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Lettre ultime à ma mère, par Vanessa De Loya                                                                                Le 12 Mai 2016

A ma petite mère ,

Est-ce la disparition de ton regard qui me prend au dépourvu ?

Un mois déjà sans le son de ta voix , privée de tes ‘’r’’redoubles et de tes qualificatifs  chaleureux en Arabe dialectal .

Tu es partie à l’aube discrètement. Paris ne sera plus mon escale maternelle : le Fb du Temple n’a plus de siège .

A qui écrire , à qui me taire ? Toi ma destinatrice d’election, mon interlocutrice favorite qui me renvoyait une reconnaissance vivifiante , édifiante .

 - Rempart incommensurable  -

Souveraine incontestée , tu rayonnais par ton affirmation et savait te faire entendre.Tu me défendais  auprès des professeurs parisiens sarcastiques  qui s’etonnaient de mon style .Telle une Ambassadrice tu leur rappelais que le Maroc fut colonise et le Français notre premiere langue !

Tôt a l’age de 6 ans tu m’invitais a t’accompagner au Hammam de Marrakech et m’induisais de tes crèmes après les séances de peeling . Simple transmission de féminité.

Complices nous avons vécu en Israël dans l’enthousiame de la joie de l’immigration et du sionisme. Dans ce temps la on ne l’entachait pas d’antisemitisme !

Surprises par la guerre de Kippour , nous l’avons bravée avec stoïcisme. Tu te mobilisas auprès de la Wizo et en bonne leader rassemblas des colis destinés a adoucir l’isolement des soldats .

Cette experience de non -diaspora nous aura liee a jamais , laissant mes soeurs et frères jaloux de cette communion .

Tu surgissais les bras fleuris a mes colloques et vernissages .

A la fin des symposiums , tu levais la main pour te présenter

Comme une mère orgueilleuse et concluais mes évènements par une salutation flatteuse. Je blêmissais , moi ta petite benjamine .

Aujourd’hui , tes approbations me manquent à un point aigu .

Tu insistais a rencontrer Talisma Nasrin , l’eternelle exilée du Bangladesh , poete et gynécologue  venue a L’espace Cardin invitée par Antoinette Fouque .Tu lui témoignas ta solidarité contre sa lutte incessante quant aux violences subies lors de son adolescence .La Fatwa érigée contre elle et S.Rushdie te révoltait au même titre que toute forme d’obscurantisme religieux .Toi la feministe , fan de Francoise Giroud et Benoite Groult , tu mesurais la solitude imposée par l’exil forcé .

Grâce a toi j’ai évité d’etre Penelope. Mon père libertin qui t’a éprouvée m’aura fait choisir un autre type d’homme !

Grande amoureuse , tu l’as épousé deux fois. Escapades pardonnées , le ressentiment se transfigurait en hoquet ! 

La mémoire de votre belle étreinte te rendait conciliante .

Votre couple fut un modèle de jovialité .Tout alibi de fête débouchait sur des fastes célébrations avec orchestre Andalou et buffet exquis .

Par ailleurs tu savais constituer une ambiance intime avec ton sens du rituel et du sacré . J’ai retenu ta leçon,  mère .

Tu m’as offert avec une belle dédicace  le livre ‘’Choulhan Arourh de Joseph Caro datant du 16eme siècle. Parfait code de loi juive . Le livre des psaumes fût ton second cadeau .Je te fis entendre le CD de Bashung lisant le cantique des cantiques .Il obtint ta grâce .

Freud et son interprétation des rêves te subjuguait. Boris Cyrulnik te passionnait avec sa thèse sur la résilience.

Quand je t’annoncais ma décision d’ouvrir un cabinet de psychanalyse  , tu me rappelas qu’etant plus jeune j’aimais dire  ‘’laisse tomber’’.Selon toi , une façon de pas s’encombrer de certaines pollutions . ‘’ Ca m’etonne pas ma fille , tu as toujours pris les grandes avenues ‘’….

Laziza , je garde de toi une image élégante inaltérée .

A mes côtés tu seras ma mère constante , mon inspiration , ma veilleuse .

                                                                                     ta fille, Vanessa

Vanessa De Loya Stauber

vanessaorient@yahoo.fr