La femme Marocaine parfaite
Le célibataire casablancais est un peu torturé entre « tradition et modernité », comme dans les communiqués de presse qui présentent une énième créatrice de caftan. Il est tiraillé entre la recherche d’une deuxième maman et le fantasme de Doutzen Kroes. Il s’auto-déclare « modéré » (dans quoi ? va comprendre) et « ouvert d’esprit » (de 9h à 21h comme Carrefour Market) parce qu’il a fait des études, peut-être même à l’étranger, et qu’il regarde LCI sans sous-titres. Il est à la recherche, quand il recherche, car il peut se contenter de profiter de sa position de jeune premier en cumulant les conquêtes éphémères, d’une femme créée sur logiciel mental fortement influencé par des chimères en djellabas fendues. Bref, il recherche frénétiquement quand sa maman lui dit qu’il est temps « de se caser », qu’il a « 30 ans c’est l’âge mon fils », « ewa, tu vas pas te marier ou quoi ?« . A ce moment là, il se met à rêver d’une créature qui serait aguicheuse comme Sina lumières éteintes et uniquement avec lui, pieuse comme Mayssa, talentueuse comme Choumicha et gaulée comme Heidi Klum avec qui il pourrait stimuler le taux de natalité de la mère patrie, avec en premier un digne descendant mâle.
Ci-dessous donc, liste des exigences masculines à cumuler pour espérer un jour pouvoir sortir fièrement devant 350 personnes dont 89 cousins éloignés (qui attendent le repas avec impatience), dans un caftan de 145 kilos, brandie par quatre types au bord de l’apoplexie, sur l’3mariya, votre maman en larmes convaincue d’avoir accompli son oeuvre.
1. Etre une bent’nass. Traduction littérale, « fille des gens ». C’est assez logique tu me diras d’être la fille de gens, on voit pas trop par quel miracle biologique tu serais la fille d’autre chose que de « gens ». A moins que tu ne sois la fille de personne, ou d’un couple de tigres, et là merci de t’adresser à J.J Abrams qu’il en fasse une série fantastique. En clair, tu dois être une fille respectable par ta généalogie. Une fille de « gens biens », connus, respectés, riches, ça serait un bonus non négligeable. Une fille de bonne famille. C’est comme les labels alimentaires, ça garantit ta qualité de femelle, en tant que « fille bien ». Juste parce que tes parents et tous tes ancêtres ont bonne réputation. Notion bien floue mais fort tangible.
2. Etre vierge. De quelque chose. Vierge de tous scrupules à prétendre que « non jamais tu n’as vu la bête ». Cette formulation n’est pas un mensonge si effectivement les cabrioles inauguratrices ont eu lieu dans le noir, effectivement tu n’as pas vu. Même si effectivement l’hymen a déjà pris l’air, il faut donner l’impression, candeur et timidité à l’appui, que tu es novice. Il doit être le premier de quelque chose, pour caresser dans le sens du poil son côté conquérant. L’homme c’est Christophe Colomb, il veut être le premier à s’approprier quelque chose (c’est toi la chose). Même si c’est le premier à te faire découvrir le missionnaire parce qu’avant tu n’as pratiqué que la levrette c’est pas mal. Affirmer » oh c’est la première fois que je fais ça », ou « c’est la première fois que je cède aussi vite », ou « c’est la première fois que je ressens ça », ou encore « c’est la première fois qu’on m’effleure le téton après le dixième rendez-vous ». On est toujours vierge d’un truc, comme un .docx
3. Avoir fait des études. Il ne veut pas d’une inculte, c’est ça l’homme moderne, même s’il adule sa grand-mère qui ne sait pas lire. Il est élitiste, HEC sans préciser la ville devrait lui en boucher un coin, même si c’est HEC (Hautes Etudes de Cuisine) Aïn Chock, ça fait son effet. Ça lui donne une raison de t’admirer pour tes neurones, de se pavaner devant ses potes, de dire à sa mère « elle est brillante » (surtout si tu portes une robe en lurex) et d’avoir l’impression d’avoir décroché un prix Nobel par procuration de semence. Clairement, tes diplômes te serviront plus à rien une fois la bague au doigt, sauf à calculer le taux de rendement des contractions à l’accouchement. Faut bien s’occuper.
4. Etre pieuse. Adjectif du nom « pieu ». En clair, être une musulmane de culture, pratiquante aux temps forts de l’année (ramadan, aïds divers). Croire en Dieu, et en la force du couscous, en la puissance du chef de famille. Respecter l’homme tout puissant, s’incliner devant ses décisions, et connaître au moins quelques sourates. La respectabilité est proportionnelle au nombre de prières. Attention, trop pieuse genre relou ultra-voilée ça n’est attirant que post-mariage, avant on est soit voilée mais maquillée comme un tuto youtube, soit cheveux au vent mais à tendance j’ai des principes et je jeûne 30 jours par an. Pieuse s’entend aussi par « experte au pieu ». Cela contredit un peu le point 2 tu me diras, mais en fait pas du tout. Tu as appris la position du « soleil levant sur l’aurore de l’aine » dans les livres d’éducation sexuelle destinés à satisfaire ton époux. Uniquement. Evidemment.
5. Savoir cuisiner. Comme dit le diction « le chemin vers les c**** d’un homme passe par l’estomac », il est primordial de concocter un tagine à la perfection. Pour pouvoir se projeter avec toi, le type a besoin de s’assurer qu’il ne s’embarque pas dans une période de disette ou pire, de gastro. La femme parfaite est en tablier, et l’attend après le boulot avec un « poulet au citron et herbes du Tadla en papillotes de Tétouan sautées ». Tu le seras (sautée) après le dîner, foi de brebis.
6. Etre apprêtée. Le mouton marocain n’aime pas le naturel de la parisienne à la chevelure en vrac et le jean slim moulant les os. Il aime les libanaises marocaines. C’est à dire la toison lissée, l’ongle french-manucuré, le poil torpillé, le sourcil épilé, et la bouche veloutée, le cul Kim Kardashianisé. La beauté intérieure s’explore la nuit, la journée c’est la beauté extérieure qui compte. Juchée sur des talons, habillée avec soin mais sans ostentation vulgaire ni audace mode trop effrayante (pour lui Dries Van Noten est un dirigeant de Daech), élégante mais pas ouvertement sexy.
7. Ne pas avoir le haut débit. De parole. Parler avec parcimonie, sans éclats de voix, sans rire tonitruant. Un savant mélange entre fausse économie de salive et regards en coin. Tu sais écouter ce qu’il dit, être d’accord avec lui et parfois t’engager dans un débat faussé car à la fin il aura raison après que quand même, pour la forme tu auras argumenté. En présence de ses amis tu le mets en valeur, il est merveilleux, en présence de sa famille tu as le sourire fixé par du fil de pêche à tes lobes d’oreilles. Tu es muette sans être triste, tu es pétillante sans faire de bulles. Tu es une bouteille d’Oulmès dans un verre en cristal. Tu es lumineuse mais pas électrique.
8. Tu es présentable. A sa mère. C’est à dire que pour t’envisager comme digne prétendante au titre patronymique, il faut qu’il puisse t’imaginer à un dîner de famille avec sa mère en chef d’orchestre. Autant te dire que si t’as un tie & dye violet, quatre tatouages sur les bras, un tee shirt « fuck Coco », que tu habites seule depuis tes 18 ans, que tu as fait Ibiza New York 6 fois d’affilée, autant déclarer à sa mère « je suis gay » ça fera le même effet. Même s’il est fou de toi, en particulier dans la position de la moule et du rocher, devant sa mère tu ne feras pas le poids. D’abord parce qu’elle pèse plus lourd, sur la balance (#fact, du moins on espère pour toi), et son pesant d’or (« je vais te déshériter mon fils »).
9. Tu as des ovules. Et tu comptes bien t’en servir. A ne pas balancer tel quel au premier rendez-vous il va croire que tu veux avorter son mode de vie de jeune ambitieux, ton envie de procréer à l’infini sera néanmoins bien vue une fois la cible verrouillée. Le rêve d’une vie, une progéniture braillante et trébuchante, la Pampers au derrière, relançant le chiffre d’affaires de Cérélac.
10. Etre « assez marocaine ». La « marocanité » c’est important, c’est le souverain même qui l’a dit. C’est une notion peu concrète qui ne se résume pas à la couleur du passeport. Etre marocaine dans les valeurs. Très curieusement un type qui aura cumulé les Svetlana pendant ses études, se rabattra sur Khadija ultra ennuyeuse et qui est sortie de chez elle en 94 (pour acheter du pain à son père adoré) en rentrant au pays. Darwin peut dire ce qu’il veut sur la théorie de l’évolution, le mouton veut de l’herbe locale. Porter du Saint Laurent mais penser djellaba, boire du champagne mais ânonner la Fatiha (au moins en filigrane), savourer des sushis mais saliver devant l’Boulfaf, avoir fait le tour du monde mais sans jamais benchmarker les autochtones masculins, être intelligente mais ne pas trop réfléchir.
NDLS : Cet article est issu d’un type d’humour pas forcément drôle, sauf pour celle qui l’écrit, communément désigné par le terme “ironie ». On peut y voir du deuxième degré, histoire de ne pas vexer la moitié du pays. Contrairement à sa version masculine, il est possible d’élargir les prérequis ci-après au Maroc, sauf Agadir, car je ne peux me targuer de connaître les exigences des touristes allemands en matière de compétences féminines.
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