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Un “rabbin star” derrière les barreaux en Israël

 

 

Crédités de pouvoirs miraculeux, certains chefs spirituels israéliens amassent des fortunes aux origines parfois douteuses. Yoshiyahu Pinto, l’un des rabbins les plus riches d’Israël, purge une peine pour corruption.

A la fin de l’été, le rabbin Yoshiyahu Pinto ne pourra pas réaliser son traditionnel pèlerinage à Silistra en Bulgarie, sur la tombe de son « guide », le rabbin Eliezer Papo. Un périple qu’il accomplit toujours escorté d’une noria de membres de l’establishment israélien, démonstration imparable de son influence. Mais cette année, le « rav » sera derrière les barreaux.

Depuis le 28 juin, Yoshiyahu Pinto purge une peine d’un an de prison pour des faits de corruption. Son délit : avoir soudoyé des officiers de police afin d’obtenir des informations sur des enquêtes pour malversations le concernant. Prononcée en mai, la condamnation du chef spirituel a fait du bruit dans l’Etat hébreu. Un vacarme à la hauteur de la puissance et de l’aura qui entourent, depuis des années, cet homme à la voix fluette, parlant de lui à la première personne du pluriel. Rejeton d’un lignage de rabbins versés dans la Kabbale, la tradition ésotérique juive, Yoshiyahu compte des milliers de disciples en Israël et aux Etats-Unis, et contrôle un empire où cohabitent œuvres de charité, écoles talmudiques et biens immobiliers.

DES GOUROUS FORTUNÉS

Parmi ses ouailles, chez les modestes comme chez les plus puissants – des politiciens, des capitaines d’industrie, des athlètes, de hauts gradés de la police et de l’armée – on le crédite de pouvoirs miraculeux. Comme lui, ils sont une poignée en Israël à jouir de ce statut de rabbins « magiques ». Parmi eux, Yaacov Israël Ifergan, réputé pour ses diagnostics médicaux réalisés en un seul coup d’œil, qui lui ont valu le surnom de « Rayon X ». Ou encore les héritiers d’Israël Abou Hatzira, alias Baba Sali, vénéré de son vivant et mort en 1984. Intercesseurs, guérisseurs, conseillers, ces gourous spirituels, passés maîtres dans l’art de monnayer leurs bénédictions, ont amassé de véritables fortunes.

En 2012, un classement “Forbes” des treize rabbins les plus riches d’Israël a laissé entrevoir l’étendue de ces richesses. En tête : Pinchas Abou Hatzira, descendant de Baba Sali, avec un patrimoine de 1,3 milliard de shekels (309 millions d’euros) ! « Rayon X », avec 90 millions de shekels, et le rabbin Pinto, 75 millions de shekels, arrivaient en sixième et septième positions. Les accusations de charlatanisme et d’escroquerie ont fleuri après le dévoilement de ces sommes colossales.

Des critiques que l’affaire Pinto ne fait que raviver. « La religion et la foi mêlées à l’argent et au pouvoir ne peuvent rien donner de bon, soupire Aviad Hacohen, expert des questions de droit, de religion et d’Etat à l’institut Van Leer, à Jérusalem. Il faut mesurer ce que signifie en Israël d’envoyer en prison un rabbin, un homme dont l’intégrité ne devrait faire aucun doute : c’est un choc. »

LE FISC S’INTÉRESSE À L’AFFAIRE

Le fisc israélien n’entend plus rester les bras croisés face au pactole de ces prospères hommes de Dieu. Début juin, l’administration fiscale a indiqué vouloir soumettre à l’impôt leur juteux business. Une annonce qui suit la publication, fin 2014, d’un rapport au vitriol du contrôleur de l’Etat : Yossef Shapira y pestait contre les « kabbalistes qui gagnent des centaines de millions de shekels par an et ne déclarent pas cet argent comme un revenu, mais seulement comme des dons et des pourboires ».

Selon le rapport, des soupçons de blanchiment d’argent planent sur onze de ces rabbins sans que rien n’ait été diligenté contre eux. Le vent serait-il en train de tourner pour les religieux superstars ? Si la ferveur de leurs adeptes semble intacte, la réputation de consultant ès finances que certains s’étaient forgée souffre d’un léger discrédit depuis la faillite ultra-médiatisée de Nochi Dankner et Ilan Ben Dov.

Ces deux magnats des affaires fréquentaient assidûment Pinto et Ifergan. Leurs empires se sont effondrés à la suite d’investissements hasardeux réalisés avec la bénédiction des rabbins. « Ils auraient mieux fait de consulter des économistes, raillait, l’an passé, l’ancien ministre des finances Yaïr Lapid. Cela m’attriste que le travail de certains rabbins se soit mué en une combinaison de magie et d’ingérence dans des sujets qui ne les regardent pas. »

 


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