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BHL : Guerre, mode d'emploi

 

 

 

"L’éternelle culture de l’excuse qui nous présente ces escadrons de la mort comme des humiliés est une insulte à la misère non moins qu’aux exécutés"

Par Bernard-Henri Levy, publié dans le Point

 

Eh bien, la guerre. Une guerre d’un nouveau genre. Une guerre avec et sans frontières, avec et sans Etat – une guerre doublement nouvelle car mixant le modèle déterritorialisé d’Al-Qaeda et le vieux paradigme territorial auquel est revenu Daech.

Mais enfin, une guerre tout de même.

 

Et, face à cette guerre que n’ont voulue ni les EtatsUnis, ni l’Egypte, ni le Liban, ni la Turquie, ni aujourd’hui la France, une seule question qui vaille : que faire ? comment, quand cette sorte de guerre vous tombe dessus, riposter et gagner ?

 

Première loi. Nommer. Appeler un chat un chat. Et oser formuler ce mot terrible de « guerre » dont c’est la vocation, le propre et, au fond, la noblesse en même temps que la faiblesse des démocraties de le repousser aux limites de leur entendement, de leurs repères imaginaires, symboliques et réels.

 

Grandeur et candeur de Léon Blum montrant, dans un débat fameux avec Elie Halévy, qu’il ne parvient pas à se figurer, autrement que comme une contradiction dans les termes, la notion même de démocratie en guerre.

 

Dignité et limites des grandes consciences humanistes de la fin des mêmes années 30 quand elles voient surgir, effarées, les Georges Bataille, Michel Leiris, Roger Caillois et autres compagnons du Collège de Sociologie appelant au réarmement intellectuel d’un monde qui pensait déjà, lui aussi, en avoir fini avec sa part maudite et avec l’Histoire.

 

Nous en sommes là.

 

Penser l’impensable de la guerre.

 

Consentir à cet oxymore qu’est l’idée d’une République moderne tenue de combattre pour se sauver.

 

Et le penser avec d’autant plus de peine qu’aucune des règles établies, de Thucydide à Clausewitz, par les théoriciens de la guerre ne semble s’appliquer à cet Etat fantoche portant le feu d’autant plus loin que ses fronts sont indécis et que ses combattants ont l’avantage stratégique de ne faire aucune différence entre ce que nous appelons la vie et ce qu’ils appellent la mort.

 

Les autorités françaises l’ont compris, au plus haut niveau.

 

La classe politique, d’une seule voix, a entériné leur geste.

 

Reste vous, moi, le corps social dans son ensemble et son détail : reste ce chacun qui est, chaque fois, une cible, un front, un soldat sans le savoir, un foyer de résistance, un point de mobilisation et de fragilité biopolitique – c’est désespérant, c’est atroce, mais c’est ainsi et il faut, d’urgence, en prendre acte.

 

Deuxième principe. L’ennemi. Qui dit guerre dit ennemi. Et il faut, cet ennemi, non seulement le traiter comme tel, c’est-à-dire (leçon de Carl Schmitt) le voir comme une figure avec laquelle on peut, selon la tactique choisie, ruser, feindre de dialoguer, frapper sans parler, en aucun cas composer, mais surtout (leçon de saint Augustin, de saint Thomas et de tous les théoriciens de la guerre juste) lui donner, lui aussi, son nom véridique et exact.

 

Ce nom, ce n’est pas le « terrorisme».

 

Ce n’est pas une dispersion de « loups solitaires » ou de « désaxés ».

 

Et quant à l’éternelle culture de l’excuse qui nous présente ces escadrons de la mort comme des humiliés, poussés à bout par une société inique et contraints par la misère à exécuter des jeunes gens dont le seul crime est d’avoir aimé le rock, le foot ou la fraîcheur d’une nuit d’automne à la terrasse d’un café, c’est une insulte à la misère non moins qu’aux exécutés... Lire l'intégralité.

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