Un sondage commandé par la Fondation du judaïsme français provoque l’indignation !
Telles des douairières corsetées jusqu’au menton que l’on aurait traînées voir un Woody Allen, nos politiques tombent en pâmoison.
Gabrielle Cluzel - Ecrivain, journaliste - Son blog
Un sondage commandé par la Fondation du judaïsme français auprès d’Ipsos et publié dans le JDD, « a provoqué l’indignation de plusieurs politiques sur Twitter », lit-on dans la presse.
Le thème ? Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le vivre-ensemble sans jamais oser le demander. 18 mois d’entretiens, auprès de trois échantillons de population — « général », se considérant comme juif, se considérant comme musulman — et abordant frontalement toutes les questions tabous. Avec forcément, in fine, des réponses tabous. Celles que les Français n’échangent qu’à voix basse, entre amis quand les enfants sont couchés, en ricanant parfois d’un air gêné, comme s’il s’agissait d’insanités.
Et là, telles des douairières corsetées jusqu’au menton que l’on aurait traînées voir un Woody Allen, nos politiques tombent en pâmoison.
Alexis Corbière dégrafe son corsage et s’évente (« Comment est il possible qu’un tel sondage soit imaginé ? »), Gérard Darmarin réclame ses sels (« Comment publier un tel sondage ? »), le sénateur Nathalie Goulet cherche les bras protecteurs du nouveau garde des Sceaux pour s’évanouir, avec grâce, dans un soupir : « Cher Ministre de la Justice, @JJUrvoas cher ami peux-tu immédiatement engager une procédure contre @leJDD #ODIEUX ».
Le JDD et IPSOS seraient-ils bouchés comme des canons de 36 pour avoir oublié qu’en la matière, la bienséance ne connaît qu’un seul sondage : « Le vivre-ensemble est-il une belle réussite, une très belle réussite ou une splendide réussite ? »
Quand on a une vieille mère très malade — comme la France —, on peut piétiner le thermomètre, cela ne la fera pas sauter du lit. On peut aussi casser la binette de ce salaud de laborantin qui a remis des analyses de sang exécrables, elle ne s’en trouvera pas requinquée. La seule façon de la soigner est de l’ausculter. Vraiment, par un bilan complet, pas en lui tapotant sa main cadavérique : « Vous avez drôlement bonne mine, ce matin, mémé ! »
Et il faut être capable d’entendre, voire d’écouter, même si ça défrise, que 56 % des Français « réagiraient mal si leur fille épousait un musulman », que 54 % d’entre eux estiment que « l’immigration n’est pas une source d’enrichissement pour la France », que « les tenues musulmanes agacent ou inquiètent » plus de la moitié, que 80 % considèrent que « la grande majorité des Roms ne sont pas bien intégrés », que « les préjugés antisémites sont très largement répandus au sein de la population musulmane, beaucoup plus que dans l’ensemble de la population française », que« 54 % des juifs envisagent un départ vers Israël ou vers un autre pays », ou encore qu’un musulman sur six déclare « ne pas connaître assez Al Qaïda ou Daesh pour avoir une bonne ou une mauvaise opinion » et même que 10 % d’entre eux « ne sont pas opposés, c’est leur choix » aux Français partant en Syrie pour se battre aux côtés de l’EI.
Les rombières victoriennes chassaient loin de leur vue avec horreur la bonne qui avait fauté, quand celle-ci, serrée à exploser, ne pouvait plus le cacher. Mais ça n’empêchait pas la pauvre fille d’accoucher, son heure venue.
La société française, rejetée par nos pudibonds, accouchera elle aussi, dans la douleur et la rancœur, d’un communautarisme qu’il faudra pourtant bien ce jour-là regarder en face.