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Mobilisation de la diaspora des juifs Marocains

 

 

Difficile de parler de factuel pour  un sujet comme le judaïsme  marocain, qui a quelque 2.500  ans d’histoire. Et qui persiste  et signe par une actualité, précisément,  qui l’entretient et le pérennise jusqu’à  aujourd’hui, pour être, plus que jamais,  présent demain et après-demain.

Pendant près de deux semaines, la communauté juive marocaine a connu une  activité à dimensions multiples, dans un  programme riche et varié. Pas plus tard  que le lundi 23 mai 2016, le musée du  judaïsme marocain, à Casablanca, a abrité  une conférence sur la communauté juive  d’origine marocaine, installée aux États  Unis et au Canada.

Autant le musée est unique en son genre  de par le monde, autant l’occasion était  délibérément propice pour rappeler une  vérité de toujours quant à l’enracinement  historique de la culture juive comme partie  intégrante de l’identité marocaine. Le rappel  est de Serge Berdugo, secrétaire général  du Conseil des communautés israélites  du Maroc et ambassadeur itinérant de S.M.  le Roi.

Le lendemain mardi 24 mai, une rencontre  similaire a été organisée à Rabat. Le programme  prévoyait également une visite de recueillement sur la tombe de Rabbi  Amrane Ben Diwane de Ouazzane. À la  faculté des lettres de Marrakech, une  conférence-débat a été organisée le vendredi  20 mai, sur “La pensée juive en terre  d’Islam”. Tout avait commencé par une  soirée culturelle à la Bibliothèque nationale  de Rabat, le mercredi 18 mai, sous le  thème “Regard sur le judaïsme marocain”.

Existence multimillénaire

Chaque fois que l’on évoque la communauté  juive du Maroc, on se retrouve face à  un paradoxe : comment se fait-il que cette  population qui ne compte plus que quelque  3.000 ressortissants est aussi active,  avec une voix qui porte au-delà des frontières,  là où réside la diaspora de la même  extraction nationale et confessionnelle,  quasiment partout dans le monde? Ce  paradoxe est en fait un attribut d’existence multi millénaire qui a traversé les vicissitudes  historiques les plus dramatiques et  résisté à l’usure du temps, pour assurer  une permanence dans la longue durée.  Lors d’un de ses déplacements aux États  Unis, Hassan II avait rencontré les juifs  d’origine marocaine de New York en janvier  1992. Le grand rabbin de cette métropole,  lui-même marocain, s’était adressé à lui en  ces termes: «Majesté, je vous parle de plus  de 2000 ans de présence au Maroc», sous  entendu “et ça continue”.

Les moins jeunes ont en mémoire cette  présence qui prenait des allures très  simples, mais qui avaient une grande signification  sociétale. Une image, parmi tant  d’autres, le cordonnier du quartier était juif  en jellaba et longue barbe blanche bien  fournie. Il parlait berbère avec ses amis  berbères musulmans assis autour de lui,  alors qu’il martelait son sabot pour raccommoder  une chaussure vacillante.

C’était l’époque où les femmes musulmanes  confiaient leurs bébés à des voisines  juives pour allaitement, le temps  d’une petite absence. Un geste de grande  signification religieuse. Juifs et musulmans  s’échangeaient skhina et couscous entre  bons voisins. C’était le quotidien d’une  ancienne médina bercée par les mélodies  de Sami El Maghribi, Albert Suissa, Zahra  El Fassia et autres Boutbouls, au dedans  comme en dehors du mellah. À elle seule,  cette image donne un souffle de vie au  fameux “vivre-ensemble”.

L’exception marocaine

À telle enseigne que le Maroc semblait  ramer à contre-courant lorsque le premier  gouvernement post-indépendance  comptait un juif marocain, Léon Benzakine,  comme ministre des PTT, sous la direction  de M’barek El Bekkay, en 1956. Puis un  ministre du Tourisme, entre 1993 et 1995,  en la personne de Serge Berdugo. Et, un  peu plus récemment, un conseiller de Hassan  II puis de Mohammed VI, André Azoulay,  qui aime à répéter qu’il a été choisi pour  ses compétences reconnues plutôt que  pour son appartenance confessionnelle. Il  ne faut surtout pas oublier le geste courageux  de Mohammed V qui a refusé d’obtempérer  au diktat du gouvernement de  Vichy, relayé par une Résidence vichyste,  de livrer les Juifs marocains à la barbarie nazie. L’exception marocaine, c’était tout  cela à la fois. Pour autant, tout n’a pas été  dans le meilleur des mondes possibles.  Car, aussi marocain soit-il, peut-être même  parce que marocain, l’élément juif ne pouvait  échapper ni à l’événementiel international,  ni au contexte politique national. La  question palestinienne, pour laquelle les  Marocains avaient pris fait et cause, à juste  titre, a toujours été présente dans notre  rapport à nos compatriotes juifs.

Israéliens de seconde zone

La Guerre des Six jours de 1967 a provoqué  une recrudescence de l’exode juif, plus  vers le Canada, les États Unis, l’Espagne  et la France que vers Israël. Et ce n’était  qu’une reprise après le premier grand  départ entre 1950 et 1960, sous l’influence  et la supervision du mouvement sioniste  mondial, qui ne pouvait pas ne pas avoir  des relais ici-même, au Maroc. Du coup,  le nombre de juifs marocains, résidant au  Maroc, a littéralement fondu. Il est passé  de 230.000 en 1948, à 70.000 en 1967 et  juste un peu plus de 3.000 actuellement. Tous ces migrants sépharades, fichés  orientaux, ne seront pas les bienvenus sur  leur “terre promise”. Ils sont devenus des  israéliens de seconde zone, victimes d’un  État ségrégationniste qui leur préfère les  Ashkénazes d’Europe. Beaucoup de ces  migrants déçus ont repris le chemin du  retour au Maroc ou ailleurs.

Les Juifs marocains ne pouvaient pas  non plus être en marge de la vie politique  nationale. Certains y ont adhéré, parfois  dans une franche opposition à l’ordre établi,  en assumant toutes les conséquences  pénibles qui ont marqué ce qu’on a appelé,  après coup, les “années de plomb”. On y  trouve des noms aux compétences reconnues  dans leurs domaines respectifs, également  connus pour leur antisionisme  déclaré, tels Sion Assidon, Jacob Cohen,  Simon Levy, Edmond Amran El Maleh et  Abrahem Serfaty, entre autres.

C’est toute la question, voire toute la signification  affective, mais néanmoins pragmatique  de ces journées culturelles du  souvenir centrées sur la particularité du  judaïsme marocain.

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