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L’identité juive marocaine à Montréal, par David Bensoussan

 

 

La communauté sépharade au Québec compte aujourd’hui près de 25 000 âmes dont la majorité est arrivée au Canada à partir de la fin des années 50. Toutefois, les premiers Juifs maghrébins s’installèrent au Canada depuis le début du XIXe siècle : Les Pinto, les Sabbag-Montefiore et les Corcos. Ces familles s’intégrèrent alors à la communauté juive sépharade du Bas-Canada (ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que les premiers Juifs ashkénazes commencèrent à arriver). Dans le contexte d’alors, la division entre anglophones protestants et francophones catholiques était très marquée. Les non catholiques se virent interdits l’accès aux écoles catholiques francophones jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle et, par la force des choses, la communauté juive devint essentiellement anglophone.

Au fil des années, la communauté juive de Montréal est devenue un des fleurons des communautés juives d’Amérique du Nord. Son réseau d’écoles, ses services hospitaliers, ses camps d’été pour les jeunes, ses maisons de retraite, son sens du bénévolat et de la philanthropie, son dévouement envers les causes juives et Israël en font un parangon d’organisation communautaire efficace à souhait.

L’immigration de la communauté sépharade au Québec a nécessité tout un réinvestissement. Les écoles publiques francophones n’étaient pas accessibles et les écoles confessionnelles juives étaient anglophones. Il a fallu donc créer des institutions juives francophones. Au cours des années, la communauté sépharade d’origine maghrébine s’est naturellement unie aux Sépharades originaires d’Égypte, du Liban d’Iran et d’ailleurs avec lesquelles l’affinité culturelle était grande. De par son nombre et du fait qu’elle est à l’aise avec le judéo-arabe et le judéo-espagnol, la communauté juive marocaine s’est trouvée au centre de gravité des séfarades du Québec si ce n’est du Canada.

En tant qu’organisation, la CSUQ ou Communauté sépharade unifiée du Québec s’est structurée pour répondre aux besoins spécifiques de ses membres. En raison de la division linguistique sépharade-francophone versus ashkénaze-anglophone, l’organisation communautaire de la CSUQ dispose d’un degré d’autonomie important au sein de l’organisation communautaire juive. Toutefois, cette division linguistique devient de moins en moins marquée. Aujourd’hui, les profils des deux communautés en termes d’éducation et de revenu s’équivalent.

Qu'en est-il des Juifs francophones pour la plupart d'origine nord-africaine? Il faut tenir compte de ce que ces populations ont vécu des révolutions extraordinaires en l'espace d'une ou deux générations. Tout d'abord ce fut la francisation qui remplaça le vernaculaire judéo-arabe et judéo-espagnol. Ce fut également le saut abrupt à l'ère technologique. Ce fut aussi le témoignage de l'irrésistibilité des mouvements nationalistes, dont le sionisme. Ce furent aussi l'émigration et les révolutions technologiques et sociales – la révolution des mœurs – de l’ère moderne. À ces révolutions multiples s’ajoute l’immigration au Canada, dans une société elle-même en quête d’un projet national au sein même de la Confédération canadienne. D’où le profond besoin de sentiment identitaire.

La jeunesse juive marocaine se sent profondément juive. Contrairement à la communauté ashkénaze, le degré de pratique religieuse ne crée pas des scissions de type orthodoxe, conservateur ou réformiste. Par contre, il existe une partie de la jeunesse qui s’identifie aux mouvements hassidiques (Habad, Braslav etc). En effet, la majorité de la communauté n’a pas encore trouvé une façon d’exprimer un judaïsme d’ouverture dans la tradition séfarade dans lequel elle se reconnaîtrait. Par ailleurs, la nouvelle génération qui est parfaitement anglophone, est intégrée dans les mouvements de jeunesse estudiantins et beaucoup d’entre eux y sont des leaders. L’on assiste également à des premiers essais d’implication dans les mouvements politiques canadiens et québécois.

Le festival de la Quinzaine sépharade de Montréal est devenu un point de rencontre où l’on peut célébrer les arts, la musique, la danse et le théâtre et aussi la collaboration avec les artistes et les penseurs québécois. Certaines pièces de théâtre sont produites en français, en judéo-arabe, et en judéo-espagnol. Aujourd’hui, la renaissance culturelle des Sépharades et des Israéliens en général constitue un pôle de ressourcement important. Bien que l’affinité avec la culture marocaine soit grande, l’identification est marquée par un dévouement sans faille à la cause israélienne. Des mouvements d’Aliya de jeunes professionnels sont un phénomène récent.

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