquant, convient Elle : le viol, y compris conjugal, est un crime condamné par le code pénal. » « C’est évidemment une provocation ! » répond Naouri.
J’étais devant un homme qui me disait : « J’en crève mais j’attends qu’elle veuille.» Sa femme le regardait sans rien dire. J’ai dit en exagérant : « Violez-la ! C’était excessif mais c’était une manière de dire : allez-y, foncez, ça viendra bien ! D’ailleurs, à ces mots le visage de la femme s’est illuminé. »
Et hop, circulez, on passe à autre chose, question suivante !
Aux yeux du vieux pédiatre, l’absence de consentement n’est pas un frein mais un encouragement ; le viol n’est pas un crime mais un coup de pouce salutaire à la sexualité du couple quand madame fait la fine bouche ; et, petite touche joyeuse, la victime qui n’en est pas une sera reconnaissante du passage en force !
Les visages qui ne se sont pas illuminés à cette lecture ont lancé une pétition sur le site A Contrario, demandant le retrait de ces propos et les excuses conjointes d’Aldo Naouri et de la rédaction du magazine Elle, coupable de ne pas avoir relancé le bonhomme.
Pour un peu, on aurait stoppé la lecture du livre à ce chapitre faisandé ; et c’eût été bien dommage.
Car le silence que le chantre de l’autorité paternelle veut« tonitruant » sur la question du mariage homosexuel, par exemple, est rompu à quelques pages de la fin.
Ce qui lui permet de brasser, loin de toute vérité factuelle, les concepts de « parent 1 » et« parents 2 » qui n’ont jamais figuré dans le projet de loi pour en tirer l’injonction ironique (p. 145) à « être prudent [quand on s’adresse à quelqu’un], au cas où la dame se sente monsieur ou l’inverse. »
Envoyant bouler dans la caricature barjotienne l’exigence scientifique qu’on pouvait espérer aller de soi dans l’apprentissage de la médecine, Naouri s’interroge sur le « mariage pour tous » : « Devra-t-on s’étonner qu’un jour ce « pour tous » réclame d’être mis en œuvre : père-fille, frère-sœur, mère-fils, etc ? »
Avant de fracasser le point Godwin en moins de 2 pages : « Ces bouleversements du langage se mettent au service d’une répression qui avance masquée, [comme l’a montré Klemperer]qui a montré [la répétition est de l’auteur, désolée] combien les modifications qu’on a fait subir à la langue allemande ont largement contribué à convertir au nazisme l’ensemble du peuple allemand. »
Avec des arguments qui contribuent à ce point à élever le débat, on ne peut s’empêcher de regretter le « silence tonitruant » dans lequel prétendait se draper Aldo Naouri. Il nous cassait moins les oreilles.