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Good Bye Sir Edmond - Requiem pour un Brave

                                           

Le sens de la vie est dans le combat et non dans la victoire.                                 

 

 

Il y a sept ans déjà.

 

Mon petit frère Edmond Mimoun Assouline. zl. affrontait une Maladie traître et impitoyable.

La Maladie de Charcot.

C’était un jeune homme de 48 ans, en parfaite santé.

Des les premier jours, il avait montré un courage hors du commun, un courage que je ne lui connaissais pas, face a ce qui l'attendait maintenant.

Il avait fait toutes les recherches possibles sur cette maladie orpheline qui touche n'importe qui, n’importe quand, et sans aucune raison apparente. Et elle l'avait touché a lui, malheureusement.

Et il réalisait que pour lui, la nuit était venue plus tôt que prévue.

Ce qui l'attendait aurait effrayé n'importe quel être humain, mais lui n'aura pas peur. Pas lui.  Il savait que c'était une maladie sans traitement, sans remèdes, sans rémission possible, sans sursis, sans miracle, sans espoir. et surtout, sans pitié.

Avant tout, il savait qu'il ne pourrait plus rêver car son futur venait de s'arrêter.

Il savait aussi que cette maladie lui volerait, inexorablement, son corps au fils des mois.

Elle en ferait une cage, mais, elle lui laisserait, en guise de revanche perverse, l'esprit clair et lucide, et pour bonne mesure, elle le garderait conscient et alerte jusqu'au bout du bout de la nuit.

Il fallait d'abord qu'il perdre l'usage des bras et des mains.

Il ne pourrait plus, alors, se nourrir, se gratter, s’empêcher de tomber, se brosser les dents, se laver, se moucher, ni sécher ses larmes, ou pointer du doigt, ou même le lever.

Ensuite, un peu plus tard, il ne pourrait plus marcher, se lever, s'asseoir, ou se tourner dans son lit, si il était un peu inconfortable.

Puis, les muscles du diaphragme ne fonctionnerait plus, et il aurait du mal a respirer. Ceux du cou s’atrophieraient aussi.

Quelques mois plus tard, il perdrait la voix et la parole et il ne pourrait plus jamais dire je t'aime, ou j'ai mal, ou reste avec moi, ou vas t'en, ou pardonne moi, ou je ne veux pas mourir.

Et, si ça condition devenait intolérable, il ne pourrait plus en finir non plus. Il n'aurait plus les mains pour le faire, ni la voix pour le chuchoter a un proche.

Il perdrait toute sa dignité devant des étrangers, qui bousculeraient son corps, et son intimité.

Puis, plus tard encore, il ne pourrait plus avaler, goûter, ravaler sa peine et même respirer. Et la mort serait proche alors.

Ce qui attendait Edmond, en fin de compte, et chaque chose en son temps, c’était la souffrance, l'indignité, la mort, et les putains d'aiguilles dont il avait horreur, en plus.

Et maintenant, il lui fallait de l'aide. Il avait des nurses.

Elles étaient neuf en tout, et se relayaient par tranches de huit heures, vingt quatre sur vingt quatre, sept sur sept. Elles venaient toutes des Philippines, dévouées, et courageuses aussi.

Il fallait l’être. Leur travail était dur et lui n’était pas facile. Il donnait ses ordres et il fallait que tout soit organisé et bien fait . Un vrai petit Tyran.

Edmond était un poids mort, si je peux me permettre de dire ça.

Il fallait être a deux, ou des fois a trois, pour le préparer le matin, et çà prenait des heures.

 Au tout début, une d'elles s'était sacrifiée a lui. Je le savais et je le surprenais parfois avec son petit sourire coupable et ses yeux pétillants. Elle savait qu'elle n'avait rien a craindre de lui..

 Il n'allait pas l’étrangler, ou lui donner la fessée, quand même, comment pourrait il ?? En tout cas ce n’était pas un muscle, donc la maladie ne pouvait pas y toucher. La nurse, oui.

Il vivait sa douleur tous les jours, depuis des mois, et ne se décourageait jamais.

Et au fur et a mesure que sa nuit approchait, sa dignité et son courage, nous émerveillait tous.

Je passais la plus part de mon temps chez lui, j'amenais ma chienne, mes cigarettes, ma peinture.

On passait nos après midis dans son jardin a écouter les Tehilim (psaumes de David) et Aznavour.

Sa chanson préférée était Somewhere over a rainbow, de Louis Amstrong

Les abeilles se posaient sur les rosiers que lui même avait planté.

Elles, qui l'effrayaient dans le passé, ne le dérangeaient plus. Au contraire.

Tout comme les petits moucherons ou autres petits insectes qui venaient parfois se reposer sur son front. Il ne pouvait rien y faire et je les chassais pour lui.

Il observait les écureuils danser autour de ce figuier dont la récolte avait toujours été réservée pour son père adoré, Jacob, qui nous avait quitté quelques mois plutôt a l'age de 96 ans.

Il me demandait si j'avais une idée de ce qu'il y avait de l'autre coté. Je disais qu'il y avait son frère et son père, et qu'ils l'attendait. (Il aurait fallu une meilleure réponse, que je n'avais pas).

D'autres fois, je lui disais que la mort n’était qu'une transition vers un autre réalité. Que ce n’était finalement qu'une porte a franchir vers un monde diffèrent et sûrement meilleur.

(Je n'en n’étais pas convaincu non plus). Il se calmait alors et regardait le ciel.

Rabbi Haroche, un Rabbin comme il en faudrait un peu plus de nos jours, dans ce monde fou a lier, me disait qu'il ressortait de ses visites avec Edmond un homme changé, complètement inspiré.

 Et, bien qu'il soit venu réconforter Edmond, c’était lui qui était le bénéficiaire de ces rencontres.

La Famille et les amis avaient tous un rôle bien déterminé, et j'ai vu beaucoup de courage et de sacrifices chez chacun d'entre eux. ils menaient leur tache a bien tout en sachant que la cause était perdue d'avance

C'était moi qui avais le plus beau rôle. Préposé aux conneries et aux blagues. Et je prenais ce rôle au sérieux car il était, a mes yeux, très important.

Il fallait alléger l’atmosphère coûte que coûte .

Vers la fin, j'ai du arrêter les blagues car cela devenait trop dangereux de le faire rire.

Mais j'ai continué a déconner!

Un jour, Sir Edmond, comme les nurses l'appelaient, avait fait savoir, qu'il avait prit sa décision.

Il passerait a la Morphine dans les jours qui suivaient.

Il étouffait. Plus aucun muscle ne fonctionnait.

Il ne pouvait plus avaler, pas une seule goutte d'eau.

Le moment était venu. il arrêtait le combat.

Un combat qu'il menait depuis longtemps et a chaque seconde.

Il allait donc dire au revoir a tout son monde avant de perdre sa lucidité sous l'effet de la drogue.

 Ce jour là, toutes ses Nurses étaient chez lui, toutes mignonnes dans leur tenue blanche.

Il y avait beaucoup de gens dehors dans le jardin. Elles organisaient les allers et les venues.

 La famille, les voisins, les amis.

Et il leur avait alloué 10 minutes a chacun.

C’était déchirant. Plus même. C’était intolérable.

Si, au moins il était inconscient, ou même semi comateux... Non.!

Sa tète était claire comme une eau de source et ses yeux vous regardaient jusque dans l’âme.

 Il y avait deux infirmières et moi dans son salon.

Il était habillé impeccablement, comme chaque jour, assis dans sa Rolls Royce de fauteuil.

 Un vrai petit tank que mon frère dirigeait avec des mouvements imperceptibles de la tête. 

Rasé, les joues roses, le sourire constant, les yeux verts, perçants, inquisiteurs, doux et tristes a la fois. Beau gosse, Tom Sellek craché (magnum P.I) . Je ne déconne pas.

Il n'avait rien de quelqu'un qui allait mourir dans les jours a venir, au contraire, on aurait dit qu'il s’apprêtait a sortir quelque part.. Et il s’apprêtait.

Cet homme, dont j’étais fier d’en être le frère, que la souffrance n'avait pas pu briser même si son corps l’était.

Cet homme était debout. Debout face a la mort.

On communiquait avec un alphabet. Et il était devenu très habile. C’était notre seul moyen.

Un peu comme dans le film la cloche et le scaphandrier, sauf que le film est sorti bien après

et leur méthode plus sophistiquée que la notre.

Je prenais mon alphabet, l’infirmière son calepin et, vas y.!

A...B...C...J.....T. !   quand j’étais arrivé a la bonne lettre. Il clignait une fois des yeux

Et si je m'étais trompé, ou bien j'avais dépassé sa lettre, il les clignotait deux fois.

Tout ça pour dire je t'aime, pour dire Adieu, pour demander pardon avec les yeux en larmes et le cœur meurtri.

Au bout de presque quatre heurs de visites, j’étais épuisé, vidé. Et lui alors?!

Vidé. Un peu comme aujourd’hui pendant que j’écris cette belle histoire et je pleure une larme.

Puis c’était a mon tour. Dix minutes pour deviner qu'il me donnait la bague de mon Père, et un peu plus pour comprendre qu'il voulait que je la mette.

Je l'avais fourré dans la poche, comme un con.

Je ne parlais plus. Il n'y avait rien a dire. J'aurai voulu l'accompagner, si j'avais pu.

C’était un autre frère qui partait et celui là me fixait de ses yeux tristes et impuissants.

C'est peut être une bénédiction qu'il ai pu dire au revoir, remettre les pendules a l'heure, préparer son départ, l'accepter, et par conséquence, être parti en paix.

Le 31 décembre, je lui ai amené le tout premier tableau que j'avais peint (chez lui).

Je l'ai accroché sur le mur devant son lit. Un tableau abstrait, et plutôt médiocre mais les couleurs et reflets rappelaient la vielle ville de Jérusalem.( il n'y avait jamais été)

Et je lui ai dit, et c’était vrai, qu'une fois, juste avant l'aube, du 11éme étage du King Solomon, les fenêtres ouvertes et assis sur mon lit, j'ai vu des âmes qui flottaient au loin, au dessus de la vieille ville et, parmi elles, l’âme de Félix notre frère.

Il me regardait, immobile dans ce corps qui était devenu sa tombe.

Les larmes coulaient paisiblement le long de ses tempes. Il était en paix.

C’était pour le lendemain d'après ses calculs et ceux de l'hospice.

Ils étaient tous parti chez eux dormir un peu, (comme si ils avaient pu).

Il y avait son infirmière favorite, Annabelle, avec lui dans la chambre.  Et moi.  Il dormait.

Il faisait très froid cette veille de jour de l'an. J’étais sorti dans le jardin. Je fumais.

Ma grande chienne Gigi, toujours a mes cotés.

Elle avait senti quelque chose, elle qui ne bougeait jamais pour rien.

Elle s’était dressée sur ses pattes et me regardait.

Je suis rentré a l’intérieur. Les petits microphones placés a travers la maison m'indiquaient que sa respiration avait changé.

J'ouvrais la porte de sa chambre en même temps qu'Annabelle se levait de son fauteuil.

Je me rappelle très bien. Elle avait fixé ses yeux dans les miens.

On savait que le moment qui nous faisait peur était venu.

Elle s'affairait a prendre ses signes vitaux pendant que je commençais a faire le Chemah.

Ca n'a pas duré longtemps, quelque minutes. Puis elle m'a regardé . .C’était fini.

 Elle est sortie en larmes pour appeler les sœurs. je suis resté là, seul avec mon petit frère.

Son visage était devenu paisible.. Je ne l'avait jamais vu aussi beau

Il était beau et en paix. Il dormait.  Et ll n'avait pas eu peur, pas une seule fois.

Son voyage au bout de la nuit était terminé. Et il avait mené un digne et courageux combat.

Le lendemain matin, les sœurs avaient été chez ma mère, pour la préparer et lui annoncer que son autre fils venait de mourir.

Elle leur a dit qu'elle le savait déjà. ( harfta!)

De tous, c’était la plus stoïque pendant les funérailles.

Toutes ses nurses étaient là, même les plus anciennes, et chacune d'entre elles, avait déposé une rose blanche sur sa dépouille, en disant ces mots simples; Des mots qu'elles lui avaient dit mille fois.

-Good Bye Sir Edmond, chacune d'elles répétait. Good Night Sir Edmond.

Un très beau Sefer Torah, a son nom, est posé a la Synagogue Baba Salé a Los Angeles

Je pense que, si la vie d'Edmond a été quelque peu normale ou ordinaire,

Sa souffrance, sa dignité et son courage devant la Mort ne l'ont pas été.

J'étais là, en témoin. Il était debout.

                       

Good Bye Sir Edmond.!

 

 

Victor Ihyia  Assouline.

victorassouline48@gmail.com

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