BEN ELISHA : L’enfant miraculé
L’histoire des origines d’une famille juive de la communauté de Mogador
Par Omar Lakhdar
C’est l’histoire de Moshé Ben Elisha, un nourrisson, miraculeusement sauvé d’un massacre organisé de toute sa famille. Cependant, sa mère qui l’allaitait encore, réussit à le glisser sous une cuve en terre cuite servant à pétrir le pain et rouler le couscous, avant de mourir sauvagement assassiné par les gardes du roi. Adopté par son oncle maternel Juda Attar jusqu’à son âge adulte, il eut une fille qu’il prénomma Messoda. Selon des révélations historiques, conservées précieusement par un membre de la famille Belisha de la communauté juive de Mogador, Messoda Ben Elisha serait identifiée à Lalla Messa’ouda, mère ou nourrice du sultan Ahmed El Mansour Ed-Dehbi. Elle occupa une place de premier rang à la cour de son fils qui régna de 1578 à 1603. Cette histoire fantastique débuta, lorsque l’épouse du Sultan Mohammed Ech-Cheikh, la sultane Erkia, affaiblie par sa santé délicate, et un accouchement effectué lors d’évènements dramatiques, confia avant de mourir, son bébé à son amie, Messoda Ben Elisha, qui lui jura devant Dieu de l’aimer et de le défendre comme s’il était son propre fils. A partir de ce jour, Messoda se consacra entièrement à l’enfant royal qui fut prénommé Ahmed. Ce dernier devint plus tard le sultan Ahmed El Mansour Ed-Dehbi, le prestigieux souverain de la dynastie saadienne.
Au temps de Ahmed El Mansour, peu de chroniqueurs arabes de l’époque ont été tentés de parler des origines de Lalla Messa’aouda, et les très rares qui savaient, se gardaient d’ouvrir la bouche de crainte de perdre la vie. Mais son fils, le roi ? A la mort de Lalla Messa’ouda en 1591, la reconnaissance, l’affection et la vénération qu’il ressentait pour une femme qui l’avait couvé, protégé et nourri de son sein, ne lui avait pas fait perdre la mémoire; il la fit enterrer dans une koubba, à côté de son père et son frère Abdallah ben Mohammed Ech-Cheikh, dans un espace raffiné: marbres de Carrare, bois de cèdres, dorure, zelliges, sculptures de dentelle sur plâtres, arabesques … le tout est décoré avec une grande finesse dans l’exécution. Lalla Messa’ouda et son fils Ahmed El Mansour nous donnent donc une vraie leçon de tolérance, d’amour et de respect entre deux communautés qui avaient marqué l’histoire du Maroc.
Le nom Belisha, est chargé de mythes et d’histoire mais peu investi par les chercheurs... ce qui autorise un regard de dilettante. Le nom de cette famille emprunte pour nous les méandres du patronyme Belisha depuis le XVème siècle jusqu’à nos jours. Des personnages hauts en couleur défilent: le Patriarche Moshé Ben Elisha, les prestigieux souverains sa’adiens Ahmed El Mansour Ed-Dehbi et son père Mohammed Ech-Cheikh, la belle Donna Mencia, fille du gouverneur espagnol de Santa Cruz, la dynastie des Palache, et enfin, Leslie Hore-Belisha, premier et dernier baron Hore-Belisha, arrière-petit-fils de Messod David Belisha de Mogador et ministre de la Guerre du Royaume-Uni en 1939...
Dans ce parcours, nous découvrons des lieux mythiques : Marrakech et les fameux tombeaux sa’adiens, la Qoubba de Lalla Messa’ouda, le cimetière Beth Haïm au Pays-Bas où est enterré un hôte illustre, Samuel Palache ou Balyach, (altération du nom Belisha), ambassadeur déchu des Sultans sa’adiens, ayant souffert des vicissitudes des relations mouvementées du Maroc avec les puissances de l'Europe conquérante du début du XVIème siècle. Présenté sur la couverture de l’ouvrage, Samuel Palache est identifié à ‘L’homme Oriental’ de Rembrandt et ne serait autre que le petit-fils de Moshé Ben Elisha, l’enfant miraculé, le titre de cet ouvrage.
N.B. Disponible à Essaouira (à partir du 10 février) à la galerie Aïda (Joseph Sebag) T. 0524476290
Librairie La Fibule T. 0524476790
Essaouira, Place Moulay Hassan