Le château ‘Castello Real ’
Par Omar LAKHDAR
Dans sa pièce :” Le soulier de satin”, un drame historique, catholique et mystique, qui mêle le lyrisme du drame amoureux aux interventions du surnaturel et aux scènes comiques, le dramaturge Paul Claudel nous écrit :
“ Il n’y a qu’un certain château que je connaisse où il fait bon d’être enfermé... Il faut plutôt mourir que d’en rendre les clefs, c’est Mogador en Afrique.”
Ce château portait le nom de Castello Real, bastide fortifiée bâtie par les Portugais en 1505, au temps du roi Emmanuel II du Portugal, sur un îlot en face de Dzira Sghira, qui porte actuellement la jetée ouest du port d’Essaouira. Le document représentant cette fameuse bastide qui a disparu complètement a été dessiné en 1641 par le peintre Hollandais Adriaen Matham, lors de son séjour dans la rade de Mogador du 8 au 23 janvier 1641( Fig. 1). Dans son journal, Il avait décrit les lieux et les gens qui y vivaient. D’après ce qu’il avait constaté, il est loin d’être du même avis que Paul Claudel pour s’y enfermer…
Ce fort historique d’une dimension approximative de 40mx30 avait permis de signaler pour la première fois sur les cartes de l’époque le site d’Amagdoul qui prit le nom de Mogador. Beaucoup d’erreurs ont été commises en ce qui concerne l’emplacement de ce Château. On a souvent confondu sur les cartes et les documents actuels, les ruines de Borj El Oued dit aussi Borj El Baroud, situé à l’embouchure de Oued Ksob avec Castello Real. Le nom de Souira ou Tassort, connu bien avant la fondation de la nouvelle ville en 1764, est le diminutif féminim de sour désignant: mur, enceinte, rempart, faisant référence aux ruines du petit château Castello Real, abandonné par les Portugais en 1510. Dans les guides et dans la plupart des revues touristiques, Essaouira perd souvent son étymologie véritable d’‘enceinte’ pour devenir “ la joliette “ ou “ la bien dessinée”, faisant référence à la conception de la ville d’après un plan architectural établi par Cournut en 1769.
Sur la Porte de la Marine à l’entrée du port de la ville, sont sculptés des motifs architecturaux en relief encadrés par les chapiteaux, et disposés sur la partie supérieure de l’arcade de la porte. On y trouve six rosettes dites ‘ rosettes de Mogador’ au milieu desquelles viennent se placer trois croissants alignés avec les cornes orientés vers l’Est (fig. 3). Plusieurs interprétations des plus fantaisistes sont fournies aux touristes pour expliquer l’origine de ces croissants. D’autre part, rares qui parlent ou connaissent ce fameux château Castello Real !Il est à signaler aussi, que Castello Real est occulté aussi dans le fameux recueil d'histoire du Maroc " Al Istiqsaa". C’était le colonel de Castries qui publia pour la première fois l’existence de ce fort dans la collection des Sources inédites de l’histoire du Maroc.
Sur la figure 2, un extrait d’un plan ancien, on remarque un pavillon de forme triangulaire, hissés sur la tour de la forteresse portugaise de Castello Real, premier édifice dans la région. Le pavillon avec trois croissants alignés était le pavillon du port de l’île de Mogador. C’était le pavillon maritime des Corsaires de Salé. Les pavillons maritimes dits ‘ Barbaresques’ dérivent, pour la plupart, des enseignes de la flotte ottomane avec des croissants blancs ou jaunes diversement disposés. L’origine des croissants adoptée par les Turcs est issue de l’histoire suivante :
- En l’an 339 av. J.-C., Philippe de Macédoine assiégea la cité qui devint plus tard Byzance. Ses hommes escaladèrent les murs dans l’obscurité, et les défenseurs, incapables de distinguer les amis des ennemis, étaient sur le point d’être submergés quand soudain la lune, à son dernier quartier, sortit des nuages. A sa lueur, les défenseurs sauvèrent la cité et le croissant devint l’emblème de la ville de Byzance. Quand Mohammed II prit Constantinople en 1453, il adopta le croissant sur sa bannière rouge et le croissant devint le symbole de l’Empire turc. Selon une autre interprétation, le croissant, fut utilisé plutôt encore par les Turcs qui, au XIIe siècle, au cours de leurs luttes contre les Chinois, portaient sur leurs bannières une demi-lune qui paraissait être une réminiscence du culte des astres qu’ils professaient avant de se convertir à l’Islam.