Si je ne suis pas Charlie, qui suis-je ? (info # 011301/15)[Analyse]
Par Raphaël Delpard© MetulaNewsAgency
Après le choc, nous assistons à la logorrhée habituelle déversée à jet continu par les media et les politiques. D'un événement à l'autre, rien ne change. Cependant, cette fois, elle atteint des degrés d'hypocrisie jamais encore égalés.
Devant la mort de 17 personnes a-t-on le droit de critiquer sans paraître cynique et insensible ? Oui, d’ailleurs, les caricaturistes de Charlie n’auraient pas aimé que l’on se taise face à ce carnaval dédié à la récupération de leur mémoire.
Si, à l'unisson de la majorité des Français, les exécutions froidement préméditées de ces journalistes et d’autres Français dans une supérette juive m'ont frappé en plein cœur, ma raison pour autant est restée éveillée.
Car il m'est difficile de participer à la compassion globalisante dans laquelle le pouvoir politique et les media serviles souhaitent nous voir tremper. Je ne peux quant à moi oublier que des Juifs français, une fois de plus, ont été les victimes désignées de la folie mortifère des djihadistes en marche.
Le drame remet en lumière la cécité convenue des politiques, quelle que soit leur place sur l'échiquier, dans leur refus de nommer le mal par le mot auquel il est attaché. Constatons que, pas une seule fois, le chef de l'Etat, lors de ses diverses interventions, n'a eu le courage de prononcer les mots bannis : islam et musulman.
Les terroristes qui sèment la mort et le malheur le font au nom d'une rhétorique extraterrestre. Le fait qu’ils accompagnent leurs actions meurtrières du cri spécifique de "Allahou Akbar" n'a rien à voir avec une religion. Bientôt, on nous fera croire que ce qui est hurlé n'est rien d'autre qu'une formule de politesse ou une façon originale de souhaiter les vœux pour la nouvelle année.
Le déni de réalité acrobatiquement entretenu par une cohorte de journalises, des associations antiracistes et les politiques, ne parvient pas, devant la gravité des faits et l’évidence raciste de leurs mobiles, à empêcher les Français de prendre cette fois-ci conscience de l'origine du mal.
Il suffit pour s'en rendre compte de consulter les blogs : ce qui s'y écrit est aussi édifiant que dangereux. Le réveil peut en effet engendrer, de la part de la majorité silencieuse des sous-chiens, lourdement chahutée sur ses appuis, des réactions d'une violence inouïe à l’encontre de la communauté à laquelle appartiennent les tueurs extraterrestres. J'ai l'âge d'avoir connu, dans les années 1950, ce qui s'appelait alors les "ratonnades", pour ne pas espérer les voir revenir. L'embrasement qui en résulterait alors ouvrirait la porte à la guerre civile.
Tout en pourfendant vigoureusement les mutants galactiques responsables de ces catastrophes humaines, François Hollande évoque, avec force trémolos dans la voix, l'union nationale. Nous nous féliciterions volontiers de cette initiative et irions jusqu’à la qualifier de républicaine, si lui-même, dans l'exercice de ses fonctions, avait précédemment appliqué son principe.
Mais nous de rappeler de quelle manière et avec quelle désinvolture il avait refusé aux Français le référendum qui lui était réclamé à propos du mariage homosexuel. Son refus n'avait-il pas divisé la nation ?
Avant de parler de république et de démocratie, il faut avoir vu de quelle manière les manifestants qui voulaient simplement se faire entendre ont été molestés et jetés en prison.
Pouvait-on, d’autre part, parler d'union nationale tout en refusant à un leader politique représenté à l’Assemblée Nationale de participer à la marche de dimanche ? Mélenchon oui, l’émir du Qatar et Erdogan, qui soutiennent l’Etat Islamique dont se revendiquait Coulibaly, oui, Le Pen non ?
Le comportement de Hollande n'est pas digne d'un chef d'Etat mais plutôt d'un chef de bande adepte de la mesquinerie politicienne. Quoi que l'on puisse penser de Nicolas Sarkozy, il avait invité tous les chefs des formations politiques à l'occasion de la cérémonie qui rendait hommage aux trois soldats tués par un autre membre fanatique de la religion extraterrestre que la censure de la bienpensance interdit de nommer.
Habileté disent déjà certains : en écartant Marine Le Pen de la manifestation, Hollande envoie le message suivant à la fois aux Français et aux musulmans : "Les responsables du climat de haine en France c'est le Front national. Nous, nous sommes avec vous. N'oubliez pas de voter pour moi en 2017".
J'ai attendu toute la soirée de vendredi dernier qu'apparaisse sur les réseaux sociaux le slogan d’identification avec les victimes juives de la superette : "Je suis hypercacher". Mais rien n'est venu.
Samedi matin, en entamant la rédaction de cet article, j'ai eu constamment l'œil rivé sur le Net. Rien. Que faut-il en conclure ? Qu'il serait malséant de rendre hommage à des gens qui appartiennent à ce peuple maudit qui tue les Palestiniens ? Cela signifie-t-il dire que les morts de la superette ne sont pas dignes d'un hommage national ? Il y a donc, en France, des morts honorables et d'autres qui ne le sont pas ?
Il est sûr et certain que François Hollande n’est pour rien dans les crimes monstrueux qui viennent d'ensanglanter notre pays, qu’il est sincèrement affligé et cela doit être précisé. Nous, d’observer qu’ensuite, le gouvernement et le président de la République les ont exploités jusqu’à la corde pour faire passer au second plan les mauvais résultats du chômage et la perte par la France du rang de 5ème puissance économique mondiale. Des drames qui surviennent aussi à point nommé pour tamiser les critiques du Général Vincent Desportes, ancien directeur de l'Ecole militaire et professeur à Science Po, lequel vient de tancer l'exécutif pour son attitude désastreuse à propos des budgets alloués à l'armée.
Les opérations commando contre Charlie et l’épicerie casher viennent pourtant réveiller les socialistes qui rêvaient éveillés d'un pays et d’un monde sans armée. Il y a peu, Martine Aubry, l’indéboulonnable maire de Lille, qui a "gelé" son jumelage avec la ville de Safed dans le doigt de la Galilée, n'avait-elle pas déclaré qu'il fallait la supprimer au prétexte qu'elle ne servait à rien ? Les familles des dix parachutistes tombés dernièrement en Centrafrique ont, à n’en point douter, apprécié la saillie de la bougresse.
François Hollande entend assurément fixer sur sa personne l’image forte du rassembleur. Nous verrons probablement les images de la manifestation montées en boucle pendant la campagne présidentielle de 2017. Il espère pour l'instant - et les conseillers de l'Elysée avec lui - que sa cote de popularité va enfin remonter. En politique, rien ne se perd, tout est utile.
Depuis six jours, la liberté d'expression est sans cesse évoquée. Surprenant contraste quand on songe que les dirigeants d'associations antiracistes avaient adressé une lettre collective au président du CSA, dans laquelle ils lui demandaient d'exclure Eric Zemmour du paysage audiovisuel. Rien de moins ! Les mêmes s'apprêtaient à réitérer leur noble geste avec l'annonce de la parution du livre de Houellebecq. Les drames survenus à Charlie Hebdo et dans la superette juive les ont ceinturés dans leur élan.
Alors, suis-je allé manifester dimanche ? Non ! Parce qu’à Charlie Hebdo, il n'y avait pas uniquement les caricatures, mais aussi le journal. Il était l’un des lieux féroces de la désinformation anti-israélienne. Je ne peux oublier les articles rédigés sur ce sujet par Caroline Fourest et d'autres. Combien de fois n'ai-je écrit à la rédaction afin de faire rétablir la vérité. Sans jamais recevoir la moindre réponse. Lorsque je me suis désabonné, j'ai reçu un appel de la responsable du service, et lui ai expliqué mes raisons. C'est tout juste si elle ne m'a pas traité de fasciste.
Manifester avec qui ? Avec Laurent Joffrin, l'ancien ami des Le Pen, qui, dans Libération, clame que les vraies cibles des islamistes ce ne sont pas les Français, mais Finkielkraut et Houellebecq…
Rendre hommage aux journalistes vedettes de Charlie Hebdo : oui sans aucun doute. Sans pourtant oublier le petit personnel du journal qui a été fauché par les tueurs. N'oublions pas les policiers, femmes et hommes, abattus de sang-froid par ces ordures. N'oublions pas les morts de la superette juive.
Je suis donc Charlie pour ces vies humaines qui furent gommées d'un seul coup. Et je suis pleinement Yoav Hattab, Philippe Braham, Yohan Cohen et François-Michel Saada, les victimes de l'Hyper Cacher de Vincennes, qu’on est précisément en train d’ensevelir dans la terre d’Israël, parce qu'elles se trouvaient dans ce magasin, faisant leurs provisions en prévision du shabbat.