Juifs en terre d’islam
Le statut de dhimmi
Omar, calife de 634 à 644 est le premier à affronter des colonies importantes de chrétiens et de juifs à qui il décide d’accorder son hospitalité et sa protection.
Cette décision s’exprime sous la forme d’un contrat indéfiniment reconduit, la dhimma, à condition que les bénéficiaires, les dhimmi respectent la domination de l’islam.
Un contrat sous domination
• Le concept de dhimma qui s’applique aux juifs et aux chrétiens stipule un comportement de soumission envers les musulmans. Les dhimmi doivent respecter toute une série d’interdictions : ne pas porter d’arme, ne pas chevaucher un cheval, ne pas construire de nouveaux lieux de culte, ne pas élever la voix lors de cérémonies ou ne pas ressembler aux musulmans dans leur habillement. Toutefois, les dhimmi conservent leurs droits internes et peuvent toujours avoir recours à leurs tribunaux. Le droit de résidence des juifs n’était pas limité en principe mais il reste que le séjour dans les villes saintes leur étaient interdit. Certains juifs finissent donc par disparaître de la péninsule arabe à l’exception du Yémen.
••• Une étape supplémentaire est franchie lorsque les conquérants arabes s’enracinent dans leurs conquêtes et que le contact avec les dhimmi devient permanent. Il leur est alors interdit de construire des maisons plus hautes que celles des musulmans, de prendre des noms et des titres arabes, d’étudier le Coran et de vendre du vin aux vrais croyants. Ils ne peuvent pas non plus faire partie de la fonction publique, ce qui ne les empêche pas de conserver ou de conquérir, notamment en Egypte et en Espagne, une place importante dans la haute administration et plus particulièrement dans les finances.
L’aggravation des restrictions
• Le morcellement de l’Empire musulman et l’apparition de nouvelles élites ont des répercussions au sein des communautés juives. Dans l’Egypte des Mamelouks du XIIIe et XIVe siècles, de nouvelles règles aggravent le statut de dhimmi : les juifs doivent désormais porter comme les chrétiens une coiffe particulière, en l’occurrence jaune pour être plus aisément reconnus. En 1354, les juifs doivent également porter un anneau métallique distinctif dans les bains publics et les femmes s’envelopper d’un tissu de couleur pour sortir de leurs maisons.
• Le principal tribut que doivent verser tous les dhimmi, en contrepartie de la protection et de l’hostilité est la djizia. Il est sans doute payé en nature à l’origine mais est rapidement transformé en capitation, ce qui suffit à démontrer l’état de subjugation auquel était soumis celui qui était assujetti. Les persécutions des dhimmis sont rares au cours des premiers siècles de l’islam et ce n’est qu’à partir des derniers siècles du Moyen-Age qu’un raidissement est noté. La dhimmitude fait partie de la vie quotidienne des pays arabes jusqu’à l’époque moderne. Les juifs semblent s’en être mieux accommodés que les chrétiens : ces derniers ont disparu de plus d’un pays où les juifs réussissent à se maintenir comme en Afrique du Nord.
Source : Le monde sépharade, Civilisation (volume II), sous la direction de Shmuel Trigano, Le statut des juifs en terre d’Islam, essor et disparition de la dhimmitude par Simon Schwarzfuchs, pp 25-37 (Seuil, 2007)